Chapitre 23 : Une fleur offerte

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- T'en as mis du temps purée ! T'as fait la grosse commission ? s'égosilla Alexy quand je le rejoignis sur le canapé.
- Tais-toi, pestai-je en levant les yeux au ciel.


Je sentais son regard sur moi, il me sondait en plissant les yeux d'un air intelligent qui me donna envie de l'étriper.

- T'es rouge comme une pivoine, tes lèvres sont enflées et t'as disparu au moins une bonne dizaine de minutes, commença-t-il en caressant de ses doigts son menton sans me quitter de ses yeux. J'suis peut-être pas Sherlock Holmes, mais j'ai comme l'impression que tu t'es gentiment faite secouer aux toilettes.
- N'importe quoi, démentis-je en sentant malgré moi mes joues s'empourprer encore plus.
- Je croyais que t'avais décrété que tu me mentais plus ? A moins qu'il faut que je me cache dans une nouvelle armoire pour obtenir ce que je veux, tu sais que j'en suis capable !
- Et il est passé où le discours de l'ami compréhensif qui accepte que je sois pas prête à en parler ? relançai-je en laissant tomber ma tête en arrière en soupirant de fatigue.
- Euh... J'ai déjà tenu un discours comme ça ? répondit-il en faisant semblant de réellement réfléchir à la question.
- Bon ça va ! J'ai embrassé Castiel, t'es content ? finis-je par dire en plaçant à nouveau mes mains devant mes yeux pour ne pas voir son expression.


La musique était tellement forte que je n'étais pas vraiment capable de savoir s'il m'avait entendu. Mais ce qui me convainquit fut le fait qu'il garda le silence pendant bien plus longtemps qu'il n'en était réellement capable.
Il prit mes mains dans les siennes pour me les retirer de mes yeux et me forcer à le regarder. Il avait cet air réfléchi qui me confortait dans l'idée qu'il allait me dire quelque chose de sérieux, qu'il ne se marrait plus à mes dépends comme il en avait l'habitude.

- Mélodie, qu'est-ce qu'il se passe avec Castiel ? finit-il par dire en fronçant les sourcils.
- Tu veux vraiment avoir cette discussion ici ? couinai-je en montrant la pièce bondée d'un coup de tête.
- Tu sais très bien que ce n'est pas l'endroit le problème. T'arrives pas à en parler parce que tu l'acceptes pas, souffla-t-il à mon oreille.


Bien entendu, il avait encore raison. Et puis, lui dire maintenant ou lui dire plus tard me terrifiait tout autant. Pour le moment, ça avait été juste un truc entre Castiel et moi, un truc totalement insensé, totalement secret et incontrôlable. Je ne voulais pas que tout cela sorte de ma bouche, parce que je ne pourrais plus faire demi-tour, et que tout ceci allait prendre une tournure bien trop concrète. Et rien n'était concret, tout ce que je ressentais n'était qu'abstrait ; des ressentis, des passions. Pourquoi vouloir mettre des mots sur ce qui ne pouvait pas s'expliquer ?

- Je peux pas l'expliquer, répétai-je à voix haute en me mordillant la lèvre inférieure.
- C'est bien la première fois que t'arrives pas à expliquer un truc, souffla-t-il avec un sourire aux lèvres. La prof de maths serait pas contente du tout !


Je le vis jeter un coup d'œil très rapide dans la direction de Nora. Cette dernière était toujours en pleine discussion avec l'inconnu, Alexy apparaissait de plus en plus tendu. Une fois l'inspection qu'il effectuait toutes les cinq minutes terminée, il posa de nouveau son regard sur le mien.

- Ne sois pas si nerveux, tu ne le connais même pas, commençai-je en lui caressant la joue.
- Je sais, confirma-t-il en riant. Mais il me plaît, et j'ai vraiment envie que ça se passe bien. Ca me rend nerveux...
- Franchement, si lui aussi est gay, je suis sûre qu'il ne pourra pas te résister, lui assurai-je alors qu'il posait ses main sur les miennes.


Je lui souris. Il se mit soudainement à froncer les sourcils et à plisser les yeux.

- T'essayes de détourner la conversation là ? s'exclama-t-il sur un ton accusateur.
- T'es insupportable ! Je suis ici à cause de toi, alors est-ce qu'on pourrait au moins essayer de s'amuser un peu au lieu que tu me fasses subir cet interrogatoire ? relançai-je en espérant réellement qu'il mordrait à l'hameçon de la culpabilité.


Il me contempla longuement, et je crus qu'il allait comprendre ma tentative de détourner son attention mais il se releva et me tendit sa main. Je m'en saisis en riant et il m'emmena vers d'autres danseurs pour nous joindre au mouvement d'euphorie collective. Il s'amusait à me faire tournoyer dans tous les sens. Sa joie de vivre était totalement contagieuse et je suivais ses pas de danse maladroitement, j'avais l'air ridicule mais je m'en fichais, tout devenait un jeu avec lui. Il se pencha soudainement à mon oreille pour me dire quelque chose.

- Il est fou putain, regarde là-bas ! hurla-t-il pour se faire entendre par-dessus la musique.

Je tournai la tête pour observer la direction qu'il m'indiquait. Toute une petite troupe s'était amassée autour de Castiel qui était en train de faire le pitre, pour changer. Je plissai les yeux pour observer la connerie qu'il avait encore pu inventer, il était toujours torse nu et je sentis une sensation agréable dans le ventre. Rha ! J'avais horreur de ça ! Pourquoi me faisait-il cet effet horrible ?
Alexy éclata soudainement de rire et je finis par comprendre pourquoi tous les regards étaient rivés sur le rouquin. Il était certes totalement saoul mais paraissait tellement concentré à la tâche. Il avait assis Armin sur une chaise de la petite cuisine sous le regard sceptique de Véra. La blonde semblait partagée entre un agacement vis-à-vis de la tournure des évènements et un amusement qu'elle avait dû mal à dissimuler.

- Putain mais Armin ! s'écria Alexy en redoublant de rire. Il a pas du tout respecté la règle de ne pas boire un verre à ce que je vois ! Il est incorrigible putain, je le préfère quand il est collé le cul devant ses jeux vidéo !

Et en effet, Armin souriait bêtement assis sur sa chaise. Castiel était au-dessus de lui avec un pot et une sorte de pinceau dans les mains qu'il étala sans retenue sur une des mèches du jumeau. Il replia le tout avec du papier aluminium et Armin afficha fièrement avec un sourire d'abruti heureux la partie de ses cheveux enveloppée.

- Il va rien comprendre demain quand il va se rendre compte qu'il a une mèche de cheveux à la Castiel dans sa tignasse noire, grommela Alexy en levant les yeux au ciel. S'il te demande, j'ai rien vu du tout j'aurais pas pu l'en empêcher !

Je hochai la tête en souriant, j'étais persuadée que c'était encore une des brillantes idées de Castiel. Ce fut à ce moment-là que Nora nous rejoignit en se frottant les mains.

- Il est où ? l'interrogea immédiatement Alexy en arrêtant de danser pour balancer sa tête dans tous les sens.
- Calmos l'asticot, il est parti me chercher un verre ! lui apprit Nora.
- Et alors ? C'est quoi ton verdict ?
- Je lui ai fichu mon décolleté sous le nez pendant vingt minutes, s'il est pas gay mes copines et moi on prend un grand coup dans l'ego, déclara-t-elle en jetant un regard vers sa poitrine.


Nous attendîmes un peu que le coup de cœur d'Alexy revienne avec le verre de Nora. Que fut ma surprise quand je l'aperçus se diriger vers nous en compagnie de Matt. Je ne l'avais pas revu depuis notre petite altercation, enfin, il avait tout fait pour m'éviter surtout. Il se figea en m'apercevant mais reprit vite une figure neutre en se dirigeant vers nous. Il jeta des regards autour de lui mais ne trouva pas d'issue et prétendit de reprendre un intérêt particulier à la discussion qu'il échangeait avec l'inconnu. Je tentai moi aussi de prétendre que cet incident ne m'avait pas vexé et me mis à scruter celui avec qui Matt était en pleine discussion. Il avait les cheveux très courts et ça allait parfaitement bien avec la rigueur de ses traits. Ses lèvres étaient fines et je réussis à distinguer un tatouage qui dépassait du col de son T-shirt et montait jusqu'au début de son cou.
Ils s'arrêtèrent tous les deux face à nous et stoppèrent leur conversation et le nouveau venu tendit le verre qu'il avait dans la main à Nora.

- Merci Oliver, le remercia-t-elle avant de se tourner vers nous. J'te présente mes potes Mélodie et Alexy. Et je vois que tu connais déjà Matt !
- Ouais, on a fait du hockey ensemble au collège, le monde est petit ! s'exclama-t-il avec un sourire en tapant amicalement le dos de mon voisin.


Il échangea encore quelques rires avec Matt avant finalement de déplacer son attention vers Alexy, qui n'attendait que ça depuis le début de la conversation.

- On arrête pas de se croiser ce soir ! relança-t-il en s'adressant à mon jumeau.
- Vous vous connaissez aussi ? fit mine de s'étonner Nora qui méritait un prix pour ses talents de comédienne.
- Je l'ai juste bousculé un peu tout à l'heure, répondit-il en haussant les épaules. Encore désolé sérieux, je regardais pas du tout où j'allais.
- Y'a pas de mal, assura Alexy en passant ses bras derrière sa tête.
- C'est lui dont je t'ai parlé qui veut travailler dans la mode, le design,... continua Nora. Oliver travaille sur le tournage d'un film et il galère un peu sur un des costumes. Je lui ai dit que tu pourrais peut-être lui donner un coup de main !


Je n'écoutais qu'à moitié la conversation et j'avais le regard posé sur Matt. Ce dernier était en train de plisser les yeux, il les connaissait bien et se rendait peu à peu compte par la tonalité de leur voix qu'ils étaient en train de préparer un sale coup. Il n'essayait même pas de croiser mon regard, je voyais bien qu'il était tendu et cherchait la moindre occasion pour se carapater. J'avais envie de pleurer, je l'avais encore trahi ce soir. La dernière chose que je voulais était de faire quelque chose qui pourrait lui faire du mal, il me manquait tellement. J'avais toujours, toujours été habituée à sa présence. Jamais nous ne nous étions disputés de la sorte. C'était surréaliste, surtout pour Matt qui n'arrivait pas à être énervé contre quelqu'un plus de deux jours.

- Si t'as vraiment besoin d'aide, je peux toujours te filer mon numéro, proposa Alexy d'un ton qui se voulait détaché.

Je tournai le regard et je me rendis compte que j'avais dû louper un bout de la discussion. Peu importait, j'avais l'impression que les évènements tournaient à l'avantage de mon ami et cela me faisait réellement plaisir.

- Carrément ! approuva un Oliver très enjoué en sortant son téléphone de la poche arrière de son jean.
- Oh ! Mince ! Véra nous appelle ! mentit Nora en nous lançant un regard noir à Matt et moi.


Matt ne semblait pas comprendre alors j'osais franchir la barrière invisible qu'il avait instauré pour le prendre par le bras et le tirer dans la direction indiquée par Nora. Il me suivit sans trop rechigner mais observait ma main posée sur lui avec une mine renfrognée. Une fois hors de portée de vue et d'oreille d'Alexy et Oliver, Nora se retourna vers nous avec un énorme sourire aux lèvres.

- Haaaa ! hurla-t-elle en sautillant sur place. Bordel comment je gèèèère ! Vous avez vu comment ça s'est bien passé ?
- De quoi tu parles ? la questionna Matt en libérant son bras de ma main.
- Je te fais un topo rapide : Alexy a trop craqué sur Oliver, du coup j'étais chargée de vérifier son baromètre. Et là j'ai l'impression que ça se passe bien, résuma Nora avec un sourire satisfait.
- Oli ? reprit Matt en se frottant le menton. Vous auriez pu me demander, je savais qu'il était gay. Mais si j'en crois son actualité facebook, il a déjà un mec. Pas très fut fut les entremetteurs.
- Mais merde ! Et comment j'étais censée deviner que tu le connaissais ? grogna férocement Nora en appuyant férocement son index sur l'épaule de Matt.
- Peut-être parce que s'il est invité ici c'est forcément que quelqu'un le connaît, répliqua Matt.


Nora plissa les yeux, signe qu'elle s'avouait vaincue mais qu'elle ne voulait pas l'admettre. Elle détourna son attention de Matt un instant et me regarda avec un nouvel air suspicieux.

- Pourquoi vous avez l'air si tendus tous les deux ? demanda-t-elle parce qu'elle avait dû se rendre compte de la distance que nous avions automatiquement instauré entre nous.
- Pour rien, assura sèchement Matt.
- T'as encore essayé de la tripoter ? s'enquit Nora qui ne voulait apparemment pas lâcher l'affaire.
- J'me casse, tu me saoules Nora, ronchonna-t-il en mimant le geste à la parole.


Je le regardai s'éloigner avec un pincement au cœur. Nous en étions arrivés là, il ne voulait même plus se trouver dans la même pièce que moi. Je le comprenais en un sens, il avait besoin de temps, de recul. J'espérais tellement fort que nous retrouverions notre complicité. Je ne voyais pas ma vie sans cet imbécile à mes côtés. Il me paraissait être une condition sine qua none, il était ma famille.
Nora ne sembla pas insister plus que de coutume, elle se contenta de me lancer un petit sourire contrit. J'avais eu de la chance de tomber sur elle, et non sur Rosalya qui m'aurait totalement assagie de questions jusqu'à plus soif. Je triturai mes doigts nerveusement, j'avais maintenant envie de rentrer.
Je relevai les yeux et mon regard se posa sur une silhouette qui se distinguait sur la terrasse à travers la baie vitrée. Castiel était dehors, toujours torse nu. Je sentais mes vieux instincts ressortir et je mourais d'envie de lui dire de mettre une veste pour ne pas qu'il attrape froid. Je me retins parce que je savais qu'il n'apprécierait sûrement pas, et qu'il m'enverrait paître.
J'aperçus dans la nuit une autre silhouette et je ne pus retenir une grimace quand je reconnus la blonde qui était sur lui dans le canapé tout à l'heure, et sûrement celle qui lui avait parlé pendant que nous étions aux toilettes. Ils semblaient discuter. La blonde paraissait énervée, Castiel agita les bras sous son nez avec agacement. Je n'avais aucune idée de ce qu'ils échangeaient, mais la blonde se mit soudainement à rire. Pourquoi riait-elle ? Il venait de la rejeter ! Plus je la voyais sourire et plus un sentiment de frustration me montait dans l'estomac. Bon sang, si cela ressemblait de près ou de loin à de la jalousie, je détestais cela.

- Si tu veux je peux la pousser par-dessus le balcon, se moqua Nora qui avait sans aucun doute intercepté mon regard.

Je lâchai un grognement peu gracieux en levant les yeux au ciel.

- C'est juste que je ne comprends pas pourquoi elle accepte de lui faire la discussion après la façon dont il lui a parlé, assurai-je en me mordillant la lèvre nerveusement.
- Elle est un peu bizarre, reprit Nora en haussant les épaules. Ils sont sortis ensemble deux mois je crois. Il l'a ramené à une soirée une fois, j'étais là. Au début je me suis dit que c'était la fille parfaite pour lui : autoritaire, plutôt vicieuse et avec un sale caractère. Et puis j'ai capté qu'elle était un peu trop attachée à lui pour que ça marche.


J'observais toujours la scène et je n'arrivais pas à imaginer Castiel en couple. C'était le genre de choses qu'il cachait à tout le monde, il n'aimait pas parler de ses sentiments. Contrairement à ce que certaines rumeurs au lycée attestaient, il était bien loin d'afficher ses conquêtes.

- Ils se sont remis ensemble ? m'enquis-je.
- Non, je crois pas.
- Bon, peu importe de toute façon, marmonnai-je en sentant que je sortais de ma rêverie. Je vais y aller, tu surveilles bien Castiel et Alexy pour moi d'accord ? Et empêche Lysandre de toucher à un seul verre !
- C'est noté général ! s'exclama-t-elle en effectuant un salut militaire qui m'arracha un éclat de rire.


Je jetai un dernier regard vers le balcon. Castiel n'était plus de dos en train de fumer sa cigarette mais me faisait face en m'observant avec son sourire en coin. La fille blonde semblait lui raconter quelque chose mais il n'écoutait pas. Sans pouvoir m'en empêcher, je lui fis les gros yeux en mimant quelqu'un qui enfilait un manteau. C'était ridicule, il n'allait tout de même pas rester toute la soirée dehors dans cette tenue. Ce n'était pas parce qu'il était saoul et totalement irresponsable qu'il devait se retrouver avec un rhume le lendemain.
Il leva ostensiblement les yeux au ciel en tirant à nouveau sur sa cigarette pendant que je quittai ce bain de foule qui commençait sérieusement à m'oppresser.
Je récupérai mon manteau que j'avais rapidement déposé sur le tas de vêtement au niveau du sas d'entrée. Je l'enfilai avant de m'enfuir de l'appartement. Je fis le chemin inverse et pris à nouveau les escaliers, la tête pleine de toutes les histoires qui avaient eu lieues ce soir.
J'entendis alors un sanglot, ou un gémissement. J'eus un premier sursaut mais quand j'aperçus la tignasse rousse d'Iris, je sentis la panique me monter. Elle était assise sur la première marche de l'escalier, le visage entre les mains et pleurait douloureusement. Je posai une main hésitante sur son épaule et quand elle releva ses beaux yeux bleus emplis de larmes sur moi, je sus immédiatement que quelque chose de grave était arrivé. Elle semblait totalement dévastée et perdue.

- Mél-Mélodie ? bégaya-t-elle en tentant d'essuyer ses joues. Je croyais que... Tu ne venais pas ?
- C'est à cause d'Alexy, mais mon Dieu qu'est-ce qu'il t'arrive ? m'exclamai-je en m'accroupissant à ses côtés.


Elle se mordit la lèvre pour tenter de retenir de nouvelles larmes. Je la pris entre mes bras, la serrant fort contre moi parce que j'avais mal. J'avais mal de la voir ainsi. Pourquoi toutes les personnes que j'aimais étaient-elles malheureuses ?
Je lui caressai doucement les cheveux, sentant qu'elle commençait à se calmer.

- J'ai-J'ai fait un truc tellement nul Mél, commença-t-elle. Je suis malheureuse, rien ne va en ce moment...
- Tu t'es fait mal ? m'inquiétai-je en l'inspectant avec nervosité.
- Non, non, assura-t-elle en secouant la tête ravagée par de nouveaux sanglots. J'ai... J'ai perdu ma virginité ce soir Mélodie.


Je pris du recul, j'avais besoin de la regarder droit dans les yeux pour appréhender cette information. Je ne l'avais pas vu venir celle-là.

- Avec un abruti ! ajouta-t-elle alors que son regard se perdait dans le vide. Je ne sais pas ce qui m'a pris, je ne le connaissais même pas, je... J'étais avec Alexy et un garçon m'a accosté en me proposant de boire un verre, il s'appelait Sam. J'étais tellement heureuse, je me suis enfin sentie attirante. Mélodie, je... Je me sens si mal dans ma peau en ce moment... Si peu désirable. Et lui, il m'a complimenté, il a été serviable... C'est un voisin de Castiel alors il m'a proposé d'aller chez lui, je... J'ai dit oui. C'était idiot mais j'ai eu l'impression que... Que j'étais jolie tu vois ? Qu'il m'appréciait et qu'il avait envie d'en apprendre plus sur moi. Moi ! Pas sur mes seins... Regarde comme je suis idiote !

Sa voix était si fébrile, si brisée. Je ressentais sa douleur parce qu'elle me semblait lui sortir de tous les pores de son être. Comment n'avais-je pas pu voir qu'elle était si mal en ce moment ? Je pressai mes mains sur mes yeux. Je ne faisais que du mal autour de moi, d'abord Matt, et maintenant j'étais incapable de voir que ma meilleure amie était au bord du précipice.

- J'ai couché avec lui... reprit-elle. C'était tellement atroce... Je me sens si ridicule. Une fois que ça a été fini, c'est limite s'il ne m'a pas jeté dehors comme une malpropre. Et merde mais qu'est-ce qui cloche chez moi ?!

Elle lâcha un long soupir douloureux dans une grimace qui m'arracha le cœur. Je me sentais si mal.

- Je suis tellement désolée... lâchai-je piteusement. J'aurais dû voir, j'aurais dû t'en empêcher. Je n'ai pas été là pour toi... Je suis désolée...

Ce fut à son tour de me prendre dans ses bras. Je sentais son souffle chaud contre ma joue.

- Mélodie, tu n'aurais jamais pu deviner, m'assura-t-elle en chuchotant. J'ai tout gardé pour moi, j'ai tout enfoui. Ce n'est pas le genre de choses qu'on a envie d'avouer. Et tout est si compliqué dans ta vie en ce moment, et je ne suis pas vraiment là... Entre ta mère, ton nouveau petit frère, Matt et Castiel... Je n'ai pas été là pour toi non plus.
- Pourquoi est-ce qu'on ne se dit pas ce qui compte vraiment ? lui relançai-je en m'agrippant à son manteau que j'avais toujours trouvé tellement doux.
- Parce qu'on arrive même pas à se l'avouer nous-mêmes je suppose, proposa-t-elle en lâchant un gloussement nerveux.


Un long silence s'installa. Mais pas le genre de silence gênant où l'on se sent toujours obligé de combler les vides, ce silence apaisant et tranquille qui nous fait savoir que l'on est avec quelqu'un avec qui il n'est pas nécessaire de toujours parler.

- Comment tu te sens ? finis-je par dire.
- Sale, me répondit-elle avec une franchise qui me bouleversa.
- Tu viens chez moi ? proposai-je.
- Tu m'offres un pot de glace et une nuit à regarder des films débiles ?
- Bien entendu, confirmai-je.


***

La soirée fut étrangement joyeuse. Iris avait retrouvé un tant soit peu de couleur et de joie de vivre, mais je sentais que c'était parce qu'elle voulait bien jouer le jeu. Je savais qu'elle avait perdu quelque chose ce soir, et que ça allait la faire souffrir encore un sacré bout de temps. Et en même temps, j'avais conscience qu'elle était forte. Elle avait pris beaucoup de coup récemment, beaucoup de déceptions qui avaient fortement ébranlé sa confiance en elle, son estime de soi. Mais j'étais sûre d'une chose, elle allait passer cette mauvaise passe et en sortir plus forte. Je me devais d'être là en attendant qu'elle finisse par accepter l'erreur qu'elle avait commise, et qu'elle s'en remette.
Nous avions enchaîné les trois premiers Harry Potter jusqu'à ce que le soleil ne pointe le bout de son nez. Nous nous étions alors dirigées dans ma chambre puis affalées dans mon lit.

- Tu dors ? m'avait questionné Iris.
- Non.
- Tu peux me promettre un truc alors ? relança-t-elle.
- Hm, si c'est parce que tu as envie que j'empêche Alexy de te trucider pour l'avoir planté à la soirée : c'est totalement hors de mes compétences, marmonnai-je en souriant contre mon oreiller.
- Pour une fois que j'allais te dire un truc sérieux t'as tout gâché, rit-elle doucement.
- Allez, vas-y dis-moi ! insistai-je en me retournant pour la regarder dans les yeux.
- Tu sais... C'est trop tard pour moi mais je veux juste que tu me promettes de pas faire la même connerie, souffla-t-elle en posant sa main contre sa joue pour reposer sa tête. Je te dis pas d'attendre le mariage, ni forcément de le faire avec quelqu'un que tu aimes, même si quand même mieux. Il faut juste que tu sentes que tu es prête, tu vois ? J'étais pas prête, je l'ai fait parce que je voulais me sentir mieux dans ma peau mais ça ne m'a pas aidé. Pas du tout. Je veux pas que ça t'arrives à toi aussi.
- D'accord. Et Iris, je veux plus que tu me caches que tu ne vas pas bien... Je ne veux pas découvrir qu'après coup que tu n'es pas bien. Sinon, à quoi je sers mince alors ?
- Oui, promis. Je te jure que je débarque directement chez toi pour regarder un Harry Potter.


Je sentis mon sourire s'étirer. J'opinai silencieusement. Nous nous sommes endormies comme ça, l'une en face de l'autre.

***

Je fus réveillée par un boucan pas possible. J'ouvris un œil en me frottant la tête, puis un deuxième. Iris s'était relevée sur ses coudes et fronçait les sourcils. J'entendis des éclats de voix, quelqu'un était en train de disputer.
Je ne comprenais pas, ce n'était pas du tout le genre de Philippe et Miranda de s'emporter aussi bruyamment. Leurs disputes se déroulaient le plus souvent silencieusement, par des regards noirs et des petites piques discrètes. Je tirai la couette pour m'extirper du lit. Iris préféra rester dans la chambre.
Je me dirigeai hors de ma chambre et croisai Lysandre sur le palier qui semblait tout aussi perplexe que moi. Nous nous jetâmes un regard perdu avant de descendre ensemble les escaliers. Je le suivais de près et lorsqu'il s'arrêta soudainement en bas des marches je lui rentrai dedans violemment. Il ne bougea pas d'un pouce mais j'avais réussi à me faire mal au nez en percutant son dos. Je me frottais l'arête du nez tout en tentant de l'écarter du chemin pour découvrir ce qui avait bien pu causer cet étonnement qui était si rare chez lui.
Et ce fut lorsque j'entendis des pleurs d'enfant que la réalité me frappa de plein fouet.

- Mélodie ! s'exclama une voix que j'avais toujours eu l'impression d'entendre à travers un combiné téléphonique.

Elle était là. Elle avait drôlement vieilli depuis la dernière fois. Elle me fit un faible sourire en agitant la main, un beau bébé entre les bras. La seule réponse que je fus capable de lui donner fut de tourner les talons et de remonter dans ma chambre en gravissant les marches quatre par quatre. Ca n'avait rien de mature, mais je ne m'étais pas imaginée que ce serait aussi dur.  

Et Dieu créa Mélodie... entre deux pauses pipiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant