Chapitre 11 : A la rescousse

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  Je réussis à coincer Castiel le lendemain, il était seul. J'avais entendu l'eau de la douche couler après que Lysandre soit entré dans la salle de bain et j'en avais profité pour m'infiltrer.
Il était affalé sur le matelas gonflable par terre, torse nu avec un jogging gris. Je me sentis légèrement gênée, d'abord parce qu'il était à moitié nu, et ensuite parce que je me rendis compte que j'allais l'embrouiller pour cette histoire de préservatif alors qu'il venait de quitter sa mère à l'hôpital.

- Pourquoi tu poirotes comme une idiote comme ça ? m'interrogea-t-il suspicieux.

Bon allez Mélodie, prends ton courage à deux mains. Je me sentis piquer un fard mais il fallait que je lui fasse comprendre qu'il m'avait sacrément mis en rogne. Je m'approchai alors de son lit, les sourcils froncés, et lui brandis sous le nez l'emballage que j'avais trouvé la veille.
Il écarquilla grand les yeux pendant un instant, avant de me contempler de haut en bas.

- T'es en train de me faire passer un message là ? m'interrogea-t-il en affichant son sourire en coin.
- Que... Quoi ? Mais non pas du tout ! m'indignai-je en réalisant ce qui venait de traverser son esprit pervers. J'ai trouvé ça hier par terre ! Miranda a failli le découvrir. Sérieusement Castiel, tu te rends compte de ce que j'ai failli avoir sur les bras ? Et Lysandre alors ! Si sa mère l'avait découvert, elle aurait immédiatement pensé que c'était lui, c'était complétement idiot de...
- Attends Mélodie, je t'arrête tout de suite avec ton discours moralisateur à la Nathaniel, me coupa-t-il en levant la main pour m'intimer le silence. Tu m'expliques comment tu en aies venu à la conclusion que cette capote m'appartenait ?
- Je... Eh bien... Je te connais tu... Enfin tu vois quoi ! bafouillai-je en cherchant mes mots.
- Putain mais pour qui tu me prends ? Tu croyais sincèrement que j'irai coucher avec une meuf dans la chambre de mon meilleur pote ?


C'est vrai qu'en y réfléchissant bien, mon raisonnement avait été peut être un peu trop hâtif. Je n'avais pas pu imaginer que quelqu'un d'autre fasse quelque chose du genre... C'était peut-être légèrement stupide. Mais si ce n'était pas Castiel, cela impliquait nécessairement que... Mon Dieu ! Lysandre ? Pourquoi imaginer qu'il s'agissait de lui me perturbait au plus haut point ? Et si la fille en question était tout simplement... Iris ? Non ! Impossible ! Elle m'en aurait parlé. J'en étais sûre. Pas vrai ?
J'aurais finalement préféré que le coupable soit Castiel, tout aurait été plus simple.

- Bon, tu me lâches maintenant ? s'emporta Castiel en se relevant brusquement. Et laisse Lysandre faire ses affaires de cul dans son coin, ça ne te regarde pas.
- Je sais... Mais attends... Tu sais avec qui il l'a fait ? le questionnai-je en me mordant la lèvre.


Si c'était Iris, j'allais la tuer. Et si ce n'était pas elle, elle allait me tuer pour avoir été si peu vigilante. Pourquoi fallait-il que ce genre de truc n'arrive qu'à moi ?

- Au revoir Mélodie, me dit-il en me poussant vers la sortie.
- Attends, deux secondes, deux secondes ! le stoppai-je. Ca s'est passé comment avec ta mère ?


Il s'arrêta brusquement, et détourna le regard. Il avait encore ses mains sur mes hanches et je sentis qu'elles m'agrippèrent plus fort.

- C'était génial, je lui ai ramené un beau bouquet de fleurs et on a fait un gâteau avec des petites licornes en sucre. T'es contente ? ironisa-t-il alors que je m'aperçus que sa mâchoire était crispée par la colère.

Je n'aimais pas qu'il prenne ce ton. Pourquoi était-ce donc si dur pour lui de dire les choses franchement ? Pourquoi avait-il tant de mal à parler de ses sentiments ?

- Elle va bien ? Qu'ont dit les médecins ? relançai-je en ignorant ses sarcasmes.
- Putain arrête Mél, j'ai pas envie d'en parler. Pas la peine de me faire tout ton cirque, j'ai déjà une mère et j'peux te dire que ça me suffit amplement, lâcha-t-il d'un ton dur.


Sa remarque me fit l'effet d'une douche froide. Il me repoussait, comme c'était pratique. Il s'amusait à faire le gars détaché qui ne ressentait rien. Il m'énervait au plus haut point. Que lui fallait-il pour lui faire sortir ses tripes sur la table ? Avait-il l'impression d'être faible en parlant de ses sentiments ?
Selon moi, ce n'était clairement pas une preuve de faiblesse, bien au contraire. Il fallait bien plus de courage pour avouer ses sentiments que pour les dissimuler. Et c'est pour cela que je faisais un gros travail personnel pour y remédier ; j'avais été incapable de parler à Nathaniel, de m'énerver contre ma mère, de mettre les choses à plat avec mon père. Tout ça m'avait servi de leçon, je me refusais à continuer à enfouir les choses en moi, ça ne m'avait rien apporté. Comment faire comprendre à un Castiel plus fermé qu'une huître ce que je pouvais ressentir ?

- Ecoute, je ne comprends pas pourquoi tu ne me fais pas confiance... Tu sais bien que je ne suis pas celle qui se moquerait de toi sur ce genre de choses, soufflai-je en le regardant droit dans les yeux. Tu sais, moi aussi j'aurais rêvé d'avoir une mère présente et aimante. Au lieu de ça, j'ai une mère qui habite à l'autre bout de la planète et qui n'en a rien à faire de m'écouter. Mais tu veux que je te dise ? C'est tout ce que j'aurais. Ma mère est comme ça, et je n'y suis pour rien. C'est dur à vivre, mais c'est ainsi. Et je sais qu'un beau jour, elle disparaîtra complètement de ma vie. J'attends ce moment, j'attends qu'elle arrête de me manquer, que ce trou dans ma poitrine se referme. Et je sais qu'il le fera. Comme pour toi d'ailleurs. Ca marche comme ça, on souffre et puis on oublie, et toi...
- La ferme ! scanda-t-il en me lâchant et en se retournant. Arrête de faire ça, ça me rend fou !
- Castiel, pourquoi tu agis comme ça ? Je te demande juste si ta mère va bien !
- Ma mère n'ira jamais bien putain ! Tu comprends pas ? s'emporta-t-il en me faisant face de nouveau avec un air fou dans les yeux. A quoi tu t'attendais au juste ? Elle a essayé de se suicider, tu croyais sincèrement qu'ils allaient la laisser sortir et gambader joyeusement dans la nature ? Bordel Mél, elle va être transférée chez les malades mentaux, sans que j'ai donné mon putain d'accord. Elle va pouvoir gentiment parler aux fantômes et faire des petits découpages avec les motifs de Satan. Ca y est, t'as fini madame la psy ? Tu veux que je te parle de ce que je ressens autour d'une tasse de thé maintenant ?


Je retenus un hoquet de terreur. Il frappa le mur de son poing et je sursautai soudainement.

- Et tu veux que je te dise le plus drôle Mél ? reprit-il en pointant son index face à moi. C'est que j'ai le choix entre me faire émanciper ou être placé dans un de ces foyers d'accueil. Sauf que qui va me supporter, qui me filera un boulot ? Tout le monde me voit comme un putain de connard, un délinquant, de la vermine quoi !

Une fois qu'il eut fini de cracher toute sa colère, il se prit la tête de ses mains et se laissa glisser contre le mur de la chambre. Il redevenait peu à peu ce petit garçon torturé que personne n'était habituellement autorisé à découvrir.
Je me laissai lentement tomber à ses côtés, sans rien dire. Que pouvais-je lui dire de toute façon ? J'étais horrifiée par ce qu'il venait de m'annoncer. C'était sûrement pour ça qu'il était aussi en colère, il n'y avait strictement rien à faire. Il assistait à la descente aux enfers de sa mère, sans pouvoir y changer quoi que ce soit.

- J'ai frappé le médecin, m'annonça-t-il en lâchant un rire nerveux. Le connard qui a placé ma mère dans le service psychiatrie. Et le pire, c'est qu'il a raison, ma mère est complètement folle. Je sais même pas pourquoi je l'ai frappé sérieux.
- Parce que t'as eu envie de la protéger, supposai-je en fronçant les sourcils.
- Il faut que j'arrête de vouloir protéger les gens, c'est vraiment con.
- Ne dis pas ça. Tu l'aimes, et c'est pour ça que tu veux la protéger.


Je sentis qu'il se crispa après ce que je venais de supposer. Il me regarda de haut en bas, et je ne pus m'empêcher de me toucher le visage : avais-je des traces de chocolat autour de la bouche ?
Il se releva à nouveau brusquement et je compris qu'il avait perdu toute envie de parler simplement en observant sa démarche brutale et décidée.

- Tes conneries sur l'amour commencent sérieusement à me gaver. J'ai plus trois ans, et je ne crois plus au Père Noël, déclara-t-il. Et c'est aussi pour ça que je sais que ma mère n'ira jamais mieux, elle est malade et refuse de se soigner. Je vis avec, je vais bien, alors arrête de te mêler de mes affaires. Point barre. Maintenant, tu oublies et tu ne parles à personne de cette conversation.
- Jamais je n'en parlerai à qui que ce soit, pour qui tu me...
- Castiel, t'aurais pas vu mon gilet gris, je crois l'avoir... Mélodie ? me coupa Lysandre qui venait de faire son entrée dans la chambre.


Le regard perdu de mon demi-frère passa de son meilleur ami à moi, toujours sur le sol. Castiel me fusillait du regard, m'indiquant que j'avais tout intérêt à ne pas ouvrir la bouche.
Considérant que je n'avais plus rien à faire ici, je me relevai en me hissant à l'aide de l'armoire de Lysandre. Je m'approchai de ce dernier nerveusement, les joues rouges de honte, et déposai dans sa main l'emballage de couleur rose pétante. Ne voulant pas l'affronter après cette situation embarrassante, je baissai vivement la tête avant de quitter la chambre rapidement, non sans apercevoir au préalable les deux yeux gris moqueurs de Castiel m'épier.

***

- Mélodie, je peux te parler un instant ? me questionna Lysandre qui venait de passer la tête par l'embrasure de ma porte.
- Bien sûr, entre, l'invitai-je en me calant confortablement sur mon lit avec mon ours en peluche dans les bras.


Il referma silencieusement la porte derrière lui et vint s'asseoir sur le rebord de mon lit, comme mon père le faisait quand j'étais petite pour me raconter une histoire. Sauf que mon père, lui, n'avait pas pour habitude d'avoir les joues en feu comme l'étaient celles de Lysandre actuellement. Je n'étais pas dans un meilleur état non plus, embarrassée comme pas possible d'avoir à affronter mon demi-frère après avoir fait la découverte plus que bouleversante qu'il avait une vie sexuelle.
Et en plus de ça, je me sentais toujours inquiète et bouleversée vis-à-vis de Castiel que j'avais entendu quitter notre maison une vingtaine de minutes plus tôt.

- Je suis navré Mélodie que tu aies découvert... Enfin... Tu sais, s'excusa-t-il en se grattant la tête de sa main libre.
- Lysandre, est-ce que c'était Iris ? lui demandai-je en me mordillant la lèvre.


Il détestait que je sois aussi curieuse sur sa vie personnelle, je le savais pertinemment. Et je faisais des efforts pour ne pas le questionner habituellement, mais il s'agissait de ma meilleure amie et il me fallait savoir la vérité.

- Iris ? s'étonna-t-il en écarquillant fortement les yeux. Mélodie, parfois je me demande où tu vas chercher toutes ses idées.

Aïe. Lysandre ne paraissait même pas imaginer une seule seconde qu'Iris pourrait faire une petite amie potentielle. Pauvre Iris, ça allait lui briser le cœur... Même si, pour sa défense, il était tellement toujours dans la lune qu'il n'avait sûrement rien remarqué de l'attirance de ma meilleure amie à son égard. Ou alors peut-être n'était-il vraiment pas intéressé ?

- Ecoute, reprit-il plus sérieusement. Tu me connais Mélodie, tu sais bien que je n'agirai pas de la sorte si la fille ne me plaisait pas. C'est sérieux entre nous.
- Mais de qui tu parles à la fin ? l'interrogeai-je brûlée par la curiosité.
- Je... Je ne suis pas sûre qu'elle m'autoriserait à te le dire, m'avoua-t-il gêné en passant sa main dans ses cheveux.
- Parce que tu as besoin d'une autorisation Lys ? m'étonnai-je.
- C'est vraiment... compliqué Mélodie. Pour le moment, nous attendons avant d'en parler.
- Ne me dis pas que c'est une prof, je t'en supplie, chuchotai-je en levant les yeux au ciel en signe de prière.
- Ce n'est pas un professeur, me rassura-t-il en riant.
- Tu sais, en ce moment je m'attends à tout !
- Je te le concède, il se passe des choses étranges ces temps-ci... souffla-t-il le regard vide. Et je voulais d'ailleurs te remercier pour ta présence auprès de Castiel. Il ne te l'avouera jamais, même avec un pistolet sur la tempe, mais l'attention que tu lui portes lui fait beaucoup de bien. Même s'il te repousse ou qu'il se montre vulgaire, c'est simplement qu'il n'a jamais goûté à la tendresse, à la délicatesse féminine. C'est un peu comme d'essayer de caresser une bête sauvage, elle ne répond que par l'agressivité car ce contact lui est inconnu. Merci d'être là pour lui en tout cas. C'est mon meilleur ami et il compte beaucoup pour moi.


Même si j'avais perçu qu'il s'était servi un peu de cette histoire pour détourner la conversation, je fus réellement surprise et touchée par ses paroles. Je n'avais jamais vraiment vu Castiel sous cet angle, enfin, je le comparais assez souvent à un sauvage écarté de la civilisation, mais je ne pensais pas le trouver un jour touchant, lui et son âme torturée.
Lysandre profita de mon moment d'absence pour s'éclipser, non sans avoir déposé au préalable un baiser sur mon front.
Qu'est-ce qu'il peut être chiant celui-là. Et qu'est-ce que je l'aime. Je crois que j'ai une aptitude, ou plutôt un don, assez incroyable pour me prendre d'affection avec les gros chieurs, c'est plus fort que moi. Et entre Lysandre, Matt, Castiel, Iris et le reste de ma petite bande. J'étais bien servie.

***

Il fallait que je trouve Iris. Elle m'avait envoyée dans la soirée un long message pour me parler simplement du fait qu'elle avait passé la matinée d'hier avec Lysandre, et qu'il était tout simplement génial. Pourquoi fallait-elle qu'elle soit amoureuse ? Je n'avais reçu son sms que le matin mais je m'étais sentie tellement mal par rapport à ce que j'avais découvert la veille que je n'avais pas su quoi répondre sur le coup.
J'avais donc beaucoup réfléchi, avant de prendre une décision juste : j'allais lui avouer en face à face que Lysandre était en couple, avant qu'elle ne l'apprenne d'une manière ou d'une autre. Cependant, ce matin, elle ne répondait plus à mes messages et s'avérait introuvable. J'avais pourtant fait l'effort de venir en avance au lycée pour être sûre de la trouver. Je décidais de chercher les deux plus grosses commères du lycée, celles qui étaient les plus susceptibles de savoir où Iris pouvait se cacher.

- Mélodie ! Tu tombes bien : je te cherchais ! s'exclama Rosalya en me voyant marcher dans sa direction.
- Et moi c'est Iris que je cherche, vous ne l'auriez pas vu par hasard ? m'enquis-je en m'adressant à mon amie et à Alexy.
- Mél fais un effort ! Iris peut attendre, je te parle d'un truc vraiment important, se plaignit Rosy en me secouant par les épaules. Alexy : roulement de tambours !


Ce dernier s'accroupit légèrement avant de taper rapidement sur ses genoux en rythme.

- J'organise une... fête déguisée pour Halloweeeen ! s'enthousiasma-t-elle en sautillant sur place comme une folle, ce qui eut pour effet de faire balancer ses longs cheveux blancs dans tous les sens.
- C'était la semaine dernière je te signale Halloween, l'informai-je doucement.
- Quelle rabat-joie celle-là ! me fit remarquer Rosalya en faisant une moue mécontente. Mes parents n'étaient pas absents la semaine dernière. Ce qui fait que j'ai officiellement décrété qu'Halloween était décalé d'une semaine cette année.
- Ok, ok, comme tu veux. Vous avez vu Iris oui ou non ? insistai-je en tapant du pied.
- Ouais, je l'ai croisé ce matin, m'apprit Alexy en s'appuyant sur un casier, elle devait aller en salle de délégué pour remplir quelques papiers.
- Merci Lex ! lui lançai-je avant de déguerpir.
- C'est plutôt moiF que tu devrais remercier de m'occuper de ta vie sociale ! hurla Rosalya dans mon dos.


J'entendis le rire cristallin d'Alexy au loin, et je ne pus m'empêcher de sourire. Alexy était un soleil, il éclairait les gens sur son passage. C'était d'ailleurs un point commun qu'il partageait avec Matt.
Je me dirigeai maintenant dans le bureau des délégués. Une fois devant, je m'approchai, le plus discrètement possible, pour tenter de jeter un bref coup d'œil sans pour autant avoir à croiser Nathaniel. Nous ne nous étions pas reparlés depuis cette histoire de tentative de baiser. Je ne savais pas ce que nous représentions encore l'un pour l'autre : étions-nous toujours amis ? Rien n'était moins sûr. J'aurais pourtant aimé que tout cela ne nous sépare pas, je considérais énormément Nathaniel. Il était un exemple à suivre, par sa rigueur, son intelligence, et sa naïveté parfois handicapante mais tout aussi touchante. Je jetai un coup d'œil ninja dans la petite salle, mais je n'aperçus aucune chevelure flamboyante dans les parages.
Je m'apprêtai à faire demi-tour, mais en faisant volte-face, je rentrai de plein fouet dans un Nathaniel chargé de dossiers en tout genre entre les bras. Heureusement pour nous, il réussit à récupérer de l'équilibre et à conserver la totalité de ce qu'il avait entre les mains. Nous soufflâmes de soulagement en même temps.
Il finit par relever la tête et à me regarder intensément de ses belles prunelles dorées. Je lus dans ses yeux que c'était fini, qu'il ne retenterait plus rien avec moi. C'était limpide : culpabilité, tristesse, remords, mais rien qui ne ressemblait à de l'attirance ou à de la passion. Rien. Je ne pus m'empêcher de souffrir une dernière fois, la possibilité d'une relation amoureuse entre nous venait de mourir de ce simple échange de regard. Je baissai la tête, acceptant à mon tour de renoncer à mes sentiments. Il avait été un de mes plus gros échecs, mais aussi une de mes plus grandes révélations. L'un dans l'autre, il y avait eu de la souffrance mais aussi beaucoup de positif.

- Mélodie... A propos de ce baiser, commença-t-il. Je m'en veux. J'ai agi comme un abruti, je... j'ai été perdu l'espace d'un instant. Pardonne-moi s'il te plaît. C'était vraiment pitoyable.
- On a tous les deux étaient pitoyables. Ne te fais pas trop de soucis, cette histoire est déjà oubliée Nath.
- Tu peux pas savoir comme ça me soulage ce que tu me dis, ajouta-t-il en prenant une grande bouffée d'air. Je n'ai pas réussi à dormir plusieurs jours avec cette histoire... Je culpabilisais tellement... J'en ai parlé à Sue, et elle a accepté de ne pas m'en tenir rigueur. Et comme tu acceptes aussi mes excuses, je vais pouvoir retrouver un tant soit peu de sommeil.


Il en avait parlé à Sue ?! Sérieusement ?
A vrai dire, cela ne m'étonnait pas vraiment en y réfléchissant plus attentivement. En plus d'être quelqu'un d'honnête, Nathaniel était absolument nul pour le mensonge.

- Bon, je suis contente pour toi alors, assurai-je sincèrement avec un sourire. Je te souhaite plein de bonheur avec Sue.
- Merci Mélodie, ça me touche beaucoup. Bon, et sinon, que puis-je pour toi ? Je doute que tu étais venue dans le seul but d'avoir cette conversation, ajouta-t-il avec un clin d'œil.
- Oh mince... Iris ! lâchai-je en me tapant le front. Je la cherche partout depuis ce matin, et les cours vont bientôt commencer... Tu ne l'aurais pas vu ?
- Et bien elle est passée tout à l'heure, et elle est repartie aussi sec. En ressortant pour aller chercher des dossiers dans la salle des professeurs, je l'ai trouvée en pleine conversation avec Lysandre... Et disons que leur échange me paraissait plutôt houleux.


Rholala, pourquoi est-ce que j'avais l'impression que cette histoire allait finir mal ? Mais Lysandre ne serait quand même pas allé lui dire qu'il était en couple ? Non, non, pas comme ça. Enfin, ça ne lui ressemblait clairement pas ! Il fallait que j'en aie le cœur net.
Si j'étais une Iris en colère, où irais-je donc me réfugier ? Plutôt facile à vrai dire.

- Les toilettes ! m'exclamai-je à voix haute en quittant Nathaniel après un petit signe de main.

Je passai par plusieurs couloirs, me heurtant à la foule d'élèves qui rejoignait les salles de cours, la sonnerie venant de retentir. Je décidai malgré tout d'aller jeter un coup d'œil aux toilettes, en espérant ne pas y retrouver une Iris dévastée.
Je poussai la porte recouverte d'une peinture fuchsia plutôt criarde, passant ma tête par l'ouverture. Mes yeux se posèrent immédiatement sur le grand miroir des toilettes pour filles, qui donnaient une vue panoramique sur l'ensemble de la pièce. Il ne me fallut que deux petites secondes pour distinguer la tignasse rousse d'Iris. Je la voyais de dos, elle était appuyée contre les casiers.
Mais que... ?
Je manquai de lâcher un petit hurlement quand je découvris qu'elle était en fait en train d'embrasser un garçon, qu'elle avait sûrement plaqué contre le mur. Je ne pus distinguer l'identité du gars en question, étant donné qu'il avait la tête enfouie dans les mèches rebelles de mon amie. Cependant, mon sang ne fit qu'un tour : Lysandre c'était bien foutu de moi. Pourquoi m'avait-il menti ?
Habituellement, je ne me serais jamais permise d'interrompre ma meilleure amie, mais j'étais bien trop énervée et je ne pris pas les trois secondes habituelles de réflexion que je m'imposais de faire avant d'agir. Je pénétrai dans les toilettes des filles, les poings serrés, prête à faire un scandale à mon menteur de demi-frère et ma traîtresse de meilleure amie.
Avec mon entrée en scène, le couple cessa de s'embrasser, Iris se retourna et son visage se décomposa quand elle m'aperçut. Elle blêmit et porta sa main à ses lèvres en lâchant un « Oh mon Dieu ! » dans un murmure. Et en effet, il y avait de quoi invoquer le Seigneur Tout-puissant. Mon regard se posa instinctivement sur l'inconnu, ce beau gars avec des mèches brunes retombant sur ses beaux yeux bleus.

- Merde... murmura Matt.

J'avais l'impression que l'on venait de me tirer une balle en plein dans l'estomac. Je papillonnai des cils, comme si cette scène était susceptible de disparaître entre deux clignements.

- Je... Je vais retourner en cours, marmonnai-je doucement en faisant le chemin inverse vers la sortie.

J'entendis Matt murmurer un « laisse-moi faire » alors qu'il partit à ma poursuite. J'accélérai la cadence, je n'avais pas du tout envie de lui parler. Je n'avais aucun droit d'être en colère mais je me sentis plus trahie que jamais. Bien entendu, il ne lui fallut que quelques enjambées pour me rattraper. Il me saisit le bras et me força à me retourner pour le regarder. J'étais absolument incapable de réagir.

- Mél, c'est pas ce que tu crois, commença-t-il.

Mais bien sûr ! Lui embrassant Iris, ce n'était pas ce que je croyais ! Mon Dieu, pourquoi lui en voulais-je autant ? J'avais envie de le frapper, de lui hurler dessus. Et Iris... Je me mordis tellement fort la lèvre inférieure qu'un goût de sang se répandit rapidement dans ma bouche. Ma meilleure amie et mon amie d'enfance, derrière mon dos, faisant des cochonneries. Et ce n'était pas « ce que je croyais » ?

- Tu es en colère, remarqua-t-il en posant ses deux mains sur mes deux bras. Ecoute, je t'ai avoué ce que je ressentais pour toi. Et on était tous les deux d'accord sur le fait qu'une relation, à l'heure actuelle, c'était impossible entre nous. Mais je n'ai pas promis de t'attendre Mél. Tu n'as pas le droit d'être jalouse.

Est-ce que j'étais jalouse ? Un peu, je devais l'avouer. Matt était mon allié, pas celui d'Iris. C'était mon Matt. Je n'en avais aucun droit, mais j'étais humaine, et je ne pus m'empêcher de ressentir une légère possessivité envers lui. Mais le problème n'était pas là, ce qui me mettait réellement folle de rage, c'était le mensonge, les cachotteries.

- Pourquoi Iris, Matt ? le questionnai-je en me détachant de son emprise. Pourquoi ma meilleure amie ? Tu n'aurais pas pu choisir n'importe qui d'autre ? Vous avez fait ça derrière mon dos, bon sang ! Iris me faisant croire que c'était Lysandre qui lui plaisait, et toi... toi... Rha ! Comment est-ce que je devrais réagir à ton avis ?
- C'est pas ça, écoute-moi cinq minutes ! insista-t-il en tapant du pied, ce qui était chez lui un signe d'impatience. Iris est allée parler à Lysandre, elle voulait l'inviter à sortir au cinéma ou une connerie du genre. Et il lui a avoué qu'il était amoureux de quelqu'un d'autre. Je suis arrivé au moment où elle partait en pleurant vers les toilettes. J'ai juste voulu l'aider, on a parlé et puis... Ce qui est arrivé est arrivé. Mais c'était la première fois, on a rien fait derrière ton dos.


C'est pendant que j'étais en train d'assimiler la nouvelle qu'Iris fit à son tour une apparition. Elle était toute blanche et ses mains tremblaient. Ses yeux étaient encore rougis par les larmes qu'elle avait versées.

- Mél, je suis tellement désolée, marmonna-t-il en sanglotant. Je ne sais pas ce qui nous a pris. Je n'aurais pas dû... Pas en sachant que... Je suis tellement dé-désolée.

Elle était parcourue de spasmes et avait donc un mal fou à parler. Jamais de ma vie je n'aurais cru être un jour confrontée à cette situation.

- Dis quelque chose Mél, me supplia-t-elle.

Mon regard passa de Matt à Iris. Je pris alors plusieurs secondes afin de réfléchir, de rassembler mes émotions et d'émettre un raisonnement lucide face à cette situation des plus absurdes. Une solution s'imposa rapidement à mon esprit : je ne pouvais pas leur en vouloir. J'étais sous le choc mais je n'avais aucun droit ni sur l'un, ni sur l'autre. Matt et moi avions décidé d'être amis, ce qui m'interdisait de ressentir la moindre jalousie. La seule chose qui me restait, pour être honnête, c'était ma surprise.

- Je... Ben... Ok, finis-je par marmonner le regard perdu dans le vide.
- Ce qui veut dire ? insista Iris en s'essuyant les joues.
- J'ai mal analysé la situation, assurai-je en me rongeant les ongles nerveusement. J'ai cru que vous faisiez ça derrière mon dos mais... Là... Je.... Enfin, vous faites ce que vous voulez. Ca ne me regarde pas.
- Mélodie, c'était un accident, me promit Iris en s'approchant doucement.
- Sympa Iris, ironisa Matt en levant les yeux au ciel.
- Matt, tu sais ce que je veux dire... s'excusa-t-elle avant de se retourner vers moi. C'est Lysandre... Il... Il a quelqu'un dans sa vie. J'ai passé tous ces mois à lui courir derrière pour rien du tout et je me sens... nulle. Tu v-vois ?
- Bien entendu que je comprends, mieux que personne, répondis-je en brisant la distance qui nous séparait pour la prendre dans mes bras. Je suis au courant depuis hier... C'est pour ça que je te cherchais, je voulais te l'annoncer moi-même. Je ne voulais pas que tu l'apprennes comme ça.


Je caressai son dos doucement pour la calmer alors qu'elle déversait toutes les larmes de son corps sur mon T-shirt. J'aurais la discussion à propos du pourquoi elle avait embrassé Matt plus tard, elle avait besoin de moi. Iris avait été là quand Nathaniel avait brisé mon cœur, je me devais d'être présente à mon tour. Elle tremblait entre mes bras.

- Bon, je sais pas pour vous, intervint Matt, mais le cours de SVT de ce matin : j'ai l'impression qu'on peut sérieusement s'en passer. Qui en a quelque chose à foutre de savoir comment les élans se reproduisent ? Clairement pas moi.

Iris gloussa entre mes bras, ce qui était bon signe. Lorsque les larmes se mêlaient aux rires, c'est que le chagrin était surmontable.

- Et en plus de ça, je connais le champion du séchage de cours toutes catégories confondues. Il va nous faire sa journée-type de délinquant. Vous venez ?

J'interrogeai Iris du regard en dégageant son visage des quelques mèches rousses qui cachaient ses beaux yeux. Elle semblait plutôt partante, alors je finis par hocher la tête pour nous deux.
Une petite boule de nerf se coinça dans mon ventre, je culpabilisais déjà, je n'avais jamais séché. Mais il me suffit d'un seul regard vers ma meilleure amie pour qu'elle disparaisse aussi vite qu'elle était apparue. Je lui essuyai brièvement les joues, afin qu'elle retrouve une certaine convenance malgré son chagrin. Heureusement, Iris restait toujours jolie, malgré la rougeur de ses joues et ses yeux gonflés. Elle me fit un pauvre sourire avant de passer son bras sous le mien et de m'entraîner à la suite de Matt.

Et Dieu créa Mélodie... entre deux pauses pipiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant