Chapitre 17 : Une perruque pour un avenir plus ou moins radieux

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  Et moi qui m'imaginais avoir une longue discussion avec mon père, qui m'expliquerait de la manière la plus persuasive et la plus autoritaire que je ne devais plus jamais revoir Castiel. Au lieu de ça, il s'était contenté de me souhaiter bonne nuit et de partir s'enfermer dans sa chambre, le visage fermé. Je n'avais aucune idée de ce que tout ceci signifiait, mais ça n'augurait rien de bon.
Je m'étais facilement rassurée cependant, après tout, il me suffirait de lui dire que j'avais promptement rompu avec Castiel, que nous avions décidé de tenir nos distances, et mon père devrait me permettre de sortir à nouveau librement sans filtrer la moindre de mes escapades.
J'étais plus inquiète à propos de Matt. Sa silhouette à la fenêtre me hantait depuis la veille. Ce matin, mon ventre était plus noué que jamais à l'idée de le retrouver au lycée. J'avais décidé d'opter pour la technique de l'autruche, de faire comme si de rien était pour découvrir ce qu'il avait bien pu voir depuis sa fenêtre. Et s'il avait malheureusement assisté à ce baiser, je lui expliquerai la vérité. Il comprendrait, non ? Je mourrai d'envie de me frapper le front contre un arbre. Pourquoi ne lui en avais-je pas parlé plus tôt ? Il aurait compris, il nous aurait soutenus. Au lieu de ça, nous l'avions écarté. Et après ce qui s'était passé avec sa sœur, je n'étais pas sûre que tout ceci avait été judicieux.

- Allô ? Lily ? Ici la terre ! me réveilla Alexy en secouant sa main devant mon visage.
- Oui pardon, je... Je réfléchissais, marmonnai-je en tirant mon livre d'anglais de mon casier.
- Pas des pensées érotiques j'espère ? me questionna Iris avec un sourire idiot.
- N'importe quoi... grognai-je en levant les yeux au ciel. Dépêche-toi de sortir tes affaires au lieu de dire des bêtises !


Je fis claquer la porte de mon casier les livres en main avant de prendre la direction de la salle B où allait se dérouler notre cours de français. En entrant dans la salle, quelques-uns étaient déjà installés, ce qui était le cas de Matt et Lysandre que j'aperçus immédiatement au dernier rang. Matt ne me prêta pas la moindre attention étant donné qu'il était en train de découper soigneusement avec des ciseaux la gomme d'Armin, qui lui aboyait dessus pour la récupérer. Je profitai de l'attention qu'il portait à sa mauvaise blague pour m'asseoir rapidement à ma place attitrée au troisième rang à côté d'Iris.
Madame Lacey, notre prof de français, fit rapidement son entrée. C'était une bonne femme un peu ronde, toujours habillée de couleurs criardes et irréalistes, avec un sourire qui me semblait lui être scotché aux lèvres.

- Bonjour tout le monde ! lança-t-elle joyeusement en posant ses affaires sur le bureau.

Elle fit une brève inspection de la classe, ses yeux nous scrutant les uns après les autres pour s'assurer de notre présente. Son regard s'arrêta au premier rang, où Li se trouvait assise à côté d'une place vide.

- Et moi qui pensait qu'installer monsieur Greenberg au premier rang l'aiderait à s'intéresser aux cours... Quel dommage ! souffla-t-elle d'un air las. Bon, tant pis pour lui... J'ai une annonce importante à vous faire ! Ce week-end, comme chaque année, va avoir lieu le forum avenir. Votre présence y est obligatoire, et je souhaiterai que vous rédigiez par la suite un résumé des intervenants qui vous ont le plus plu, des métiers qui vous ont intéressé et des écoles auxquelles vous aimeriez postuler. Par ailleurs, si vos parents souhaitent tenir un stand, je vous prierai de vous rendre au bureau des délégués qui vous remettront un formulaire d'inscription.

Il y eut quelques grognements dans la classe. Cet événement qu'organisait l'école chaque année avait lieu le samedi, ce qui obligeait malheureusement tous les élèves à venir en cours. Le lycée utilisait toutes ses connaissances et son réseau afin de faire venir des adultes ou étudiants de tous les milieux dans le but d'aider les élèves à s'informer au mieux sur leur avenir et sur les études qui leur correspondaient.
Je savais deux choses sur ce forum. Tout d'abord, mon père souhaitera y participer, comme chaque année. Il avait toujours adoré s'intégrer dans toutes les activités qu'organisaient mes différents établissements, malgré son emploi du temps surchargé. Ensuite, je n'avais absolument aucune idée de ce que j'allais faire là-bas. Je savais pourtant que tous les autres avaient déjà des idées des stands auxquels ils souhaiteront se rendre. Armin irait voir les graphistes, ou les ingénieurs. Alexy et Rosalya les écoles de stylisme, de mode ou de design. Iris se jettera sur les étudiantes d'école de commerce. Matt, lui, leur préférera la fac, soit de droit soit d'histoire. Nora et Véra ne jureront que par la médecine, Kentin les écoles de sport. Tout le monde savait où était sa place, même Castiel qui avait décidé de n'en prendre aucune. Mais moi, je n'arrivais en aucun cas à savoir ce que je voulais faire de ma vie. J'avais longuement pensé à la médecine : sauver des vies, un métier tout ce qui avait de plus incroyable. Seulement, je m'évanouissais à la vue du sang. Pour ce qui est des métiers de l'informatique, je ne supportais pas de rester trop longtemps les yeux fixés sur un écran. Je n'avais malheureusement pas non plus l'éloquence et le charisme d'Iris pour me diriger vers les métiers de la vente ou de la communication.
J'en revenais toujours au même point : je n'avais aucun talent. Bon sang, c'était tellement injuste. La seule chose que je savais faire se résumait à travailler dur.

***

- Tu m'accompagnes à la cafét ? me questionna Iris en passant un bras autour de mes épaules. Il faut vraiment que je me prenne un café, je me suis endormie trois fois pendant le cours de français...
-Non, désolée Iris, m'excusai-je en serrant mon cahier contre ma poitrine. Je dois aller récupérer ce formulaire d'inscription pour mon père, sinon j'ai peur d'oublier. Et tu sais bien comme il adore y participer...
- Ok, ok, accepta-t-elle en haussant les épaules. On se retrouve ce midi !


Elle me claqua une bise sur la joue avant de disparaître. Je soupirai avant de rejoindre la salle des délégués à un rythme lent et traînant.

- Méli-Mélo ! Attends !

Bon sang. Je rentrai la tête dans les épaules de mécontentement. Au moins, j'allais être fixée sur mon sort. Je ne voulais vraiment pas qu'il m'en veuille pour cette histoire idiote, basée sur un sacré malentendu.
Je me retournai et croisai son regard, il avait un large sourire et m'observait les bras croisés.

- Eh bah ! Pour te voir il faut carrément prendre rendez-vous ! Ca fait un bail vieille branche, me lança-t-il en me filant un coup de coude.
- Ouais, c'est vrai que ça fait longtemps... marmonnai-je avec un sourire gêné. Tout va bien ? Avec Amélie et Lysandre aussi ?


Son sourire s'éteignit presque instantanément. J'aperçus même une de ses veines sur le front ressortir. Le sujet était clairement encore sensible.

- Disons que j'ai dû mal à considérer à nouveau Lysandre comme un ami, m'avoua-t-il en regardant dans le vide.
- C'est tellement idiot... Vous êtes amis depuis la primaire tous les deux. Rassure-moi, vous comptez bien vous rabibocher tout de même ?
- Mél, j'ai vraiment pas du tout envie de parler de ça avec toi. La dernière fois, je me suis mis en colère et je t'ai agressé sans raison. Ne t'aventures pas sur une pente glissante.


Je soupirai. Je n'avais vraiment aucune envie de m'énerver avec lui alors que nous étions tout juste réconciliés. Enfin, c'est ce qu'il me semblait. Un long silence s'installa entre nous, silence qui n'avait pourtant habituellement jamais lieu. Matt se gratta l'arrière de la tête, apparemment gêné de ne pas réussir à trouver un moyen d'engager la conversation.

- Ah ! Et félicitations pour Castiel ! finit-il par dire en retrouvant son franc sourire.

J'écarquillai grand les yeux. Etait-il en train de me féliciter parce qu'il m'avait vu embrasser Castiel ? Cela le rendait-il réellement content ?

- C'était pas ce que tu crois... confessai-je le regard vers le bas. Je... Enfin, il... C'était pour de faux Matt...
- Bah bien sûr ! Castiel a pas dit grand-chose dessus mais j'ai vu la tronche qu'il tirait quand il m'a expliqué ce que tu as fait pour Lysandre pour le couvrir, tu l'as impressionné, même si ça lui coûterait ses cheveux de l'avouer. Et Dieu sait ce qu'il kiffe ces cheveux ! Par contre, ce que j'ai pas trop capté, c'est qu'est-ce qu'il foutait chez toi samedi soir ?


Je fus soulagée d'apprendre que Castiel avait eu l'intelligence, une fois n'est pas coutume, d'en parler à Matt. Chose que j'avais inconsciemment oublié de faire. Bon sang, je n'en revenais pas que ce rouquin avait réussi à être plus prévenant que moi. Habituellement, j'étais du genre à faire des listes et pense-bêtes pour toutes les activités et choses que je devais faire dans ma journée, alors que lui était plutôt du genre à carrément oublier d'aller en cours.

- Mon père a décidé de l'inviter à dîner, pour le... rencontrer, lui expliquai-je en tentant de ne pas montrer mon trouble. Enfin, si on veut.

Matt partit alors d'un long et tonitruant éclat de rire. Je le regardai, interdite, avoir un des plus gros fous rires de sa vie. Il dût carrément se tenir à un mur pour se calmer.

- Hahaha ! Bon sang ! se marra-t-il en essuyant ses larmes. Philippe et Castiel ? Whoa ! Le choc des titans !
- C'était franchement pas drôle, grommelai-je en lui filant un coup sur l'épaule.
- Quelle puissance, je suis impressionné ! se moqua-t-il. Tu viens de me casser le bras là, faut que t'apprennes à contrôler ta force jeune padawan.
- Tu recycles la même blague depuis le CP, à croire qu'il y a un fond de vérité dans tout ça, m'insurgeai-je en tentant de prendre une expression fâchée qui ne le convainquit pas vraiment.
- Oh mammour ! Sois pas fâchée ! commença-t-il en me prenant dans ses bras à m'en étouffer. Tu sais à quel point ça m'a manqué de faire ça ?


Il me souleva de terre et me serra d'autant plus fort en me secouant. J'aurais voulu m'empêcher de rire, mais je n'y arrivais pas.

- Denvers ?! Où vous croyez-vous au juste ? On est dans un lycée au juste, pas une comédie musicale ! gueula un surveillant qui passait par là. Pour la peine, venez avec moi, j'ai besoin de bras solides pour transporter une télévision en salle de chimie. Allez, allez, suivez-moi Denvers.
- C'est vraiment dommage vos préjugés, répondit-il en me reposant par terre. C'est hyper sexiste ce que vous dîtes, Mélodie a des bras bien plus solides que les miens. C'est justement ce qu'elle était en train de m'expliquer !
- Votre cinéma ne marche pas avec moi Denvers, allez, on me suit monsieur le boute-en-train.


Matt me fit un dernier clin d'œil avant de poursuivre le surveillant en faisant des pas chassés.
Je me remis en route le sourire aux lèvres. La journée avait bien mieux commencé que ce que je ne croyais.
Enfin, c'est du moins la pensée qui me traversa l'esprit seulement quelques instants. J'ouvris la porte du bureau des délégués pour tomber nez-à-nez face à un Castiel assis nonchalamment à la place de Nathaniel, les pieds sur le bureau. Ce dernier était debout à côté de lui, des fiches à la main et avec, à mon grand étonnement, une longue perruque blonde sur la tête.

- Mais qu'est-ce qu'il se passe ici ? m'étonnai-je en ouvrant grand les yeux.

Je fus à nouveau surprise de découvrir que ce fut Castiel le plus gêné par la situation. Même si son expression disparut très rapidement, recouverte par son masque d'indifférence. Nathaniel se contentait de me regarder avec un air désemparé et totalement dépassé.

- C'est la faute de cet idiot ! s'expliqua le délégué en pointant le rouquin du doigt.
- Fais pas comme si ça t'arrangeais pas non plus Blondie, grommela Castiel toujours installé comme un pacha sur sa chaise.
- Je ne suis même pas sûre d'avoir envie de savoir, assurai-je en soufflant bruyamment.


Ces deux-là m'épuisaient. Ca faisait bientôt deux ans que je me retrouvais toujours coincée entre leurs disputes. A croire qu'ils appréciaient réellement ce combat de coq.

- Madame Marnier a accepté de m'ajouter un point de plus sur ma moyenne générale si j'arrive à lui obtenir la moyenne sur ce trimestre en lui donnant ces cours, m'expliqua Nathaniel. J'ai besoin de ce point de moyenne, il va donner encore plus de poids à mon dossier de candidature pour les grandes prépas d'ingénieur.
- Et du coup quel est le rapport avec la perruque ? lâchai-je en prenant un ton las.
- Cet espèce d'abruti a considéré qu'il n'accepterait des cours de soutien que venant d'une « belle blonde », s'emporta Nathaniel en levant ses fiches vers l'intéressé. Disons que c'est la seule solution que j'ai trouvé.
- J'ai toujours fantasmé sur une version transsexuelle de Nathaniel, ironisa Castiel en se grattant le menton d'un air moqueur, je peux enfin mourir en paix : la vérité a éclaté au grand jour !
- Tu parles, il a juste trouvé une raison pour accepter ces fichus cours, qui lui servent réellement au final ! s'énerva le délégué.
- Même pas en rêve Blondie... grommela-t-il en détournant le regard.


Je n'étais finalement pas si étonnée que ça. Ces deux-là étaient infernaux.

- Bon, t'es là pour quoi toi au juste ? me questionna Castiel en reportant son attention sur moi.
- Depuis quand c'est toi le délégué ici ? reprit Nathaniel en se pinçant l'arête du nez.
- Tu vois pas où je suis assis peut-être ? Mais si tu veux être utile, tu peux toujours aller me chercher un café, proposa Castiel avec un ton insolent qui fit rougir le blondinet de colère.
- Temps mort, deux secondes ! intervins-je en levant mes mains en signe de paix. Je veux juste le formulaire d'inscription pour le forum de ce week-end, et je vous laisse tous les deux tranquillement faire vos petites histoires.
- Ah ! Dark Vador vient à la réunion ? s'étonna Castiel avec un sourire. Bon sang, je devrais carrément dire à ma mère de venir. Tu sais, histoire qu'ils se tapent la discut entre beaux-parents...
- Entre quoi ?! s'écria Nathaniel qui laissa tomber ses fiches.
- Laisse tomber Nath, c'est une longue histoire... soufflai-je. Comment va ta mère ?
- Oh tu sais... Elle est transportée par l'esprit de Noël, railla-t-il.


Je compris rapidement qu'il ne voulait pas en parler face à Nathaniel, malgré que son sarcasme ne soit qu'à moitié dissimulé.
Nathaniel farfouilla dans quelques pochettes, ses faux-cheveux volant avec un certain ridicule dans tous les sens, avant de me tendre une feuille avec négligence.

- Merci Nath, je te le ramènerai rempli demain matin sans faute ! Bonne chance pour les cours.
- C'est vrai que j'ai besoin d'un peu de soutien là, à croire qu'elle a ses règles Blondie, fit remarquer Castiel en soufflant bruyamment.
- Je parlais surtout pour Nathaniel en réalité, ajoutai-je en riant.
- Cette solidarité féminine... Bon, allez, sors de mon bureau maintenant ! ordonna-t-il en tendant un doigt vers la porte sous le regard clairement méprisant de Nathaniel.


Je fis une petite grimace qui se voulait réconfortante à Nathaniel avant de sortir de ce bureau les jambes à mon cou, pour ne pas me retrouver au milieu d'une nouvelle dispute qui allait, sans aucun doute, éclater dans les minutes qui suivaient.

***

Bon sang. Quelle journée. J'étais littéralement épuisée. Nous avions fini par un cours de sport intense, qui m'avait totalement retourné l'estomac. J'aurais des crampes le lendemain, à coup sûr.
Je posai mes clefs sur le présentoir de l'entrée, me dirigeant mollement vers le salon. Que fut ma surprise quand je découvris Lysandre et Amélie blottis l'un contre l'autre dans le canapé à regarder un vieil épisode de Friends. Ils ne m'aperçurent pas directement, j'en profitai pour jeter un coup d'œil à Amélie. Il y avait définitivement un air de ressemblance entre elle et Matt, ils avaient les mêmes yeux d'un bleu nuit profond, et je retrouvai certains de ses traits sur son visage. Les cheveux d'Amélie étaient simplement beaucoup plus foncés, tournant vers un noir corbeau qui contrastait avec les cheveux d'un blanc lumineux de Lysandre. Amélie avait toujours était une petite femme, ce qui lui valait les moqueries de son frère du haut son 1m83.
Jamais je n'avais pensé qu'elle pourrait bien aller avec Lysandre, l'idée ne m'avait pas traversé l'esprit, mais maintenant que je les voyais ainsi, rien ne me sembla plus naturel. Matt avait-il lui aussi vu cette alchimie entre eux ? Refusait-il de la voir ?

- Salut vous deux ! lançai-je joyeusement.

Amélie fit un petit bond de surprise et Lysandre, bien entendu, resta impassible.

- Oh ! Mélodie ? Tu m'as fait peur ! s'exclama-t-elle en fronçant les sourcils.
- Haha désolée ! Je n'ai pourtant pas l'impression que Friends installe une ambiance effrayante...
- C'est parce que je regardais pas vraiment la télévision, mais plutôt la tête de Lysandre en pleine réflexion. Et ça, tu peux me croire, c'est carrément effrayant !
- Je sais que je suis souvent dans la lune, mais là je t'entends, grommela Lysandre en passant néanmoins un bras par-dessus son épaule.
- Ouais, ouais... Deux secondes Lys. T'as vu Matt aujourd'hui Mélodie ? Il nous fait une guerre ouverte à Lysandre et à moi. Quand on est tous les deux à la maison, il nous ignore totalement. Et pourtant, tu sais aussi bien que moi à quel point il est nul pour se rappeler qu'il est énervé contre quelqu'un...
- Oui, je l'ai vu, avouai-je. Et, c'est vrai qu'il est toujours très en colère. J'ai tenté de le faire changer d'avis, mais ça en revient à parler à un mur.
- Je me sens coupable... nous confessa Lysandre avec un regard dans le vide. C'était idiot de ne pas lui en parler. Ca ne me ressemblait pas. J'ai été lâche, j'ai retardé le moment de lui en parler, encore et encore. J'ai l'impression de faire n'importe quoi en ce moment. D'abord Matt, et puis les problèmes que je t'ai causé Mélodie...
- Je me suis portée volontaire, et je t'ai déjà dit d'arrêter de t'en vouloir pour ça ! Et puis, au final, il n'y a pas mort d'homme. Tu n'as pas eu de soucis avec mon père, et je n'en aurai bientôt plus. A mon avis, ta dispute avec Matt est bien plus problématique. Il t'en veut vraiment tu sais.
- Je ne sais pas quoi faire...
- Selon moi, il va juste lui falloir un peu de temps, c'est tout. Mais je pense qu'il t'aime trop pour tirer un trait sur tout ce que vous avez vécu, affirma Amélie en passant une main rassurante dans les cheveux de mon demi-frère.


Je fis un petit signe de tête pour l'approuver. Matt ne pouvait pas continuer à faire le boudin ad vitam aeternam, ça ne lui ressemblait pas. Je demeurais plutôt confiance vis-à-vis de leur future réconciliation.

- Oh ! C'est un formulaire d'inscription pour le forum de samedi ? présuma Amélie en m'observant déposer le papier sur la table de la salle à manger.
- Oui, mon père compte sans doute y participer.
- J'y serai aussi ! m'apprit-elle toute enthousiaste. Pour représenter ma fac, et puis le lycée me manquait un peu... On pourrait organiser une petite soirée film chez moi après le forum ? J'inviterai Lysandre, peut-être Castiel : j'arrive à l'apprécier quand il est silencieux, et toi. Histoire de réussir à obtenir une ambiance agréable, et à me réconcilier avec mon idiot de frère...
- Ca pourrait marcher, approuvai-je doucement. Tant qu'il y a Castiel ou moi au milieu, histoire qu'il ne se sente pas trop en terrain ennemi. Enfin, tu verras bien sa réaction quand tu lui proposeras !
- Je vais lui vendre tout ça avec un bon DVD du Seigneur des Anneaux ou alors de Star Wars, il va être attiré comme une abeille à un pot de miel.


Je ris doucement avant de les laisser seuls tous les deux et déguerpir dans ma chambre.

***

J'étais dans ma chambre, exécutant mes exercices de mathématiques avec concentration, lorsque j'entendis quelqu'un toquer à la porte. Je lâchai un « entrez », avant d'observer mon père faire son entrée. Il avait l'air préoccupé, concerné. Je repris ma position initiale face à mon bureau, et donc ainsi, dos à mon père. J'arriverai sûrement mieux à l'affronter s'il n'était pas capable de déceler la moindre de mes expressions.

- Il faut que nous ayons une petite discussion... à propos de ta mère, commença-t-il en s'asseyant sur le lit.

Je lâchai mon stylo qui retomba lourdement sur mon bureau en bois blanc. J'avais réussi à placer ma mère dans un recoin de mon cerveau auquel je ne m'autorisai pas l'accès. C'était difficile de revenir à la dure réalité.

- Je sais ce qu'il s'est passé avec elle lors de votre dernière conversation. Je savais déjà depuis longtemps ce que tu ressentais mais que tu refusais de lui dire. Et je comprends ta réaction ma puce, je comprends. Seulement, je pense malgré tout que son voyage en France te ferait du bien...
- Pourquoi est-ce que tu dis ça ? m'étonnai-je sans pour autant me retourner vers lui.
- Parce que c'est ta mère. Si tu ne lui donnes pas l'occasion de s'expliquer, ou de tenter de se faire pardonner, tu auras ça dans un coin de ton esprit toute ta vie chérie.
- Je ne crois pas qu'elle ait gardé tout ça dans un coin de sa tête de son côté papa, et je sais très bien que tu as toujours été d'accord avec moi sur ce point, répliquai-je.
- J'ai aimé ta mère, je la connais, et je te connais. Fais-moi confiance, tu as besoin de l'entendre. Tu ne pourras pas réellement arrêter de souffrir de la distance que tu as avec elle tant que tu ne t'es pas expliqué avec elle, que tu n'as pas écouté ce qu'elle a à te dire.
- Papa, elle n'a pas d'excuse. Je n'ai pas envie de lui en trouver... La voir, l'écouter, ça va me faire souffrir, je le sais... soufflai-je en posant ma tête entre mes mains. Je ne veux plus ressentir de déception...
- Ecoute, je sais très bien qu'elle n'a aucune excuse. Et c'est pour cela que je lui en veux tellement. Mais c'est ta mère, et elle est insouciante, elle ne se rend pas compte des choses,... Je pense qu'elle te dira tout ça mieux que moi, mais tu as besoin de l'entendre. Tu es assez grande maintenant, et je pense que tu regretteras d'avoir refusé de lui laisser t'expliquer les choses à sa manière, même si ce n'est vraiment pas ce que tu auras envie d'entendre. Tu sais, parfois, il vaut mieux enlever les pansements d'un coup sec.


Il avait raison. Il avait d'ailleurs souvent raison. Je soupirai bruyamment, signant ma capitulation. Il s'approcha et déposa un baiser affectueux sur le haut de ma tête.

- D'ailleurs, j'ai rempli le formulaire pour le forum de ce samedi. Il est sur la table à manger, n'oublies pas de le rendre demain.
- D'accord papa.
- Oh, et avant que j'oublie : j'ai beaucoup réfléchi à cette histoire avec Castiel, ajouta-t-il.


Je me retournai de ma chaise pour le regarder droit dans les yeux pour la première fois. J'avais attendu cette discussion depuis un certain temps, et j'appréhendai ce qu'il s'était retenu de me dire auparavant.

- Tu sais papa, avec Castiel... On se dispute souvent, et même si c'est une bonne personne, je te le garantis, je me dis qu'il faudrait que je... commençai-je en trouvant difficilement mes mots.
- Attends, laisse-moi parler avant Mél. D'abord, je ne comprends vraiment pas ce que tu fiches avec ce garçon, il est rustre, grossier, impatient et très... difficile, je dirais. Ce n'est pas un cadeau, il est... mal, il souffre, ça se voit presque autant que son... étrange couleur de cheveux, même s'il tente de le dissimuler. Et en même temps, je l'ai pas mal observé pendant ce dîner, et j'ai bien vu qu'il t'apprécie. Il ne te veut aucun mal, j'en suis persuadé. Et puis, je pense qu'il peut réussir à te faire rire. Sûrement parfois malgré lui. C'est la première fois que je rencontre un de tes petits amis, je pense qu'il est important pour toi, et je suis prêt à faire des efforts. Mais bon sang Mélodie, tu l'as bien choisi celui-là...


J'avais l'impression qu'il était à deux doigts de prendre ça pour une mauvaise blague. Je jugeai que ce n'était clairement pas le moment de lui annoncer que nous avions « rompu ». Enfin bref, peu importe, il le saura bien assez tôt. J'avais juste peur qu'il fasse une gaffe au forum de ce week-end, est-ce que je pouvais espérer lui annoncer la fin de ma pseudo-relation avec Castiel d'ici là ? Etait-ce réellement judicieux ?
Il ne me laissa pas vraiment le temps de lui répondre puisqu'il quitta la petite pièce avec un sourire aux lèvres. Ce n'était pas forcément une bénédiction, mais c'était mieux que rien.  

Et Dieu créa Mélodie... entre deux pauses pipiWhere stories live. Discover now