Chapitre 19 : Un mauvais karma

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  C'était vraiment plus que gênant. Mon regard passait machinalement d'Alexy à Castiel, sans savoir comment réagir. Castiel semblait réellement furax.

- C'est quoi ces conneries ? grogna-t-il en grimaçant.
- Bah au fond de moi, j'ai toujours su que Mélodie n'était pas une fille comme les autres, reprit Alexy en jouant aux abrutis. Elle a un je-ne-sais-quoi de viril qui m'excite. C'est la nature mon pote, on y peut rien !
- Un « je-ne-sais-quoi de viril » ? répétai-je en dardant Alexy de mon regard noir.
- Vous foutez pas de ma gueule tous les deux. Le but c'était quoi ? De nous espionner ? Vous avez trois ans ou quoi bordel ?!
- Pas du tout ! me défendis-je en rougissant. Je... A vrai dire, je croyais que c'était Lysandre.
- Ah ouais ? Donc tu voulais espionner Lysandre ? Et t'espères te sentir moins conne en disant ça ?
- Mais non, je ne voulais pas l'espionner ! C'était... Enfin, c'est... Idiot. Je voulais juste...
- Putain arrête ton cinéma deux secondes ! Si t'avais voulu sortir, tu serais sortie au lieu d'écouter une discussion qui te concernait en rien du tout, me reprocha-t-il d'un ton sec et dur en croisant les bras contre son torse.
- T'es juste énervé parce qu'on vous a entendu parler de Mélodie, fit remarquer doucement Alexy qui ne supportait pas les conflits.


Sa remarque me fit rougir de plus bel, je détestais me sentir au centre d'une conversation sans en avoir le contrôle. Je baissai le nez sur mes chaussures, je n'arriverai pas à croiser le regard de Castiel dans cette situation. Mais en soit, avais-je réellement à me sentir gênée ? Après tout, il avait totalement nié avoir des sentiments à mon égard. J'étais incapable de savoir quoi en penser, surtout quand mon ventre s'amusait à vriller de la sorte.

- J'vous emmerde, vous êtes vraiment que des gamins tous les deux, cracha-t-il avant de tourner les talons et de quitter la pièce.
- J'en reviens pas de mettre fait traiter de gamin par Castiel, s'exclama Alexy une fois que ce dernier fut parti. C'est comme de se faire violer par la fée Clochette.
- Tu crois qu'il nous en veut ? repris-je en levant des yeux plein de culpabilité vers Alexy.
- Ca dépend, me répondit-il gravement.
- De quoi ?
- De s'il a dit ou non la vérité à Matt.
- Pourquoi est-ce qu'il aurait menti ?
- Peut-être parce que c'est dur de finalement ressentir des trucs après dix-huit ans d'abstinence ?
- Tu racontes vraiment n'importe quoi, marmonnai-je. Le truc c'est, qu'aussi bizarre que cela puisse paraître, on s'est beaucoup soutenu lui et moi ces derniers temps. C'est pas une question de sentiment, c'est juste qu'on a partagé certaines choses et...
- Ah oui ! Vous en avez partagé des choses de ce que j'ai entendu ! se moqua Alexy. Mais Mél, sérieux, depuis quand tu craques sur Castiel toi ?


Quoi ? Mais qui avait parlé de « craquer sur Castiel » ?

- Je craque autant sur Castiel que toi sur moi ! me défendis-je en lui faisant les gros yeux.
- Ecoute, il n'y a pas de mal à reconnaître avoir une petite attirance pour quelqu'un, c'est naturel d'avoir ce genre d'envies hormonales, m'assura-t-il en prenant un ton scientifique qui me fit faire la moue.
- C'est Castiel. Cas-tiel. Et je suis Mélodie. Tu me suis ? Je l'aime bien, mais... mais... non.
- Bah alors vu qu'il a été incapable de le faire, tu peux m'expliquer pourquoi vous vous êtes embrassés ? continua-t-il toujours aussi insistant.
- Euh... Je... J'étais triste, et puis un peu pompette... C'était une soirée et tout le monde s'embrasse en soirée, je vois pas ce qui a de spécial là-dedans !
- Non, c'est faux, tu n'embrasses jamais personne en soirée.
- Bon, t'as fini ? Puisque je te dis que c'était rien, fais-moi confiance !
- Ouais, c'est ça, grommela-t-il.


Il s'éloigna pour quitter la chambre dans une démarche lente, comme s'il semblait réfléchir. Il tourna la tête vers moi un bref instant, le temps d'ajouter avec un sourire malicieux que je fus incapable d'interpréter :

- Au final, vous vous ressemblez plus que ce que je n'aurais pu imaginer.

***

Castiel faisait la gueule. Matt faisait la gueule. Alexy faisait l'idiot et Lysandre et Amélie ne pouvaient s'empêcher de se toucher tout le temps, sans même s'en rendre compte, ce qui avait le don d'énerver Matt : il me faisait des grimaces de dégoût discrètes dans leur dos toutes les cinq secondes.
Comment est-ce que j'étais supposée m'en sortir au milieu de tout ça ?

- Bon : Star Wars ou le Seigneur des Anneaux ? relança Amélie qui commençait à s'exaspérer en nous pointant les deux DVDs sous le nez.
- Comme tu veux, lui répondit Lysandre en se grattant la nuque, gêné par l'ambiance.
- Mais Star Wars ! hurla Alexy en se levant. Je le répète depuis tout à l'heure, pourquoi est-ce que personne ne m'écoute ?
- Parce que t'es pas le seul à regarder le film trouduc, siffla Castiel toujours aussi énervé.
- Vous êtes lourds... grogna Alexy qui se rassit en faisant le boudin.
- Bon, Matt, t'as qu'à choisir toi, trancha Amélie.


Je savais pertinemment qu'elle tentait de lancer une perche à son frère, d'enterrer la hache de guerre. Tous les visages se tournèrent vers ce dernier. Il passa sa main dans ses longs cheveux bruns qui lui tombaient sur le front et lâcha un profond soupir. Il lança un coup d'œil à Castiel qui lui fit un discret hochement de tête, lui offrant son soutien implicitement.

- Si tout le monde est d'accord, j'suis chaud pour Star Wars, finit-il par dire.
- Ok ! Va pour Star Wars ! s'enthousiasma Amélie qui lui offrit son plus beau sourire. Lys, tu vas faire le popcorn ?


Ce dernier, toujours aussi silencieux, hocha la tête avant de se lever du canapé. Profitant de l'occasion, je lui piquai sa place car le pouf du salon n'avait rien de confortable. Et puis, après tout, il m'avait bien piqué mes stylos. Je me retrouvai donc entre Matt et Alexy. Ce dernier roula sur moi comme un chaton, posant sa tête contre mon épaule. Je ne pus m'empêcher de pester parce qu'il avait réussi à me mettre ses cheveux dans la bouche.

- Attends Lys, j'te file un coup de main, se proposa Matt en suivant mon demi-frère vers la cuisine.

Je jetai un bref regard à Lysandre et aperçut un très faible sourire s'étirer sur ses lèvres. C'était une occasion pour lui de s'expliquer avec Matt, et j'espérais sincèrement que cette discussion allait aboutir sur quelque chose de positif, et non pas sur un meurtre à coup de fourchette.
J'allais me retourner vers la télévision, où Amélie tentait en jurant de mettre le film en place, lorsque je croisai le regard de Castiel, qui m'observait avec une expression indéchiffrable. N'importe quel garçon prit en flagrant délit de la sorte aurait détourné le regard, mais ce n'était pas son genre. Il soutint mon regard, et semblait presque pensif, comme si quelque chose le chiffonnait. Je portai ma main au visage, pour m'assurer que je ne m'étais pas fichue du chocolat autour de la bouche quand j'avais piqué un Oréo discrètement tout à l'heure dans la cuisine, mais ce n'était pas ça.
Il finit par se lasser et me lança un nouveau regard mauvais. Il était toujours en colère, mais pourquoi au juste ? Parce que nous l'avions espionné ou parce que nous avions entendu ce que nous avions entendu ?

- Bon, t'y arrives ou quoi Einstein ? balança Castiel à Amélie qui pestait toujours contre l'appareil.
- Tu pourrais venir m'aider au lieu de te moquer ! lui reprocha-t-elle la tête dans le meuble pour atteindre les prises qui se situaient dans le fond.
- J'ai une tête de plombier ?
- C'est électricien espèce de pauvre tâche ! pesta-t-elle en lui présentant son majeur dans son dos tout en gardant le corps à moitié plongé dans le meuble télé.
- T'as hérité de l'élégance de ton frère c'est fou, railla-t-il avec un sourire d'emmerdeur.
- Et toi de la gueule de ton chien, répliqua-t-elle sèchement.


Castiel se contenta de rire, je savais qu'il avait toujours apprécié le tempérament garçon manqué et rentre-dedans d'Amélie. C'était le genre de personnes dont il aimait s'entourer. Ce qui m'amenait encore et toujours à me questionner sur pourquoi étions-nous « amis » (s'il était possible de nous qualifier de la sorte).
Amélie finit par se dégager quand elle entendit le son du film finalement sortir des enceintes. Elle poussa un petit cri de joie et de contentement. Elle se retourna vers nous pour obtenir un peu de soutien, mais elle ne réussit qu'à nous faire rire dans la mesure où ses cheveux étaient maculés de touffes de poussière qui s'étaient accumulées dans les placards à force de rester clos.

- Quoi ? Qu'est-ce que j'ai dit ? se renfrogna-t-elle en faisant la moue.
- Rien, on dirait juste qu'on t'a collé des cheveux de la directrice sur la tête, c'est tout, lui expliqua Castiel plutôt blasé.


Elle passa la main dans ses cheveux et dût sentir une substance qui lui déplut puisqu'elle se mit à hurler à plein poumon en se dirigeant à grand pas vers les toilettes.
Il ne resta donc plus que Castiel, Alexy et moi. Et donc assez logiquement un silence long et désagréable, puisque Castiel semblait toujours en rogne. Bien entendu, ce n'était pas dans la nature d'Alexy de supporter une ambiance aussi électrique.

- T'as fini de faire la gueule là-bas ou quoi ? rouspéta Lex en lui balançant un coussin en pleine tronche.
- J'sais pas, tu peux toujours aller poser la question à l'armoire, ironisa Castiel en laissant tomber mollement le coussin au sol.
- Putain, t'es sur les nerfs dis-moi. Raconte-moi ce qui te tracasse ma poule, lui fit-il en escaladant mon corps pour se retrouver à côté de lui.
- Mais fous-moi la paix merde ! s'emporta Castiel en s'enfonçant dans le canapé.


Alexy, loin de se renfrogner, tourna sa tête d'un coup sec vers le rouquin, puis la retourna à nouveau vers moi pour m'observer. Il recommença son manège plusieurs fois, avant de tourner le reste de son corps complètement de mon côté avec un petit sourire satisfait sur les lèvres. Je me mis à froncer les sourcils, sentant une idée à la Alexy pointer le bout de son nez avec la rapidité d'une rafale de vent pendant une tempête.

- Bon, t'as qu'à me raconter un peu ta petite vie en attendant Mél, me balança-t-il avec sa tête de fouine.
- Plaît-il ? m'étonnai-je.
- Attends, ça fait longtemps qu'on a pas eu une petite discussion tous les deux, m'assura-t-il. La dernière fois c'était le jour où tu as rencontré ce type-là, tu sais, comment il s'appelle déjà ?
- Tu parles du type qui est venu réparer la douche la semaine dernière ?
- Mais non ! siffla-t-il en se frottant le front de désespoir. Tu sais, le type qui t'as dragué, plutôt mignon, baraqué,... ? Ca te revient ?


Il a définitivement perdu les plombs. J'ai beau tenter de faire fonctionner mes méninges, rien de tel ne me revient à l'esprit. Et ce n'est pas dans mes habitudes d'oublier lorsque j'arrive à plaire à un garçon !

- Tu dois confondre avec Rosalya, lui assurai-je d'un ton ferme.
- Je ne confonds pas avec Rosalya, Mélodie, grogna-t-il en jetant un regard discret lourd de sens dans la direction de Castiel. Je te parle de ce gars qui t'as filé son numéro et avec qui tu discutes depuis deux semaines ! Comment tu peux oublier un truc pareil sérieux ? T'as fumé ?


Oh non. Ne me dîtes pas qu'il est en train d'essayer de faire ce que je crois. Il venait d'apprendre depuis à peine vingt minutes que nous nous étions embrassés et il tentait déjà de jouer aux entremetteuses. Même les filles n'avaient pas été aussi envahissantes en le découvrant.
Je me mis à mâchouiller ma langue, gênée. Comment faisait-il pour toujours me mettre dans des situations où je finissais inévitablement par me sentir mal à l'aise ? Résolution de 2016 : arrêter de traîner avec cet abruti.
Je lançai un regard vers Castiel, parce que malgré tout, je ne pus m'empêcher de le faire pour appréhender sa réaction. Il avait fermé les yeux et sa tête reposait sur le canapé. Je pus distinguer que ses sourcils étaient légèrement froncés, signe qu'il était au moins un minimum attentif à la conversation.

- C'est quoi son nom déjà ? Thomas ? me relança Alexy face à mon silence obstiné. Ca avance comment du coup ?
- Bah, après des échanges aussi longs et intéressants, on finit par se rendre compte qu'on est devenus de très bons amis, avec Thomas, ironisai-je en levant les yeux au ciel. En plus il a un joli nom, qui ressemble étrangement à celui de ton prof de salsa d'ailleurs, c'est marrant non, comme le monde est petit ?
- Ouais, très marrant, pesta-t-il en me pressant la cuisse pour me forcer à jouer le jeu. Mais tu es sûre que vous êtes seulement amis ? Parce qu'avec les textos romantiques qu'il t'envoie, je suis pas sûr qu'il ait bien compris. Surtout que tu m'as dit qu'il te plaisait bien.
- Oh tu sais, la romance : ça va, ça vient, marmonnai-je en serrant les dents parce qu'il était, mine de rien, en train de me faire mal.


Coupant court à notre conversation des plus idiotes, le téléphone de Castiel se mit à sonner. Ce dernier remua légèrement le bas du corps pour extirper son portable de sa poche et se le planta devant les yeux pour réussir à le déchiffrer sans avoir à bouger la tête. Cependant, ce qu'il vit lui fit apparemment un choc puisqu'il se redressa subitement. Il passa sa main sur son menton, pensif.
Il se releva du canapé, fit quelques pas dans la direction de l'entrée et quitta la maison sans un mot.
Bon sang, quelle mouche l'a piquée ? Et alors que je pensais qu'il était simplement parti entretenir une conversation téléphonique dans le jardin, j'entendis le moteur de sa moto rugir, annonçant qu'il partait définitivement.

- Je pensais pas que ma tentative de le rendre jaloux marcherait autant, me fit remarquer Alexy qui était tout aussi surpris que moi.
- T'es totalement idiot ! m'exclamai-je en lui filant des coups de poing à répétition sur l'épaule droite. De un, ne me refais plus jamais un truc pareil, et de deux, tu vois bien qu'il n'en a rien faire, c'est pas pour ça qu'il est parti.
- Purée ! Ces conneries de poussière s'étaient complètement infiltrées dans mes cheveux, une horreur... râla Amélie en faisant son retour dans le salon. J'ai raté quelque chose ? Où est Castiel ?
- Bah on sait pas, il s'est cassé sans rien dire, l'informa Alexy en haussant les épaules.
- Qu'est-ce que vous avez fait pour l'énerver ? nous questionna Amélie, suspicieuse.
- Mais rien du tout ! protesta Alexy en croisant les bras sur son torse comme un gamin qui était en train de se faire sermonner.


A ce moment-là, Matt et Lysandre revinrent enfin de la cuisine. Nos trois visages se tournèrent dans leur direction, pour tenter de jauger leur humeur. Lysandre souriait et portait le grand saladier avec les popcorns, Matt avait passé un bras au-dessus de son épaule et lui racontait une blague en le secouant. Je me sentis immédiatement soulagée : Lysandre avait réussi à trouver les mots justes. Pour un poète, il en avait mis du temps ! Surtout qu'il s'agissait de Matt : sûrement le garçon le moins rancunier au monde.
Leur complicité retrouvée me réchauffa le cœur, ça m'avait tellement manqué de ne pas les voir si proches tous les deux ces dernières semaines. Surtout qu'en dehors de mon père, ils étaient un peu les deux hommes les plus présents dans ma vie (Alexy mis à part, que j'assimilai plus à une sangsue qu'à un homme à proprement parler. Bon, une sangsue attachante malgré tout).
Amélie sembla partager mon contentement puisqu'un large sourire s'étira sur son visage, le genre de sourire typiquement lié aux gènes des Denvers. Un sourire franc, communicatif et beau, tout simplement.

- Bah il est où l'autre con ? s'étonna Matt en cherchant Castiel du regard. Il est parti fumer une clope ?
- Non, il s'est cassé, leur apprit Amélie.
- Comment ça il s'est cassé ? Vous l'avez énervé ? nous demanda-t-il en nous coulant un regard interrogatif à Alexy et moi.
- Mais c'est quoi cette manie de croire qu'on a quelque chose à voir avec ça ?! s'écria Alexy, visiblement agacé.
- Parce que depuis qu'on est gamin, t'as toujours eu le don pour le saouler jusqu'à épuisement, lui fit remarquer Matt. Et Mélodie... C'est... Enfin... Bon, il est où du coup ?
- Aucune idée, marmonna Lex qui était vexé comme un pou.
- Bon, il va sûrement revenir, conclut Amélie en s'asseyant à côté de nous sur le canapé.
- Ouais, j'vais lui envoyer un texto et on a qu'à commencer sans lui, décida Matt en filant un coup de poing sur l'épaule de Lysandre sans raison, sûrement parce que c'était sa façon à lui de dire que son ami lui avait manqué.


***

Je fus brutalement réveillée en sentant une main s'étaler durement sur mon visage. J'écarquillai les yeux, sonnée par ce violent retour des bras de Morphée, pour découvrir un Alexy endormi à moitié allongé sur moi.
C'était bizarre, je me souvenais pourtant très clairement que nous nous étions endormis chacun de notre côté dans mon lit double, dos contre dos. Pourquoi fallait-il qu'Alexy soit aussi tactile jusque dans son sommeil ? J'allais mourir de chaud si je ne me dégageais pas rapidement de son emprise.
Je tentai alors la technique du glissement de terrain, me laissant lentement tomber vers le bout du lit comme une larve pour réussir à me détacher de lui sans avoir nécessairement à le réveiller. En effet, il valait mieux un Alexy collant endormi, qu'un Alexy collant réveillé. Il était toujours bien trop en forme le matin, alors qu'il me fallait nécessairement plus de temps pour sortir de mon état de comateuse. Il s'amusait toujours à me prendre la tête au réveil, sachant pertinemment que je n'avais pas les idées claires.
Une fois extirpée de son emprise, je ne sus retenir un petit sourire niais et follement amoureux en le voyant roupiller tranquillement comme un bébé. Je me saisis rapidement de mon téléphone qui traînait par terre, pour inspecter l'heure : 8h56. Bon sang, je n'avais vraiment pas assez dormi.
Je tentai de me rappeler précisément l'heure à laquelle nous nous étions couchés, je calculai rapidement : cinq heures de sommeil. Ce n'était franchement pas beaucoup. Nous avions enchaîné quelques films de Star Wars, car Matt avait décidé de nous refaire les répliques en temps réel à côté de la télévision. La fameuse et épique scène de « je suis ton père » avec Dark Vador avait clairement été sa meilleure prestation, j'avais manqué de me faire pipi dessus.
Je m'apprêtai à retourner m'affaler dans le lit, du côté qu'Alexy avait laissé vide, mais je constatai en désactivant le mode avion de mon téléphone que j'avais loupé une vingtaine d'appel de Matt. Paniquée, je déverrouillai mon clavier rapidement en quittant ma chambre. Je portai le téléphone à mon oreille et attendis patiemment qu'il décroche. Ce qu'il fit seulement au bout de la première sonnerie.

- Putain Mél ! J'ai essayé de te joindre toute la nuit ! s'écria-t-il alors que je m'enfermais dans la salle de bain pour avoir un peu d'intimité.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Tout va bien ? m'inquiétai-je. Tu es où ?
- J'suis avec Lysandre, on a vadrouillé toute la nuit, m'apprit-il avec un ton qui ne fit qu'amplifier le mauvais pressentiment que j'avais depuis le début de cette conversation.
- C'est Castiel, c'est ça ? devinai-je en sentant mon cœur battre plus fort.


Il ne répondit rien. Un nouveau battement de raté. Une nouvelle grande inspiration pour me calmer.

- Il va bien ? relançai-je avec une voix bien trop faible.
- Quand vous êtes partis vous coucher avec Lex, Lysandre et moi on a voulu partir discuter un peu dans le jardin. Et... J'ai reçu un appel de Castiel. Il était totalement torché, il était genre quatre heures du mat. Il m'a raconté des trucs qui n'avaient aucun sens, il riait, il se marrait mais ça sonnait faux, j'sais pas. Je me suis énervé, je comprenais rien. Et puis, il a fini par me le dire. Il s'est passé un sale truc avec sa mère.
- Quoi ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? le questionnai-je fébrile.


A nouveau, il y eut un long silence. Je n'avais pas besoin qu'il s'exprime pour comprendre la situation. J'avais cependant besoin qu'il le dise à voix haute, qu'il rende mon terrible pressentiment réel.

- Ils... Ils n'ont rien pu faire, finit-il par réussir à articuler.

Je lâchai un « oh mon Dieu » si doucement que je ne fus même pas sûre qu'il réussit à l'entendre. Un gros poids s'abattit sur mes épaules, un gros trou dans mon estomac. Je n'avais pas connu sa mère, mais je le connaissais, lui. Ca allait le détruire. Il allait se détruire, comme une grenade venant d'être dégoupillée. Je portai ma main à ma poitrine, comme si ce contact pouvait réussir à faire calmer les battements de mon cœur. Je me sentais touchée, tellement touchée que je me sentais perdre pied.

- Il a raccroché après nous l'avoir balancé, continua-t-il mais sa voix semblait très lointaine. Je... On sait pas où il est. Lysandre pense qu'il doit être assoupi dans la rue à décuver. J'suis super inquiet. On a besoin de quelqu'un à son appart au cas où il revienne, tu veux bien nous rejoindre là-bas ?
- J'enfile des chaussures et j'arrive, confirmai-je en me relevant du rebord de la baignoire où je m'étais assise pour encaisser le choc.


Je raccrochai rapidement et pris la direction de ma chambre. J'observai brièvement ma tenue : je portais mon horrible jogging rose et un T-shirt de foot de mon père.
Je fis rapidement le choix d'enfiler mes bottines noires plates, qui ne juraient pas trop avec l'ensemble déjà bien dégradant. Je rédigeai une petite note à Alexy pour lui expliquer que je devais m'absenter, en espérant être revenue avant son réveil, enfilai une grosse écharpe grise autour de mon cou et quittait la pièce d'un pas rapide, comme un robot.
Une image de Castiel s'imprima dans mon imaginaire : un Castiel livide, effondré sur le sol, totalement vidé, en train d'agresser quiconque tenterait de s'approcher de lui comme un animal fou. Un îlot à l'abandon. La peur me vrilla l'estomac. Malheureusement, j'avais le terrible et douloureux sentiment qu'il ne s'agissait pas que d'une simple image que mon esprit était en train de m'imposer.  

Et Dieu créa Mélodie... entre deux pauses pipiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant