Partie quatre vingt six

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La distance n'est pas un obstacle mais un beau rappel de la force du véritable amour.

~~~ Point de vue de Jared. ~~~
Vendredi six novembre.

L'affluence a atteint son paroxysme et les applaudissements s'enchaînent de plus belle en laissant apparaître Marvin en lingerie masculine. Il défile encore mieux que dans mes souvenirs, le regard vif, la mâchoire carrée et cette décontenance dans ses gestes qui viennent clairement me mettre un bon coup de pression. Est-ce que je suis capable de faire mieux que lui ? C'est en partie grâce à moi qu'il a acquis ses quelques connaissances en la matière, mais je suis heureux qu'il soit autant aimé des sponsors.

— Tu es prêt ? Me demande Andrew en ravalant la bile qui lui monte dans la gorge. Putain, on joue notre carrière dans ce défilé, est-ce que tu sais qu'il y a le co-fondateur de Heavy ?

— Calme-toi, c'est pas la peine ne mettre la pression à tout le monde.

Je lui donne une petite claque dans le dos en esquissant un bref sourire réconfortant. Mon grand frère veut atteindre la perfection, mais il ne comprend toujours pas que nous sommes de loin les meilleurs du marché américain. Il avale d'une traite un café bien serré en regardant dans les coulisses une gigantesque toile blanche où le défilé se déroule sans encombre.

— Ne foire pas tout mon frère, je ne plaisante pas avec six mois de travail.

— Alors enlève-moi ce putain de maquillage de mon thorax, je ressemble a un travelo avec ça.

Il me regarde avec des grands yeux ronds comme si il ne me comprenait pas.

— Impossible, je te rappelle que cette cicatrice est visible même avec tout ce fond de teint. Il soupire en allumant une cigarette comme il le fait quand il est stressé.

— Justement, je ne suis pas moi-même sans cette cicatrice alors dit à ta maquilleuse de prendre une lingette démaquillante et de faire son travail correctement.

— Non..

Je marche silencieusement en hurlant dans les coulisses à l'intention d'une maquilleuse en train de refaire son trait d'eye-liner.

— Enlève ça s'il te plaît.

Je montre brusquement mon maquillage sous son nez qui recouvre ma cicatrice, mais elle hoche la tête perplexe en reportant son attention sur Andrew qui lui fait signe de ne pas le faire.

— J'ai des consignes.. Je suis désolée mais c'est impossible.

— Bien alors je vais le faire moi-même.

J'imbibe deux gros morceaux de coton avec du démaquillant en frottant comme un malade, mais June me freine dans ma course à ce moment-là.

— Bon sang mais qu'est-ce que tu fais ?

Elle parle à voix basse alors que le deuxième mannequin fait son entrée dans la cage aux lions.

— J'enlève cette merde, ça se voit pas ?

La cicatrice réapparaît soudainement dans une teinte presque violacée, mais je me sens déjà mieux. Peut-être que personne ne peux comprendre, mais j'ai besoin de cette marque qui fait maintenant partie de nos vies.

— Je le remarque bien, mais pourquoi ?

— Ils attendent tous quelque chose de vrai, pas un putain de défilé ou tout le monde est parfait. J'encadre doucement son visage en essayant d'être le plus rassurant possible. Tu dois me faire confiance, je porte une partie de toi maintenant et les gens doivent être au courant.

— Il se passe quoi ?

Marvin s'immobilise devant nous en attendant une réponse concrète que mon frère ne tarde pas à lui dire.

— Bordel, il est en train de tout faire capoter.. Est-ce que quelqu'un voudrait bien le faire revenir à la raison ?

J'ai envie de lui foutre mon poing dans la gueule, mais me ravise en attendant le consentement de ma femme sous le reflet des lumières.

— Enfile ça, c'est maintenant ou jamais.

— C'est n'importe quoi, j'ai beaucoup trop honte.. Me dit-elle en refusant le tee-shirt.

Elle doit être à mes côtés pendant le défilé en montrant aux yeux de tous ce que nous sommes vraiment. Pas seulement un couple, mais plutôt deux personnes qui s'aiment à faire l'impossible pour vivre à travers l'un de l'autre.

— S'il te plaît, tu dois me faire confiance.

Les secondes s'égrainent lentement, Andrew est à deux doigts de faire une crise alors que Marvin semble être pensif toujours affalé mollement dans un siège en s'accoudant contre une tablette.

— Je suis d'accord avec lui, il veulent de la sincérité et pas seulement un putain de caleçon qui serre la marchandise.

Marvin est mon deuxième frère, il n'y aucun doute à ce sujet, enfin à part quand il me ramène mon ex sur le tapis.

— Qu'est-ce que tu veux faire, June ? Lui demande Marvin en lui serrant la main tendrement.

— J'ai la trouille.. Je ne sais même pas défilé.

— Pas de problème, je te montre les bases.

Marvin s'occupe de ma copine en lui donnant un modèle d'exposition que nous n'avons pas encore autorisé a commercialiser à cause du choix des matériaux. Je rejoins Andrew sur la terrasse alors qu'il donne un bon coup de poing dans une chaise en plastique.

— Je suis peut-être le pire des cons, mais je suis certain que ça fonctionnera encore mieux que tu pourrais le croire.

J'exerce une petite pression dans sa nuque, mais il ne semble pas être en mesure de me rendre un sourire.

— Je ne te le fais pas dire, on est pas d'un film Jared.

— Je suis au courant.

Il retient sa respiration en me fusillant de ses grands yeux comme il le fait depuis petit  quand quelque chose ne lui va pas.

— On ne demande pas à quelqu'un de novice de faire une entrée devant un public de plus de trois cents personnes. Il me donne un bon coup de coude en haussant la voix encore un peu plus fort. J'attends le résultat, il te reste plus que trois minutes, Monsieur le génie.

Je soupire en rejoignant June et Marvin en train d'apprendre quelques pas de base devant les grands rideaux.

— Je te quitte avant ou après le drame ?

Elle roule des yeux en ravalant les larmes qui menacent de couler sur son visage. Je la serre dans mes bras tellement fort qu'elle manque de me tacher avec son mascara.

— Tu es sublime comme ça, fais-moi confiance.

Ses mots directement retranscrit à son oreille sont rassurants et semble légèrement la détendre.

— Idiot, je ne ressemble à rien.

Elle me donne une petite claque en s'avançant lentement jusqu'aux grands rideaux.

— Bonne chance mon pote, je t'aime.

Marvin me donne une petite accolade amicale en me souriant sincèrement heureux. Il a confiance en moi et c'est sûrement la plus belle preuve d'amitié qu'il pouvait me faire jusqu'à maintenant.

Trois, deux, un..

My only one Où les histoires vivent. Découvrez maintenant