Chapitre cent un

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Point de vue de June.

Bientôt sept mois de grossesse, plus de nouvelles de son côté et des contractions qui sont de plus en plus douloureuses à m'en tordre en deux. Je crois que tout le monde me répète que la vie continue et que j'ai de la chance d'être encore en bonne santé à ce stade mais ils ne comprennent pas que j'ai perdue le goût de vivre depuis qu'il n'est plus là. Je suis grognon depuis exactement dix jours et ma routine de vielle aigrie devient de plus en plus complexe au quotidien. Je ne m'habille plus, ne sort plus et pleure constamment dans mon lit en me disant que j'ai fait le mauvais choix. Que je préfère qu'il ne s'investisse pas avec ce bébé, mais qu'il soit tout de même dans cette maison immense qu'il a déserté depuis trop longtemps.

— J'appelle déjà les pompes funèbres ?

Angelina ouvre brutalement les rideaux de la chambre en me forçant à me mettre debout.

— Je suis pas en forme, laisse-moi tranquille..

— Justement, c'est le moment de se remettre en scelle et de vivre pleinement cette grossesse.

Elle m'embrasse tendrement le ventre en me souriant sincèrement comme elle le fait depuis quelques mois. Il y a plus de bas que de hauts dans notre relation, mais je crois qu'elle cherche vraiment à faire un effort depuis qu'elle sait que je suis enceinte.

— Il ne reviendra pas ?

— Je ne pense pas, je crois qu'il faut se rendre à l'évidence.. il n'a pas supporté de se dire que ça vie ne sera plus la même avec cette petite fille.

Elle m'aide à me mettre debout en me permettant de rejoindre la salle de bain sans encombre. Angelina m'aide vraiment en me rendant visite presque tous les jours quand son planning lui permet de s'octroyer une pause.

— On va faire cette chambre aujourd'hui et tu vas me faire le plaisir de prendre un peu de temps pour toi. Me dit-elle en me frottant le dos. Ça sent le rat mort quand on s'approche d'un peu trop prêt.

— Sympa, rappelle-moi pourquoi tu viens me rendre visite déjà ?

~~~

Pas de voiture aujourd'hui, apparement c'est mieux la marche quand on est proche du suicide social. J'accepte donc de faire une apparition rapide dans une grande boutique d'articles pour les enfants. Jolie lit blanc à barreaux, un sublime coffre à jouet dans une nuance crème et plus d'une demie-heure à choisir une baignoire en plastique gris pâle.

— Je t'attends dehors, je ne respire plus dans ce magasin.

Je donne ma carte bancaire à Angelina dans la gigantesque queue à la caisse qui me fait un signe de la main en me disant de faire attention à la circulation. Je crois qu'elle s'imagine que je suis encore une gamine irresponsable et il y a quelque chose là-dedans qui m'énerve particulièrement. Je souffle exaspérée en rejoignant le porche où le soleil commence déjà à me cuire comme un œuf. Je ne supporte plus ma vision du monde, ce dégoût en regardant les automobilistes conduire comme des fous en plein centre-ville et les passants qui me ballotte de droite à gauche.

Je m'assois silencieusement à la terrasse d'un café en commandant un sirop à la menthe quand je remarque une silhouette familière un peu plus loin. Mains dans les poches de son jean moulant, incarnation bronzée, beaucoup trop bronzée même. Une casquette recouvre une partie de son visage et je dois faire un effort surhumain pour comprendre que Jared a un gros problème.

— Il te livre tout les articles en fin d'après-midi. Voilà une idée de génie ma petite, je meurs de soif !

Angelina s'assoit sur une chaise face à la mienne en cherchant du regard ce qui pourrait bien me faire perdre l'usage de la parole.

— Bon sang, il a quoi au visage ton prince charmant ?

Je plisse les yeux en me relevant instinctivement de ma chaise malgré le rappel à l'ordre de ma frangine. J'ai le souffle court et la bouche déshydratée en me positionnant devant ce garçon que je reconnaîtrais même les yeux fermés. Ça ne s'explique pas, mais les larmes me montent soudainement en croisant ses yeux injectés de sang.

— Ne me regarde pas comme ça, je vais bien.

Sa voix rauque m'anéantie un peu plus en m'ouvrant volontairement la porte de mon propre enfer.

— Tu es défiguré, non ça ne va pas bien..

Il frotte sa nuque en grimaçant légèrement et je veux juste comprendre ce qu'il lui arrive de plus horrible que d'être méconnaissable. Les bleus forme une ligne sous ses yeux et le sang encore sec contre ses lèvres me donne une nausée matinale.

— Tu vas vraiment me prendre la tête à huit heure du matin ? Marmonne-t'il en cherchant une cigarette dans la poche de son jean. Arrête de faire semblant d'être inquiète, c'est à cause de toi tout ce qui m'arrive.

Mon cœur s'arrête de battre en entendant ses derniers mots. Comment peut-il croire que je suis responsable de ce drame ? Je me mâche l'intérieur de la joue en me forçant à ne pas fondre en larmes devant lui ou même bien devant les autres qui nous bousculent sans faire attention à ce qu'il se passe. C'est fréquent les règlements de compte à New-York, mais pas autant que ça normalement. Il devrait être à l'hôpital et je ne comprends même pas pourquoi il tient encore debout.

— Je ne suis pas responsable, Jared.. Mon maquillage commence vraiment à se faire la malle. Je voulais juste te faire comprendre certaines choses et tu me manques tous les jours depuis..

— Je suis heureux de l'apprendre, vraiment.

Je cours comme une dératée ou plutôt une grosse vache essoufflée en bloquant le passage. Ça a un avantage de faire quinze kilos de plus finalement..

— Je te claque maintenant ou j'attends encore un petit moment ?

— C'est hilarant, qu'est-ce que tu veux encore ?

Je lui assène une bonne gifle en pleine figure juste histoire de lui faire comprendre que je ne suis pas une idiote. Il mérite au moins ça après tout ce qu'il me fait vivre depuis des mois et je compte bien le faire revenir à la raison quoi qu'il en coûte.

— Enlève-toi de mon chemin ou je te marche dessus avec tes trente kilos en trop, June.

Il me contourne, me balance une obscénité en plein visage en reprenant sa route.

— Quinze kilos du con !

Je donne un coup de pied dans une chaise qui bascule mais me fait plus mal que prévu. Vive l'obésité !

My only one Where stories live. Discover now