Chapitre 6

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Sans prendre la peine de réfléchir, elle se mit à cavaler à toute vitesse pour dévier au coeur d'une rue dépourvue de toute luminosité. Le noir complet pourrait peut être lui sauver la mise, pour cette fois. Du moins, elle l'espérait de tout coeur. Qu'une sorcière comme elle puisse se sentir menacée par de simples humains la mettait hors d'elle. À ce jour, la véritable menace résidait surtout au sein même du Monde obscure, pas chez les êtres humains. Cet instant lui fit amèrement regretter son manque de persévérance pour son apprentissage.

Profitant sans attendre de l'obscurité de cette ruelle dont elle ne percevait le bout, elle s'éclipsa derrière l'un des nombreux véhicules. Nul besoin d'être extraordinairement réfléchi pour comprendre qu'elle venait de faire preuve d'inconscience. Le gain de ces trois minutes se transformait en une perte d'elle ne savait combien de temps.

Les pas hâtifs de ses poursuivants se firent soudain de plus en plus distincts et, éprise d'un début de tremblements, elle s'accroupit, le coeur menaçant de briser sa cage thoracique. Ses pieds s'ancrèrent au bitume de toute leur force de sorte à ce que personne ne puisse la décoller du sol.

Elle était dans la merde.

Allez Léna, t'as maté tous les Bruce Lee avec papa,  ironisa-t-elle comme pour s'offrir une once de courage.

Malheureusement, ses petits poings ne feraient sans doute pas l'affaire à en juger par les cinq armoires à glace qui franchirent tout à coup l'angle assombri. Cinq bordel. Cinq.

Si cette situation dégénérait, elle était fichue. Réellement fichue. Mieux valait ne pas se fier à sa faible culture cinématographique qui, bien que ridicule, dévoilait aux spectateurs un sauveur à ces gourdes de demoiselles en détresse. Quoi qu'un petit coup de main serait tout de même le bienvenu, elle en convenait. Si le plus costaud de ces hommes titubait déjà ostensiblement, les autres tenait encore sur leurs jambes avec aisance.

Ok... bon, comptons-en quatre.

Fort heureusement pour elle, aucune luminosité ne leur permettait de la découvrir ainsi, recroquevillée à étouffer le son de son souffle pantelant contre sa paume. Il ne lui restait plus qu'à prier de toute ses forces pour que cette sécurité se maintienne le plus longtemps possible.

— Où est-ce qu'elle est ?

— T'inquiète pas, elle peut pas être bien loin.

L'angoisse qui la gagna se révéla si douloureuse qu'une boule se nicha au creux de son ventre. Le noeud qui s'était formé sur sa gorge se raffermissait, lui aussi, au fil des secondes.

Allez cassez-vous... pensa-t-elle avec impatience.

— Eh miss ! Où est-ce que tu te caches ? commença celui qui lui semblait être le plus jeune. T'es dans un cul-de-sac là ma belle, tu sais qu'on ne tardera pas à te trouver. Allez... Viens un peu par là...

L'effroi qui lui opprimait la poitrine lui coupa le souffle. En examinant les minces possibilités de sortie qui s'offraient à elle, elle se rendit compte que la seule solution qu'elle pouvait encore envisager restait la fuite. Oui c'est ça, fuir. Elle n'avait qu'à patienter sagement que ces grands gaillards dépassent le véhicule derrière lequel elle se camouflait, pour ensuite déguerpir à toute vitesse...

Ses prières intérieures ne cessèrent de se décupler, à tel point qu'elle soupçonna l'arrivée d'un état de folie. Ce n'était pas le moment de perdre pieds. Le vent glacial qui agressait son épiderme lui soutira des claquements de dents, qu'elle tentait en vain de réprimer. Mais comme si tout cela ne suffisait pas, un détail fulgurant vint fâcheusement dissiper ses espoirs. Absolument tous, sans aucune exception.

Le Sang DéfenduWhere stories live. Discover now