Chapitre 8

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Les yeux scellés au corps estropié sur le sol, il s'accroupit le temps de quelques secondes pour examiner les dégâts qui eurent été causés. Certaines blessures étaient profondes, d'autres moins perfides. À son sens, un séjour hospitalier ne se révélait pas nécessaire. Non, il pouvait lui même se charger de ces plaies moins pernicieuses qu'il ne le pensait, comme il put le faire sur d'autres autrefois.

Il grogna face à toute cette absence de tissus et à l'écorchure qui émergeait sur sa gorge. À quelques secondes près, Léna y passait furieusement. Son corps meurtri ne constituait plus qu'ecchymoses et tâches d'hémoglobines. Son visage, lui, s'aspergeait de larmes auxquelles ses agresseurs n'auraient jamais succombé.

John était de nature très brusque mais pour cette fois, il consentit à faire preuve d'un simulacre de délicatesse pour ne pas l'abîmer plus qu'elle ne l'était déjà.

Avec une finesse qu'il se découvrit, il souleva ce poids minuscule en prenant soin de ne pas la violenter plus que de raison. La sorcière lui paraissait si fragile, qu'il redouta un instant de la briser d'une simple poigne. Hélas, la pitié ne faisait pas partie de ses mœurs. C'est pourquoi il l'observait d'un oeil insensible, au mépris de son piteux état. Il obtempéra toutefois à l'effort surhumain de ne pas trop l'agiter, allant même jusqu'à redresser la tête de la délabrée contre lui.

La demoiselle se retrouvait maintenant blottie contre lui, ses jambes et sa longue chevelure se mouvant au rythme de ses pas. Le regard patibulaire du jeune mâle guettait sans cesse autour de lui, à l'affût du moindre mouvement susceptible de bondir sur eux. À en juger par la colère qui lui vrillait les neurones, mieux valait ne pas s'intéresser au paquetage qu'il se coltinait à travers les rues. Pas même par curiosité.

Ce type abjecte d'ivrogne le répugnait sans aucune limite. Certains coins de Misty-Field gorgeaient de prostituées. Pourquoi s'attarder sur la seule femme qui arpentait les rues, sans son consentement ? Il ne ressentait aucune compassion pour elle mais s'il avait davantage pu épancher sa haine par des coups, il s'en serait donné à coeur joie. Cela devait faire des semaines qu'il n'avait pas autant déversé sa rage. Si l'occasion s'offrait de nouveau à lui, il n'hésiterait pas une seconde à user de ses poings.

Du haut de ses soixante-six années, il n'avait assisté que peu de femmes lors de ce type de situation. Secourir les demoiselles ne faisait pas partie de ses priorités mais plutôt d'une réelle corvée. Néanmoins, il s'y contraignait de temps à autre pour rappeler cette part d'humanité qu'il ne décelait plus en lui depuis des années. Pour une raison qui l'échappait, cela le confortait dans l'idée qu'il ne s'était pas entièrement laissé ronger par son côté prédateur.

Un soupir émis par sa cargaison le poussa à l'observer. Elle dormait. Profondément. Il ressentait sa quiétude avec une indétrônable aisance. Sa chaleur corporelle procurait à la demoiselle un sentiment d'apaisement, il le sentait. Le petit glaçon qu'il maintenait contre lui pouvait presque fondre entre ses bras, par une telle différence de température.

Cela dit, il ne lui en tenait pas rigueur. Après tout ce qu'elle venait de vivre, elle méritait bien une bribe de sérénité. Dans un élan forcé, il réhaussa la tête de la jeune fille au creux de son cou pour alimenter son redoux somatique. Son nez et ses paumettes étaient glacés. Mais... son odeur caramélisée plutôt agréable.

...

Extirpée de son somme par l'éveil de ses supplices, elle battit des cils en exhalant un grognement endormi. Par réflexe, elle couvra son cartilage nasal de la pointe des doigts puis examina l'écorchure qui se déclarait sur sa gorge. Sa vue était trouble. Elle mit un temps considérable à comprendre qu'elle ne se trouvait pas au coeur de son appartement.

Le Sang DéfenduTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang