Chapitre 30

960 82 37
                                    

Un flot d'émotions contradictoires consumait l'enseignant avec l'essence d'une vivacité longtemps perdue. Lexane l'avait enfermé dans un état de transe impérissable, qui suscitait en lui des sentiments et des besoins encore inconnus. Il était à fleur de peau. Trop à fleur de peau, par conséquent, il craignait d'asservir la sorcière à une débauche trop agressive pour elle.

D'ordinaire, il ne se souciait pas de faire du mal aux autres. Encore moins aux femmes. C'était même l'une des choses qu'il venait à faire de façon récurrente afin que plus personne n'ose s'intéresser à lui de trop près. La seule exception pour laquelle il acceptait qu'on se focalise sur lui, c'était lors de ses cours, durant lesquels il ne portait qu'un masque. Un simple masque d'enseignant qui dissimulait le vrai Jonathan, acariâtre, bourru et renfrogné.

Mais Léna l'avait démasqué. Elle avait trouvé la bête qui sommeillait en lui sans avoir une seconde cherché à la fuir ou la dompter, bien au contraire. Elle l'avait accepté dans son entièreté sans jamais vouloir faire de lui quelqu'un qu'il n'était pas. À l'évidence, cette femme ne diffusait rien, absolument rien de possessif ou malsain.

Chaque être humain abritait pourtant une part sombre en lui, aussi subtile qu'elle pouvait être. Il ne fallait d'ailleurs jamais bien longtemps au jeune homme avant de dénicher le mal enfoui en chaque individu. Hélas, il n'en distinguait aucun chez Léna, si ce n'est qu'une tristesse profonde dont il ignorait tout de la source. Et la savoir aussi malheureuse sans Diable en connaître les raisons le rendait fou. Complètement, littéralement fou.

D'où pouvait bien provenir ce chagrin qui rongeait son élève jusqu'à l'os ? Que lui avait-on fait à elle aussi, par le passé ?

Léna était un cœur brisé. Oh oui, c'en était un et il ne se trompait jamais lorsqu'il s'agissait d'âmes meurtries. Même lorsqu'elle était nerveuse et excitée comme ici, il n'arrivait pas à se détacher de sa morosité. Il la sentait toujours quelque part en elle malgré la bonne humeur qu'elle tentait de laisser transparaître.

John l'avait toujours trouvée triste, maussade, fort peu pétillante comme elle devrait l'être à cet âge. Mais s'il se montrait souvent plus turpide qu'il ne l'était déjà afin de balayer tout individu de son chemin, il serait prêt à tout mettre en œuvre pour que la magicienne, elle, n'en dévie pas une fois. Il voulait qu'elle reste sur sa route, qu'elle voit en lui quelque chose qu'il ne se trouvait plus depuis bien des années. Ou peut-être désirait-il qu'elle l'apprécie pour ce qu'il était, tout simplement, bien qu'il ne sache pas grand chose sur les diverses façons de s'y prendre.

Si certains humains semblaient dotés de cette fameuse capacité à se faire aimer des autres, lui, avait sûrement été laissé aux oubliettes mais pour l'heure, il ne souhaitait qu'une seule et unique chose : prendre Léna, ne susciter que son intérêt à elle et personne d'autre.

Il voulait la ramoner. Vite. Fort. Tout de suite, des heures et des heures durant.

Putain de merde, pensa-t-il, comme outré par ses propres idées.

Avant l'apparition de Lexane, il ne prévoyait pas de se montrer aussi rude et obscène avec Léna. Même lorsqu'il avait compris qu'elle s'était mise à nue dans son dos, son esprit baignait dans un calme olympien, immuable qui lui était rarement permis. Il avait fallut que cette maudite manipulatrice s'introduise une fois dans son esprit pour le faire disjoncter et perdre toute raison.

Pourtant, une voix derrière sa tête le persuadait de la possibilité d'une étreinte passionnée avec la demoiselle malgré son état. Quelque chose chez elle le poussait à croire qu'il ne regretterait pas ses pertes de contrôle, qu'il sentait déjà monter en lui comme les prémices d'une rafale.

Le Sang DéfenduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant