Chapitre 9

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Après avoir silencieusement englouti le contenu de sa tasse, elle trouva le regard de Jonathan posé sur elle. Aucune expression n'était lisible sur son visage et pourtant, elle ne put s'empêcher de conclure qu'il lisait en elle comme dans un livre ouvert. C'en devenait réellement embarrassant. Elle tenta une ultime fois de soutenir ces iris porteurs de mystère mais elle flancha de nouveau, à regrets. Elle ignorait par ailleurs ce qui la troublait le plus. Sa posture ? Son attention fixe et inépuisable ? Son silence ?

- Des arts martiaux ? Questionna-t-elle avec incertitude.

La question fatidique. Y répondre ? L'envoyer sur les roses ? Tel était le choix crucial qui s'offrait à lui. Cela dit, il n'était pas d'humeur à épiloguer et encore moins, introduire une élève dans sa vie personnelle. Il lui en avait déjà suffisamment dévoilé. Trop dévoilé.

- Observatrice, lâcha-t-il, narquois.

- Pourquoi est-ce que vous êtes venu ?

- Disons que je me voyais mal emprunter cette rue comme si de rien n'était. Je n'ai pas envie de porter plus de culpabilité sur les épaules, articula-t-il sans pour autant manifester une seule once d'ironie.

Cerner ses piques relevait d'une haute analyse. Manifestement, il n'usait pas du même humour qu'elle.

- Vous vous moquez de moi c'est ça ? Écoutez... Je n'vous ai pas demandé de m'aider. Si c'est pour me narguer en perpétuelle constance sous prétexte que vous m'avez sauvé la mise je...

- Gardez votre salive pour mes cours. Elle vous sera nettement plus utile.

Elle se révélait un tantinet blessée par le ton employé à son égard. Son statut d'enseignant même hors de l'université, ne lui accordait en aucun cas le droit de se jouer d'elle. C'était la cerise sur la gâteau.

Résignée à écourter au plus vite cet échange, elle se redressa difficilement pour rejoindre la porte. Il avait même songé à se saisir de son sac avant de déguerpir. Que penser de cela ?

- Navrée d'avoir usé involontairement de votre temps. Merci de m'avoir aidée, lança-t-elle comme si les mots lui brûlaient la gorge.

- La prochaine fois mademoiselle Holfmann, n'hésitez pas à solliciter vos dons, susurra-t-il en s'enfonçant davantage sur la chaise.

Sa silhouette se figea, la main sur la poignée. Il savait. Du moins, il avait décelé en elle quelque chose d'inhumain. Était-ce l'une des raisons pour lesquelles il se montrait hostile ? Elle ne connaissait encore que trop peu ce monde mais elle avait enregistré une certaine animosité entre divers individus. Portant grand intérêt à cette remarque, elle pivota.

- Je n'vois pas de quoi vous parlez.

Un rire moqueur traversa la gorge du lycanthrope. Observatrice, susceptible et très mauvaise menteuse. Qu'allait-on faire d'elle ? Le coude sur l'accotoir en rotin, l'index longeant sa joue et le pouce sous le menton, il secoua la tête.

- J'ai un sixième sens pour repérer les jeunes sorcières, prononça-t-il sur un ton énigmatique. Imaginez donc l'aisance avec laquelle j'peux déceler une particularité recherchée depuis maintes décennies, cachée dans un seul et même organisme.

Il avait donc dépisté sa nature avec une effrayante exactitude, comme elle le craignait. Il savait tout. Absolument tout, sans exception. En l'espace de seulement quelques jours, il avait compris que quelque chose d'insolite logeait en elle. Comment ? Elle l'ignorait. Mais une chose était sûre : qu'une personne autre que ses parents ait connaissance de ce lourd secret se révélait dangereux. Trop dangereux pour elle. Une vague de stupeur l'emporta à la puissance dirimante d'un cyclone.

Le Sang DéfenduWhere stories live. Discover now