Le Sang Défendu

Chapitre 23

Les prémices d'une pluie battante germaient progressivement au dessus de leur tête. Si Léna haïssait d'ordinaire les averses pluvieuses, elle se préparait à accueillir ce début de fraîcheur de bon cœur. Son visage nappé de sueur et ses maints efforts n'aspiraient qu'à se repaître d'une humidité autre que la sienne. D'autant plus qu'elle n'était en rien, récompensée pour sa lutte acharnée puisque Jonathan, en bon connard qui se respecte, s'était revêtu de son masque impénétrable. Même si elle ne s'attendait pas à ce que sa gentillesse perdure, elle était déçue du retour de cette attitude. Mais pour son plus grand plaisir, le lycanthrope lui enseignait enfin l'accomplissement d'enchaînements tout aussi brillants les uns que les autres. Au moins, l'entraînement de ce jour ne se résumerait pas à l'exécution de coups contre un pao.

Une grimace déforma ses traits en réponse aux brûlures de ses phalanges. Elle agita brièvement les doigts pour alléger ce court supplice et reprit la suite de ses mouvements, sans un mot.

Poing, poing, pied. Poing, poing, pied, se répéta-t-elle comme pour ne pas perdre son rythme.

Des gémissements franchissaient ses lèvres alors que Jonathan réceptionnait chaque coup à mains nues. Le même fleuve de sudation parcourait la largeur de son torse, arrachant à la demoiselle quelques absences. Elle ne devait pour rien au monde se laisser déstabiliser. C'est pourquoi son regard s'accrochait obstinément aux amples mains qui lui étaient tendues, dans l'espoir de ne pas perdre pieds. La plupart des blessures du professeur s'étaient d'ailleurs déja dissipées.

— Ok ça ira. Allez boire, on va débuter un autre enchaînement, prononça-t-il, déjà las de ces efforts.

— C'est bon, je n'ai pas soif, lâcha-t-elle avec dynamisme.

— Vous priver d'eau ne vous récompensera pas, soupira-t-il en se saisissant d'une bouteille.

Elle haussa les épaules, se contentant de l'observer se désaltérer à quelques mètres. Un instant, elle contenait le mince espoir que plusieurs gouttes s'exsudent au coin de ses lèvres mais il ne répondit pas à cette silencieuse attente. Au lieu de cela, il engloutit une énorme gorgée et tourna la tête vers elle, sentant le poids de son regard sur lui.

La divinatrice fit mine d'observer un brin d'herbe virevoltant au loin, ignorant qu'elle était dores et déjà démasquée. Il semblerait qu'elle surestime encore beaucoup trop sa discrétion, même après toute une suite d'échecs.

Elle en vint après quelque secondes, à regretter de ne pas s'être équipée d'eau. Son pull gris gorgeait lui aussi, d'une sueur malodorante qu'elle espérait de tout cœur ne pas divulguer.

— Psst.

Perdue dans son observation, elle trouva le regard de Jonathan qui, d'un geste rapide et contrôlé, élança sa bouteille d'eau sans plus attendre. Elle n'eut pas le temps de s'opposer à cette proposition. Elle effectua un pas vers l'avant pour réceptionner de justesse ce qui lui était dédié. Le professeur avait deviné sa soif, même s'il semblait s'en contrefoutre. Une initiative qui ne manqua pas de la surprendre.

Elle murmura un timide "merci" et prit quelques gorgées sans tarder. Mais à trop se montrer hâtive, elle s'étouffa brusquement en portant la main à ses lèvres. Jonathan ne put s'empêcher de secouer la tête.

— Du calme bon sang, grogna-t-il.

Un brin honteuse par le ridicule dont elle venait de faire preuve, elle marmonna un ''désolée" entre deux toux et épongea les gouttelettes sur son menton.