Chapitre 33

1.3K 112 51
                                    

Confortablement installé sur sa chaise de bureau rotative, ses doigts tapotaient le clavier de l'ordinateur avec un entrain longtemps perdu. Seule une lampe de bureau métallique éclairait cette pièce au cœur de laquelle il passait le plus clair de son temps. Jonathan faisait partie de ceux qui se révélaient plus efficaces la nuit, notamment pour la rédaction de ses cours. Il avait maintes fois essayé de travailler le jour avant d'en venir à cette piètre conclusion mais cela ne lui déplaisait pas pour autant, au contraire. Il avait au moins de quoi occuper ses nombreuses insomnies sans avoir à se réfugier dans des pensées sombres et sinistres. 

Remplaçant temporaire de l'une des meilleures professeures, archéologues et exploratrices qui soient, il n'avait d'autre choix que de se montrer à la hauteur de ses enseignements s'il souhaitait garder cet emploi pour les trois mois prévus. Car à l'autre bout du globe, Jenna comptait aveuglément sur lui pour assurer ses cours et ce, même s'il se révélait encore trop peu expérimenté dans le domaine de l'enseignement. Ses nombreuses expéditions à l'étranger restaient les seules bases sur lesquelles il pouvait se pencher afin d'apporter les connaissances nécessaires aux étudiants. Alors à défaut de pouvoir enseigner comme tout professeur digne de ce nom le devrait, son savoir en terme de cultures mondiales et légendes urbaines surpassait de loin les attentes de l'université. Rares étaient ceux qui disposaient d'autant de connaissances que lui, ce qui lui valait une fierté sans faille.  

Son parcours professionnel avait d'ailleurs attiré les meilleures universités des plus grandes villes canadiennes et malgré cela, il avait choisi la moins fréquentée d'entre elles. D'abord pour Jenna mais aussi car en ce temps, il ne souhaitait pas se séparer de la tranquillité d'esprit qu'il venait à peine d'obtenir. Et côtoyer l'un des établissements universitaires les moins populaires lui aura aussi permis de rencontrer Léna d'une certaine façon. 

Conclusion ? Il ne regrettait pas ce choix. Encore moins maintenant qu'il avait eu le culot de coucher avec l'une de ses élèves, seuil qu'il n'avait jamais osé outrepasser jusqu'alors. 

Tout en consultant les documents expédiés par sa collègue sur sa boîte mail, Jonathan peaufina certains points en y ajoutant sa petite touche personnelle. 

"L'influence du Ragnarök sur les guerriers scandinaves". 

Il ricana silencieusement dans sa barbe. 

Ça devrait bien les occuper ces petits cons, pensa-t-il en se remémorant le comportement déplorable et les centres d'intérêts des étudiants. 

Vite consterné par l'attitude des habitants de cette ville, il avait dut, dès son arrivée, se contraindre à complexifier certains sujets afin d'occuper le petit pois qui servait de cerveau à ces jeunes gens. 

Les élèves ont besoin d'avoir l'esprit occupé. Je compte sur vous pour rendre cet enseignement plus attrayant qu'il ne l'était déjà, avait affirmé le directeur de la faculté lors de leur entretien pour le remplacement de Jenna. À l'évidence, il s'était adressé à la bonne personne puisqu'après tout, John excellait mieux dans l'art de redresser les bretelles plutôt que celui d'enseigner. 

Sa profession représentait pourtant l'exacte opposé de ce qu'il était en dehors de l'université. Être professeur demandait tout de même une certaine ouverture d'esprit ainsi que beaucoup d'autres qualités dont il n'avait jamais été détenteur, mais jouer un rôle lui rendait les choses plus faciles. Beaucoup plus faciles. Se faire passer pour une personne à demi-sociable et pédagogue lui permettait de se détacher de ses tourments quotidiens, pour ne pas dire, de lui tout court. En bref, faire semblant l'aidait. D'abord d'un point de vue professionnel, puis personnel. À savoir qu'il n'aurait, de toute façon, jamais supporté de travailler dans un milieu qui solliciterait la véritable version de lui-même. C'est pourquoi devenir enseignant n'était autre qu'un grand challenge pour lui. Non seulement il y mettait ses compétences à profit, mais il pouvait en plus se mettre dans la peau d'un homme qui ne lui ressemblait pas. 

Le Sang DéfenduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant