Le Sang Défendu

Chapitre 13

Ce n'est qu'une fois à l'orée de ce paradis verdoyant, qu'elle s'interrogea sur l'endroit exact où Jonathan crapahutait. La forêt était immense ! L'espoir de le retrouver avec un semblant d'aisance s'effritait au fil des secondes. Par chance, les rayons du soleil luisaient encore et le chant des oiseaux l'accompagnait dans son infructueuse avancée. À chaque craquement de branches, elle pivotait. À chaque coup de vent, elle se recouvrait. Car en dépit des rayons thermiques, les températures restaient toujours basses en ce fin mois de novembre. Son inquiétude grandissait, de même que ses espoirs de le retrouver s'effritaient. Qu'avait-il fait ? Pire encore, que lui avait-on fait ?

Elle se sentait bien minable de s'être rendue ici sans se soucier de l'emplacement de son professeur. Et si cette vision était moins proche qu'elle ne le pensait ? Que ferait-elle si cette prémonition ne s'était pas encore produite ?

Tu aurais l'air d'une belle idiote ma pauvre, pensa-telle.

Tous les arbustes étaient identiques. Difficile donc de les différencier, même après s'être scrupuleusement ancrée de l'endroit où il se situait. Elle aurait peut être préféré disposer de la capacité à retracer le chemin d'autrui, finalement. À quoi bon visionner des éléments du futur, sans élucider ni où, ni quand ils se produiraient ? Sa démarche, bien que déjà difficile, se révéla tout à coup plus ardue par la montée des chemins qu'elle empruntait. Mais au moins, le traçage permettait de s'y retrouver. Se perdre au cœur d'une immense forêt était bien la dernière des choses à envisager.

Au cours de son avancée, divers scénarios relatifs à son entrevue à venir avec Bayle traînaillaient dans son esprit. Elle concevait déjà l'idée qu'il l'envoie paître comme un vulgaire objet sans valeur mais sa ténacité lui offrit un sentiment favorable. Il était faible, elle le savait. Il n'aurait donc d'autres choix que de se laisser berner par l'obstination de la sorcière.

Lorsque un étrange bruissement se répercuta à sa gauche, elle s'immobilisa en écarquillant les yeux. Elle dévisagea l'arbuste en mouvement à ses côtés, sans pour autant réfréner la crainte progressive qui lui tordait le ventre. Il ne se mouvait que très peu. Mais quelqu'un se trouvait juste là, derrière. Peut être même qu'un inconnu l'observait.

Après une profonde inspiration, elle accomplit quelques pas mal assurés en contournant les obstacles susceptibles de s'ébruiter. Rien ni personne ne devait s'apercevoir de sa présence. Rien. D'un pas finalement agile puis d'un second, elle parvint non sans mal à se camoufler derrière un tronc, qui dissimulait sa silhouette gracile avec aisance. Ainsi, elle se sentait plus sécurisée. Mais force était de constater que la mission cache-cache s'écourterait.

À l'entente d'un grognement identique à celui qu'elle ne risquait d'oublier, tous ses sens s'aiguisèrent. Son corps se rapetissa peu à peu contre le bois alors qu'elle tendit l'oreille pour évaluer la provenance de ces sons. Craquements de branches, faibles gémissements typiquement masculins, et virils, puis grondements. Nul doute, elle reconnaissait cette scène sans la moindre hésitation ! Du moins, elle essayait tant bien que mal de s'en convaincre.