Chapitre 27

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JESSIE


J'en ai rencontré des mecs tordus, dans ma vie. Oh, plus qu'il n'en fallait ! Chacun disposait de son petit vice prédominant : le mensonge, la manipulation, le sadisme ou encore l'arrogance. Aucun être vivant normalement constitué ne peut exhiber ces effroyables qualités du mal durablement et de façon équitable. Malgré ma longue existence, je pensais cela impossible.

Jusqu'à ce que ma route croise celle du plus grand malade de ce monde et des autres.

Eliott Freud, Azraël ou Maître Berman, qu'importe comment il se fait appeler... À mes yeux, il est et restera la créature qui nous a menti pendant des mois en nous endormant avec ses faux souvenirs, ses sourires et sa sensibilité à fleur de peau.

Ai-je déjà précisé que la trahison est l'acte auquel je ne peux accorder aucun pardon ?

Eliott Freud aurait pu être le Boucher ou me poignarder pour avoir blessé son ami que je ne l'aurais pas aussi mal pris. J'aurais même pu comprendre ses motivations. Mais contrecarrer nos plans en se faisant passer pour un humain ? Ordonner à son bras droit de me balancer un coup de matraque pour m'enlever et me dévoiler des demi-vérités ? Œuvrer depuis un an à décrédibiliser et humilier Victor auprès de tous ses collègues en osant m'affirmer qu'il l'aime réellement comme son frère ?

C'est beaucoup plus que je ne peux le tolérer.

Je le hais... Ou, en tout cas, j'adorerais le détester assez pour ne pas voir à quel point son plan est cohérent, depuis le départ. Et je crois que c'est ce que j'ai le plus de mal à digérer, en fin de compte : Azraël est peut-être complètement taré – et aussi beaucoup plus puissant que dans mes pires cauchemars –, il est surtout extrêmement malin et réfléchi. Un alliage d'adjectifs qui collerait à merveille au Diable en personne. Mais Azraël n'est pas mauvais. Du moins, pas de gaieté de cœur.

J'aurais préféré qu'il ne soit qu'une immonde pourriture sans foi ni loi.

Quelqu'un frappe doucement contre la porte ouverte de la chambre qu'Aela et moi partageons depuis notre arrivée. Un cube de dix mètres carrés disposant de deux lits simples, d'une penderie, et dépourvu des commodités standards. Les repas se déroulent dans un réfectoire, les douches sont prises dans une salle de bain commune. Durant ces trois derniers jours, j'ai arpenté les couloirs austères et bravé les regards dans l'unique but d'aller me laver. En ce qui concerne les collations : je préfère crever de faim plutôt que d'aller dîner avec tous faux jetons.

Je ne me retourne pas pour connaître l'identité de mon visiteur ; je n'en ai pas besoin. Le parfum de Gali est le même que celui de la nuit de mon kidnapping : une fragrance poivrée et tenace qui est toujours synonyme de son passage. Mais ce n'est pas tout : quand il ne cherche pas à être discret, sa démarche est aussi légère que celle d'un pachyderme.

— Est-ce que tu es prête, ma douce ?

D'un coup sec, et sans me retourner, je sangle mon poignard à ma cuisse intacte – l'autre étant encore sensible à cause de ce maudit traceur GPS – et lâche un rire grinçant.

— Rassure-moi : cette question est purement rhétorique, n'est-ce pas ?

Le malak ne me répond pas aussitôt, mais il finit par ajouter, alors que je chausse mes bottes :

— Azraël nous attend. Nous devons y aller.

— Aela...

— Il l'a interceptée alors qu'elle quittait le réfectoire. Il ne manque plus que toi.

MALAKS : l'Épître du RoiNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ