00| 𝖑𝖊 𝖌𝖔𝖚𝖙 𝖉𝖚 𝖘𝖆𝖓𝖌

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Ψ
LE GOÛT DU SANG









Le manoir des Van Allen était des plus mesquins

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Le manoir des Van Allen était des plus mesquins.

Il prenait souvent un malin plaisir à enrouler ses longs couloirs lugubres tout autour d'Erisandre, à étreindre la trachée de la jeune fille de ses mains indicibles. Il éteignait les orbes à son passage, remuait les pièces, et verrouillait les portes derrière elle. Lorsque la jeune fille ne trébuchait pas sur un pli du tapis de velours, elle se cognait le nez contre les murs, plongée dans l'obscurité. Parfois aussi, une brise givrée ricanait dans le creux de son oreille, dès que les battants des fenêtres des couloirs claquaient.

Après une énième chute, Érisandre Van Allen se releva, frotta son nez endolori et poursuivit, le cœur lourd, son périple impossible au cœur du labyrinthe abyssal. La noirceur de la nuit embrassait ses épaules, courait sur ses omoplates, dont les sillons ruisselaient de sueur froide. Le manoir des Van Allen s'en délectait. De voir cette âme si fragile persister à fouler ses couloirs, malgré les murs hurlants et le tapis glissant. C'était absolument fascinant. Il pourrait certes la malmener davantage, torturer son corps chétif jusqu'à écraser l'étincelle de vie qui l'animait, il y avait cependant une singularité dans le visage de cette enfant que le manoir ne parvenait pas à saisir.

Sans aucun doute, Érisandre Van Allen était effrayée. Ses mains tremblaient comme les branches émaciées des arbres qui entouraient Deadhollow. Et pourtant, un sourire étirait ses lèvres bleuies par le froid. Comme si elle parvenait à percevoir les astres sous la brume nocturne, et qu'elle se répétait que de toute manière, ils veillaient sur elle.

Plusieurs fois, Magdalene lui avait pourtant expliqué que ce n'était pas vrai. Les étoiles n'en avaient que faire des sorciers. Elle lui avait alors appris un rituel très simple pour se protéger des caprices du manoir, qu'il suffisait d'exécuter chaque soir. Mais Éris était une sorcière si médiocre, qu'en dépit de toute sa bonne volonté, elle n'y était jamais parvenu. La magie environnante la fuyait comme la peste, elle glissait systématiquement entre ses doigts comme le sable de Ventemer qu'Éris conservait dans les fioles de son autel. Parce qu'il y avait un brin d'étrangeté dans l'esprit de la jeune fille. Une étincelle de clarté qui déplaisait, dérangeait.

Éris glissa à nouveau. Cette fois, elle avait marché sur un pan de sa tunique noire. Son nez claqua le sol, proférant à l'impact un son sinistre de craquement. La jeune fille poussa un cri de douleur, qui se dissipa bien vite dans l'air acide du manoir de Deadhollow.
Bientôt, des gouttelettes de sang s'échappèrent de ses narines, mais c'était à peine si on pouvait les distinguer sous les pigments carmins du tapis de velours.

The Witch's Curse ━ 𝙡𝙞𝙫𝙧𝙚 𝙞Where stories live. Discover now