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La cour du manoir de Deadhollow était sans grand intérêt.
Elle ne consistait qu'en une rangée de saule pleureurs qui se mettaient à larmoyer dès qu'un individu proche de la mort les approchaient et de plantes à l'abandon, étouffées par le liseron. Plus loin, les longs pins desséchés battaient le vent de leurs maigres branches, couvés par la noirceur sépulcrale de l'éternelle nuit du sanctuaire. La Forêt des Sept Songes serpentait le territoire, contournait le manoir et les maisons, et envahissait le moindre espace dépourvu de toute construction.
C'était la raison pour laquelle on ne pouvait parler de villes dans le sanctuaire, qui n'avait d'ailleurs pas de taille bien définie. Les habitations étaient parsemées dans la forêt, qui, ruisselante de magie, avait fini par développer une forme de conscience similaire à celle du manoir. Il suffisait donc de lui murmurer des incantations pour parvenir en quelques minutes à peine à son but.
Éris escalada le muret qui séparait le manoir de la forêt et rabattit la cape de dissimulation sur sa tête.
— Wow, s'exclama aussitôt Ash.
Même si rien n'avait changé pour Éris, Ash ne devait désormais plus que la voir comme un simple tissu mouvant. C'était toute la puissance des artefacts de l'Ordre d'Hécate. Une sorcellerie fine, presque incassable.
Ash, lui, était encore visible, seulement vêtu de l'uniforme du manoir. Mais ce n'était pas si grave. De loin, il passait pour un sorcier et puis l'essentiel était de dissimuler la réelle identité d'Éris. Elle ne tenait pas spécialement à ce qu'il se sache qu'une sorcière illégale — et marquée, qui plus est — se cachait chez les Van Allen. Elle avait déjà rempli son quota de gaffes pour la journée.
La jeune sorcière s'engagea dans la forêt brumeuse, faiblement éclairée par quelques orbes, suspendues aux branches. Des effluves de feuilles humides s'engouffrèrent dans les narines d'Éris, et pour la première fois depuis son séjour à Carlbury, elle se sentit respirer. La Forêt des Sept Songes, malgré sa pénombre et les branchages cadavériques qui s'animaient parfois à son passage, avait quelque chose d'apaisant. Dans les bruits de la faune et le silence de la flore. Dans les exhalaisons boisées et la fraîcheur des pins.
Si ça ne tenait qu'à elle, Éris pourrait passer des heures accroupie au sol, à identifier des herbes, récolter des champignons et compléter sa collection de pierre. La forêt était depuis toute petite son terrain de jeux favori, son exutoire, là où elle se savait à l'abri de tout jugement. Mais Éris avait une mission à accomplir, alors elle attrapa un bois mort qu'elle planta au sol.
— Touche la branche, et ferme les yeux, intima la sorcière à Ash, la forêt va nous transporter, ça peut donner le tournis et il ne faut surtout pas perdre l'équilibre.
