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Lucy Wilkins se trouvait derrière la porte, la mine blanche et le souffle éreinté.
D'instinct, Éris recula d'un pas, sur la défensive, mais elle devina bien vite à l'expression affolée de la sorcière bannie qu'elle n'avait rien à craindre d'elle. Ash, lui, se tenait droit, le regard impassible chatoyé par la lueur incandescente de la lune.
— Je n'ai pas beaucoup de temps pour t'expliquer, la coupa-t-elle, je sais où se trouve ta sœur.
D'un coup de main fébrile, Lucy balaya sa crinière tannée en arrière et Éris identifia une rune sur son cou, exactement la même que celle qu'Ash avait repéré dans la Forêt des Sept Songes. Roshan lui avait révélé qu'il s'agissait d'une rune interdite de sorcellerie blanche, qui permettait de passer outre les sentinelles et les barrières magiques. Elle rougeoyait sur la peau de Lucy, comme la marque d'un fer brûlant. D'ailleurs, celle-ci peinait à dissimuler la douleur que sa rune lui instillait.
Éris fronça les sourcils. Comment Lucy avait-elle pu faire usage de la sorcellerie blanche ? Ce n'était pas possible... À moins que ce ne fut Cecilia Wiceland qui s'en soit chargée à sa place.
— Qui t'as incanté cette rune ? demanda Éris.
Lucy jeta une œillade alerte des deux côtés du couloir. Sa peau était si pâle qu'elle semblait transparente.
— Moi-même, avoua-t-elle. C'est la raison pour laquelle j'ai été bannie. Lorsque la nuit tombe, je suis capable de manipuler la lumière de la lune. Mes parents ont été accusés d'avoir volé les pouvoirs de Goldcrest à cause de ça.
Éris déglutit. Elle n'avait aucun mal à imaginer Leopold Van Allen bannir Lucy de sang-froid, alors qu'elle ne devait être à l'époque encore qu'une enfant. Si sa gorge n'était pas scellée, Éris aurait certainement exprimé sa compassion. Mais quelque chose s'était brisé entre les deux depuis. Quelque chose qui ne se reconstruirait peut-être jamais.
— La Lune de Sang a tant décuplé mes pouvoirs que les barrières de la Citadelle ne parviennent même plus à les contenir, poursuivit Lucy. Je peux créer une illusion et nous faire partir d'ici.
— Pourquoi m'aides-tu ? s'étonna Éris. Je pensais que tu me détestais... J-Je n'ai rien dit quand tu as été arrêtée, alors que je savais que tu...
— Je le fais car tu le mérites, trancha la sorcière bannie. Quand tu as reçu la Marque, j'ai voulu te détester parce que tu me rappelais l'injustice que j'avais vécue. Puis quand j'ai appris que tu faisais partie de l'Ordre, j'ai pris peur et je t'ai repoussée, alors que la seule chose que tu voulais faire était m'aider. Je t'ai blâmée ce jour-là, parce que je pensais que c'était de ta faute si je n'étais pas parvenue à me débarrasser de ce maudit violon. Mais je pense que si j'avais accepté ton aide, les choses se seraient passées bien autrement.
