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Hélianthe Van Allen était revenue au manoir de Deadhollow.
Pour faire savoir sa présence, elle avait envoyé un Page quérir Éris jusque dans sa chambre. Non sans cacher son ennui, cette dernière l'avait suivi jusqu'au bureau de sa mère en trainant des pieds. Elle qui pensait pouvoir somnoler encore un peu dans son lit, le temps de faire le point sur tout ce qu'il s'était produit dans cet étrange rêve, s'était bien leurrée.
Aux aurores, l'atrium du manoir de Deadhollow était vide et empestait la mort. Non pas l'odeur qui retourne les tripes mais celle qui fait glisser une cascade de frissons dans le dos des malheureux qui s'y aventurent. Éris avait entendu dire qu'il s'agissait du souffle de l'Abysse, un murmure presque indistinct provenant des profondeurs de ce monde démoniaque. Éris ravala sa salive. Après hésitation, elle toqua à la porte du bureau de sa mère.
Sans surprise, la porte s'entrouvrit d'elle-même dans un grincement atroce. Comme la dernière fois, Hélianthe était assise à son bureau à s'occuper de la paperasse. Éris s'était toujours demandée de quoi retournaient tous ces papiers. Le travail de sa mère paraissait n'avoir ni de but, ni de fin, et encore moins de quelconque amusement, à en voir l'expression blasée de son visage. Difficile de croire que la maîtresse du manoir avait un jour été Gardienne, comme Éris.
Le croassement du corbeau d'Hélianthe extirpa Éris de ses pensées en un sursaut. Sa mère venait de détacher son attention de son ouvrage pour plonger son regard glaçant dans celui de sa fille. D'une main, Hélianthe indiqua la chaise qui lui faisait face et Éris ne tarda pas à s'y asseoir, une boule dans la gorge.
Sa mère avait tressé ses cheveux qu'elle avait réuni en un chignon complexe sur le haut de sa tête. Elle portait également une robe noire cintrée, qui présentait des lacets au niveau du buste et exhibait son talisman rubis. Tout dans ses apparats, jusqu'aux traits figés de son visage, était destiné à véhiculer une aura de domination.
— Les retours d'Isabelle sont très satisfaisants, débuta la maîtresse du manoir, apparemment tu parviens à maîtriser la Marque.
Elle signa à la volée un document, qui fusa aussitôt vers la fenêtre, et déposa sa plume dans son encrier.
— Je dois avouer que je suis impressionnée.
Les joues d'Éris s'empourprèrent. Une vague de chaleur embauma son estomac. Cela faisait une éternité que sa mère ne l'avait pas complimentée de la sorte. Celle-ci croisa ses doigts et un éclat d'ombre miroita dans ses yeux.
— Cependant, nuança Hélianthe, il faut que tu saches qu'être Gardienne signifie aussi ne jamais reposer sur ses acquis. Il y a des menaces sur ces terres magiques que tu ne soupçonnes pas.
