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Vendredi 25 janvier 2019

Les locaux de StreetPress sont en plein centre de Paris. Le journaliste qui bosse cet après-midi avec moi m'accueille. On discute, il se présente en tant que « Tomas Maulnes, sans H à Tomas». Il m'explique rapidement le concept des interview que l'on va réaliser aujourd'hui. Il y aura d'abord une G.A.V: l'invité doit raconter une fois où il est allé en garde à vue. J'avoue que l'idée me fait marrer, même si ça ne met pas en valeur notre très chère police nationale. Mon frère et ses potes kifferaient faire cette interview, je suis persuadée qu'ils raconteraient la fois où Doums et Framal se sont fait choper par les flics aux States, l'année dernière, pendant que le $-crew préparait son deuxième album. Puis l'invité répondra à des tweets de ses fans. Ce côté très proche du public me plait bien.
Ken a été proche de ses fans à un moment de sa carrière. Plus maintenant.

On toque à la porte. Tomas sans H ouvre tandis que je règle la caméra. Du coin de l'œil, je vois qu'ils se serrent la main, échangent quelques banalités. Puis ses yeux se posent sur moi. Je déglutis difficilement, l'ayant reconnu à l'instant où il est entré dans cette pièce.
Ça fait presque trois ans qu'on ne s'est pas vu, ni parlé. Il me reluque de haut en bas, un petit sourire en coin aux lèvres. Je suis soudainement très mal à l'aise. Alors que je m'apprête à lui serrer la main, essayant d'être la plus professionnelle possible, il s'approche et me claque la bise, sa main posée dans le creux de mes reins.

Mathieu ne m'a jamais fait la bise.

« Ça fait un bail, commente-t-il.

-Vous vous connaissez ? nous demande Tomas sans H.

-On s'est côtoyé à un moment, » explique le rappeur.

Je rougis bêtement, il a un rictus moqueur.
Le journaliste nous regarde l'un après l'autre, avant de sourire lentement. Putain. Il va croire qu'il y a eu un truc entre nous, voir même qu'on a couché ensemble, et Mathieu en a tout à fait conscience.

« Parfait alors! Si vous vous connaissez déjà, PLK sera tour à fait à l'aise. On peut commencer! » s'exclame Tomas sans H en claquant des mains.

Mathieu s'assoit en face de la caméra.
Cette situation est plus que familière. En plus, il est pratiquement habillé de la même façon qu'il y a deux ans: tee shirt à manches longues noires, chaînes dorées autour du cou, jean gris, Puma aux pieds. Il a la même attitude, le même sourire insolent aux lèvres. Il a juste les cheveux blond platine désormais. Et est complètement high. Il ne cesse de rigoler bêtement, de gigoter sur place. Tomas sans H me regarde et me fait comprendre que je peux commencer à filmer.

« Et action! » je lâche en lançant la caméra.

Et Mathieu pouffe. Si le reste de l'interview se déroule comme ça, le mec au montage va avoir du boulot. Heureusement, dès que mon
« collègue » lui pose la première question, il reprend à peu près son sérieux.

« Si tu devais choisir un avocat, tu prendrais qui? lui demande Tomas sans H.

-Je choisis directement Flav, mon manager, répond-il sans même réfléchir. Parce qu'il saura quoi faire, avec qui il faut le faire, comme il faut, je m'inquiète pas là-dessus. Meilleur avocat.

-T'as une garde à vue marquante à nous raconter? continue le journaliste de StreetPress.

-Ouais, il y a une gardav' qui m'a marqué, enfin marqué, qui m'a beaucoup fait rire, se corrige Mathieu, même maintenant avec du recul. Quand j'étais petit, on trainait dans un stage où il y avait un gymnase. Contre les portes il y avait des alarmes, genre des alarmes à force, donc dès qu'on s'adossait aux portes, elles se lançaient tu vois? Les alarmes faisaient que péter. En gros les condés ils se sont mis aux extrémités du stade, en voiture, il explique en faisant de grands gestes pour imager la scène, et nous on était pas là pour faire de la merde, on était juste posé. Alors on a fait deux équipes pour se barrer. Je file avec un pote dans un sens, l'autre équipe dans l'autre. Les condés font leur boulot, ils accélèrent en bagnole. Mon pote il se tire, ils commencent à me courser moi et l'autre équipe. J'arrive à rentrer dans un pavillon, je fais du bruit. Je me planque dans un buisson -parce que j'étais dans la cour intérieur du pavillon- et là je vois un autre mec de l'autre équipe. On s'est cramé à deux! Hop, on s'est caché. Et là à l'époque tu vois, il y avait les Nike oranges qui étaient à GoSport à vingt-neuf balles...»

Interview {PLK}Where stories live. Discover now