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Dimanche 5 Mai 2019

Les mains dans les poches, je traverse les blocs de béton qui servent d'immeubles à Clamart. Pendant mes semaines passées à la coloc' -puisque je n'allais plus en cours- j'ai beaucoup téléphoné à Babcia. Elle a suivi de près l'affaire avec les paparazzi, n'hésitant pas à rabattre le caquet des commères et à envoyer se faire foutre très poliment les quelques journalistes traînant dans le quartier et espérant grappiller une quelque exclu. Bref, elle m'a invitée au repas du dimanche midi. J'avoue que cette idée mal à l'aise, même si j'adore la grand-mère polak et les deux petits. En fait, j'appréhende de revoir Mathieu. Mais je me voyais mal refuser l'invitation de Babcia. Cette dernière m'a envoyée chercher ses trois petits enfants qui disputent un match de foot avec d'autres mecs du quartier. Je trouve rapidement le terrain. Des mères sont derrières leurs poussettes et jouent avec leurs téléphones, passant de temps en temps une gourde d'eau à leurs gosses et les félicitant de leurs actions dignes de Messi ou Ronaldo. Quelques hommes qui n'ont que ça à faire commentent avec véhémence les moindres faits et gestes des joueurs comme s'ils étaient les présentateurs d'un match pro. Des adolescents qui n'ont pas été accepté sur le terrain encouragent leurs potes en gueulant comme des bêtes. Des gosses, quelques mètres plus loin, rejouent les actions majeures en jouant avec un ballon à moitié crevé.
Je repère rapidement les trois petits enfants de Babcia. Ils se disputent la balle, se donnant des coups de coude. C'est finalement Enzo qui la récupère, mais seulement pour quelques mètres car un mec la lui reprend sans ménagement. Il fait une passe à Mathieu qui tente un tir -très- mal cadré. Il crie de frustration, et le pseudo arbitre siffle la mi-temps.

« C'était claqué comme action, » je commente.

Le faux blond se retourne, furieux que quelqu'un lui fasse la remarque. L'agacement laisse place à l'étonnement lorsqu'il me reconnaît, puis un grand sourire étire ses lèvres. Merde, ce sourire. Je baisse les yeux, histoire de ne pas tomber amoureuse sur le champ. Double merde. Mathieu a retiré son tee-shirt, laissant apparaître ses abdominaux bien tracés luisants de sueur. Je me sens rougir, alors qu'il n'y a pas de quoi. C'est pas comme si je l'avais jamais vu torse nu. Je déglutis difficilement et me force à le regarder de nouveau dans les yeux. Il m'a évidemment cramée, et sourit de son fameux sourire en coin.

« Même moi je joue mieux, je continue pour dissiper ma gêne, et pourtant j'ai pas été sélectionnée par un club.

-Alors ça t'embête pas de venir sur le terrain nous montrer tes prouesses ? » réplique le jeune rappeur.

Le mini polak et Léna débarquent. Leurs visages s'éclairent en me voyant. Enzo me tchecke joyeusement, Léna, elle, me claque la bise.

« Tu veux pas prendre la place d'Enzo? me propose-t-elle.

-Pourquoi moi?! s'exclame le concerné.

-Parce que t'es nul ? » suppose Léna.

Enzo lui fait un doigt d'honneur, et Mathieu lui assène une claque à l'arrière de la tête.

« Alors? Tu joues? me demande Léna, ignorant ses deux demi-frères qui se chamaillent.

-Je joue, » j'acquiesce.

Les deux garçons arrêtent aussitôt de se battre en entendant ma réponse. Enzo se plaint du fait que c'est toujours lui qui doit jouer les remplaçants. Je le rassure en lui disant que je risque de ne tenir que dix minutes sur le terrain vu que le sport et moi, ça fait deux.
Je retire ma veste pour être plus à l'aise. Je me félicite de ne pas avoir écouté Sam puisqu'elle m'avait conseillée de porter une robe, « histoire d'être maxi bonne pour ton date avec Polak et sa famille ». J'attache mes cheveux courts en un chignon. Ou du moins ce qui est sensé en être un.
Léna me présente rapidement nos coéquipiers. Je ne retiens qu'un ou deux prénoms. Je me demande comment je vais faire pour ne pas faire la passe à un adversaire puisque personne de porte de chasubles. En même temps, je les comprends, ça pue vraiment la mort ces trucs. L'arbitre siffle la reprise du match. Comme à chaque fois que je me retrouve sur un terrain, je ne peux m'empêcher d'être à cent pour cent dans le jeu, même si je suis nulle. Je suis très mauvaise perdante. Alors je fais chier les autres joueurs, je leur colle aux basques. Mathieu reçoit le ballon. Il trace, évitant avec habilité ses adversaires. Jusqu'à ce qu'on retrouve face à face. On se dispute la balle, on joue des coudes. Je peux entendre le rire de Mathieu entre deux respirations haletantes. Je ne quitte pas le ballon des yeux et tente alors le tout pour le tout. Et étonnement, ça fonctionne: j'arrive à prendre la balle, et mets un petit pont à Mathieu. Léna la récupère, remonte le terrain dans l'autre sens, évite les autres joueurs, montrant toute sa technique et son talent, avant de marquer un magnifique but parfaitement cadré. Mais ça, je ne le vois pas. En faisant ma technique spéciale, j'ai perdu l'équilibre, et la seule chose que j'ai trouvé pour me rattraper, c'est Mathieu. Lui n'a pas eu le temps de trouver quelque chose à quoi se rattraper. Bref on s'est tous les deux éclatés au sol, lui m'écrasant, me coupant le souffle au passage.

Interview {PLK}Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora