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Samedi 6 Avril 2019

« Putain c'est pas compliqué Loïs, tu regardes dans le rétro, t'appuies sur la pédale et tu fais ton créneau!

-Arrête de gueuler tu me stresses! » je réplique, les mains crispées sur le volant.

Pourquoi ai-je accepté que Mathieu me donne des leçons de conduite ?

J'ai passé et décroché avec brio mes ASSR et examens dans le genre, je connais sur le bout des doigts le code de la route mais... j'ai esquivé les heures de conduite, prétextant ne pas en avoir besoin puisque j'habite à Paris, et que plein de parisiens n'ont pas le permis et le vivent très bien. Je préfère ne pas l'avoir et ne pas être un danger public, tout simplement.
Mathieu, sur le siège passager, s'impatiente, tapant l'accoudoir du bout de ses doigts. J'observe avec attention ses mains. Elles sont immenses par rapport aux miennes, ce qui me fait sourire. Les phalanges de sa main droite sont tatouées. ENNA. La contraction d'Enzo et Léna. Canard un jour, canard toujours.

« Loïs? reprend le faux blond, m'arrachant à la contemplation de ses grosses pattes. Tu recommences ?

-Est ce que j'ai le choix ? » je réplique dramatiquement.

Mathieu sourit, et c'est reparti pour un tour. Le rappeur, par précaution, s'accroche à la poignée de sécurité. Totalement confiant. Je peux le comprendre en même temps: quelle idée de me prêter sa BMW pour m'entraîner à conduire? Je sais pas moi, il aurait pu emprunter une twingo pourrie ou une vieille clio à n'importe qui. Mais j'avoue que c'est très classe d'apprendre à conduire en BMW, même si j'ai failli la rayer une dizaine de fois en une heure.

Des mecs sont assis dans les escaliers extérieurs d'un bâtiment. Depuis toute à l'heure, ils me regardent échouer à faire mes créneaux avec amusement. L'un d'eux, un gosse de treize balais a même lancé savoir mieux se garer que moi, me vexant au plus haut point.
Je respire longuement, et commence la manœuvre. Mathieu me donne des instructions précises, et ça se passe plutôt bien, jusqu'à ce que je tape le trottoir de plein fouet.

« Fait chier, » je marmonne en écrasant ma tête sur le volant.

J'appuie sans faire exprès sur le klaxonne, me faisant sursauter et me cogner la tête. Je sors de la voiture furieuse, et m'en éloigne de quelques pas. Mathieu en sort à son tour, vérifie que sa chère bagnole n'ait rien. Il me regarde, s'apprête à ouvrir la bouche, mais je le coupe.

« Tu dis quelque chose, je te castre, » je le menace.

Il hausse les sourcils, pas le moins du monde impressionné, et finit par rire de son ricanement de dauphin. Rire qui normalement a le don de me faire sourire illico. Je m'assois sur le trottoir, dépitée. Les mecs installés dans les escaliers juste en face continuent de se marrer et de me pointer du doigt. Je leur réponds pas un majeur bien placé.
Mathieu, resté debout à côté de moi, sort son paquet de clopes. Il fouille ses poches, trouve son briquet, allume une cigarette d'un geste bien trop expert. Il inspire la fumée, creusant ses joues auparavant rondes, puis la recrache lentement vers moi, formant un nuage blanc délicieusement toxique.
Bordel, depuis quand je trouve ça attirant ?
Il me prend en flagrant délit alors que je suis en train de le mater et sourit de façon moqueuse. Je roule des yeux et regarde mon téléphone. J'ai reçu une dizaine de messages sur le groupe Snapchat que j'ai avec mes deux meilleurs amis. Sam me demande si ça y est,
« on a conclu », et Evan, lui, me demande si je n'ai pas tué quelqu'un en voiture. Je rigole toute seule face à leurs conneries. Finalement, ils se sont bien trouvés ces deux idiots.
Mathieu termine sa clope, me tend sa main pour m'aider à me relever. Quel gentleman, je songe, un rictus narquois déformant ma figure. À mon grand étonnement, il monte dans sa BMW côté conducteur. Il recule le siège à fond, me fait signe de venir. Je fronce les sourcils.

Interview {PLK}Where stories live. Discover now