Interview {PLK}

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Mercredi 3 Avril 2019

« Qui vient mettre la table avec moi? demande ma mère de la salle à manger.

-Loïs! crient en cœur le $-croums.

-Pourquoi moi? je m'insurge.

-Parce que t'es la plus petite, dit Théo.

-Parce que c'est mon anniversaire, fait observer Ken.

-Et qu'on est des invités, poursuit Idriss.

-Et que t'es la seule à pas jouer à FIFA, continue Hakim.

-BUUUUT! » gueule Doums en se levant, le poing en l'air en signe de victoire.

Les garçons grognent sauf Doums évidemment, qui lui est ravi d'avoir mis un but.
Je me lève du canapé pour aller aider ma mère. De toute façon, c'est toujours pareil lors de l'anniversaire de mon frère: je suis exploitée. Comme tous les ans, on fête l'anniversaire de Ken « en famille ». Je crois que les frères Arkrour ont toujours été présents, du moins aussi loin que je m'en souvienne. Quand mon frère est arrivé au lycée, il a rencontré Sneazzy, qui a été automatiquement invité, et quelques années plus tard, 2zer et Doums se sont également joint à la fête.
Ma mère me tend les assiettes et couverts, tandis que mon père cuisine de la moussaka. Le parfum du plat typiquement grec embaume délicieusement l'appartement où j'ai grandit. Je remarque avec un sourire triste que mes parents ont mis par réflexe une neuvième chaise, assiette, fourchette et couteau. Ils ont laissé une place pour Moh', alors que ça fait près de deux ans qu'il n'est pas venu. Je range le tout silencieusement sous l'œil attristé de ma mère. Les pauvres ne savent pas ce qui s'est passé, pourquoi Moh' ne vient plus à l'anniversaire de mon frère, ni pourquoi ce dernier ne parle plus des conneries du maghrébin.

« À table! » annonce mon père, le plat de moussaka à bout de bras.

Bruits de course dans le couloir.

Mon frère et ses potes se bousculent comme des gamins et s'assoient à leur place respective.

« Vous vous êtes lavé les mains? interroge ma mère.

-Mom, on a plus cinq ans! bougonne Ken.

-C'est pas une excuse pour être dégueulasse à vingt neuf ans, réplique-t-elle sèchement. Allez, zou! »

Les garçons se relèvent, marmonnant des insultes pour la forme. Je leur tire la langue puisque moi, je suis propre et me suis déjà lavée les mains. Mon père sert tout le monde, faisant bien attention à servir la même quantité aux frères Arkrour. Une histoire stupide de la gente masculine. Idriss, étant le cadet, plus petit en taille et bien plus menu, est toujours persuadé qu'en mangeant la même quantité que son frère, il gagnera en virilité. C'est comme ça depuis presque trente ans, ça ne risque pas de changer. Les garçons arrivent et s'attablent joyeusement. Hakim s'apprête à manger mais ma mère pose sa main sur son bras, arrêtant son mouvement. On fronce tous les sourcils tandis que mon père se lève solennellement. Il se racle la gorge.

« Tu commences ou..? je m'impatiente, le plat de moussaka devant moi me faisant de l'œil.

-Deux minutes, on est pas tous aussi talentueux que vous avec les mots! marmonne-t-il.

-On fait de la poésie, Loïs manipule les gens, nuance, » me pique mon frère, sourire moqueur aux lèvres.

Je me gratte l'œil avec mon majeur, lui faisant par la même occasion un doigt d'honneur fort bien dissimulé. Il ricane et notre père souffle d'exaspération.