Miracles In December (Le Droit de Nous Aimer)

Chapitre 9 - Partie 1

Je n'étais pas à l'aise. Clairement pas. Je connaissais pourtant le pub, commençais à avoir mes marques ici, et même le barman me reconnaissait. Le lieu me semblait bien plus familier que les autres fois. L'odeur de nourriture et de cèdre qui se mélangeaient. L'écran de télévision accroché au mur devant un tas de tables hautes auxquelles s'attroupaient généralement les fans de sport. L'aspect feutré des lumières qui laissaient les ombres danser. La table noire et ses chaises, à côté d'une autre table dans un coin qui elle, avait des banquettes. J'y avais mes petits repères, qu'ils soient visuels, auditifs ou olfactifs. Pourtant, j'avais une boule dans le ventre. Le genre de boule qui me maintenant aussi droit qu'un i, crispait mes muscles, et m'empêchait de vraiment apprécier ce que je mangeais.

Les deux hommes, de part et d'autre de moi, discutaient tranquillement alors que je picorai dans mon assiette pour garder mes mains – ma main – occupées. Mon regard passait de l'un à l'autre, sans que je ne suive leur conversation qui semblait plutôt posée. Owen avait le sourire aux lèvres, un coude sur la table tandis qu'Ach' piochait sans demander dans l'assiette de l'un, puis celle de l'autre. Il l'écoutait en hochant la tête, ajoutait une ou deux remarques sans quitter les yeux de son amant. Je le comprenais. Ô que oui. Il n'y avait rien de plus envoûtant que les lacs de cristal qu'Owen avait à la place de ses yeux.

Je ne pus dire si des secondes ou des minutes passèrent, mais à force de les fixer ainsi, Ach' fini par tourner la tête vers moi. Pris en flagrant délit, je détournai les yeux, mais trop tard.

— Quelque chose ne va pas ? demanda Ach'.

— Non. Rien du tout.

Je n'osai plus les regarder, mais en coulant discrètement un œil vers eux, j'aperçu Owen faire un mouvement vers moi. Je me raidis quand sa main eut l'intention de me toucher. Elle ne le fit pas, suspendue dans son mouvement, à ma plus grande surprise.

— Tu ne te sens pas bien ?

— Non, ça va, niai-je.

— Tu es sûr ? Je te trouve pâle.

Il finit par me toucher. J'avais froid, chaud, tout, rien en même temps.

Je laissai ses doigts parcourir ma peau qui se recouvrit de frissons. Je ne bougeai plus, le regard fixe sur lui, les lèvres serrées. Ses yeux se plissèrent, comme s'il cherchait à lire sur mon visage, à décrire le mouvement de mes muscles, à décoder mon silence.

— C'est d'être avec nous deux qui te met mal à l'aise ?

Je déglutis pour toute réponse. Je ne savais pas moi-même ce qui était le plus dérangeant dans cette situation. Être avec eux deux en même temps ? Savoir qu'ils couchaient ensemble ? Ou bien savoir que peut-être, ils me désiraient aussi ?

— Tu n'étais pas comme ça avec moi. C'est Ach' qui te dérange ?

Machinalement, je tournai la tête vers lui et croisai son regard.

Il n'avait rien de froid ni d'hostile. Il n'était ni intransigeant ni hautain. Il me regardait d'égal à égal. Il me fixait comme s'il n'y avait aucune différence entre Owen et moi. Comme s'il n'y avait rien de mal à ce que son amant me touche. Comme si c'était parfaitement normal.

Je m'efforçai de retourner mon regard vers Owen et plongeai dans ses lagons limpides, sans me soucier de m'y noyer.

— Je ne suis jamais sorti avec deux personnes en même temps, avouai-je alors.

— Je me doute. Ce n'est pas quelque chose de très courant.

— Et puis, je n'ai jamais regardé le professeur Rivereau comme ça...