Chapitre 2 - Partie 1

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J'hochai la tête pour la énième fois depuis le début de la conférence. Dan, à côté de moi, se moquait en disant que j'allais finir par être coincé, et ressemblerais ainsi à l'une de ces décorations pour voiture, ces chiens à la tête articulée qui bougeait en fonction des mouvements de l'automobile. Peut-être bien, même si j'étais certain d'être plus beau qu'un chien en plastique.

J'observai attentivement le professeur Earl, qui parlait tout en présentant différentes séries de statistiques, qu'il expliquait à merveille. Enfin... tout était à merveille lorsque c'était avec lui. Que ce soit ces séries de chiffres incompréhensibles en temps normal, ou bien son petit costume trois pièces qui lui moulait le cul à la perfection.

Il était absolument magnifique, debout devant le grand écran blanc, un micro à la main pour que sa voix porte dans toute la pièce, ses cheveux de jais tirés vers l'arrière, concentré sur ses explications des applications des nouvelles procédures mises en place par le gouvernement européen. Il était brillant, et devait avoir à peine trente-et-un, peut-être trente-deux ans.

Dix ans de décalage... Ce n'était pas trop, j'en étais persuadé. Notre écart d'âge n'était pas un problème. Ni même son petit air suffisant.

Il céda le micro à une intervenante qui reprit avec un fort accent du Nord. Sa partie ne m'intéressa pas du tout. Je m'enfonçai un peu plus dans mon fauteuil, relâchant mes muscles tout en soupirant. Je jetai un coup d'œil à Dan qui, à son tour, était subjugué par le discours prononcé. Pourtant, il détestait les débats sur l'Union Européenne. Mais peut-être que le tailleur un peu court de la brunette était plus à son goût.

Je souris en coin, croisai les bras sur mon ventre, et écoutai avec légèreté ce qui se disait. Je n'étais pas venu seulement pour voir – admirer – Earl. La conférence m'intéressait vraiment. L'intervenante laissa ensuite sa place à Rivereau, qui en fit réagir plus d'une dans la salle. Ce ne fut qu'à ce moment là qu'avec Dan, nous nous permîmes de discuter à voix basse.

— Bon sang, y'a de la chasse à faire ici.

— Sérieux ? T'as le béguin pour la vieille ?

— Arrête. Elle a quoi ? Trente piges ?

— Elle en a au moins plus de trente cinq !

— Non, impossible !

Il secoua la tête, refusant d'écouter la vérité.

— Et puis d'abord, toi aussi t'aime les vieux !

— Est-ce que tu as bien ouvert tes yeux ?! Earl est sans aucun doute plus jeune que la couguar toute tirée que tu mâtais comme un drogué en manque.

— Mec arrête, tu commences à me faire flipper. Elle était pas si tirée que ça !

— Regard bien son cou. Généralement, on voit mieux ici les marques de vieillesse, que sur le visage maquillé ou refait à la chirurgie.

Tous deux nous fixâmes l'intervenante qui était en retrait dans un coin, hochant la tête comme je le faisais un peu plus tôt en écoutant le discours de monsieur Earl. Elle mâtait carrément Rivereau là ! C'était cramé à dix mille miles !

— Putain ouais. T'as raison. Elle a quarante balais !

— Tu vois, je te l'avais dit.

— Merde... J'ai relooké une daronne...

Choqué, la tête de Dan me fit rire. Je me retins autant que je le pus, pour ne pas me faire remarquer même si, de biais, je crus apercevoir le regard sévère de Rivereau qui nous faisait son petit show à la française.

Quel crâneur. Avec ses boucles folles et son air parisien, il avait le don de m'irriter les nerfs. D'autant plus que monsieur était non seulement agrégé en France, mais aussi docteur ici, en Angleterre. Suffisamment intelligent pour n'avoir eu aucun mal à intégrer le corps enseignant d'une des universités les plus prestigieuses du monde. Quelqu'un à qui je ne voudrais jamais ressembler. Monsieur Earl avait peut-être ce petit côté altier des académiciens, mais il ne dédaignait pas ses étudiants comme ce français le faisait. Il n'avait même pas dix ans de plus que nous, qui plus est.

Miracles In December (Le Droit de Nous Aimer)Where stories live. Discover now