C'est toi que j'aime {REMADORA}

trente

La semaine passa à une vitesse folle. Au bout de trois jours, Remus se décida à ouvrir la lettre de Dumbledore, celle que McGonagall lui avait remise le jour de l'enterrement.

"Remus,

Permets-moi  de te tutoyer pour la dernière fois. La première fois, c'était il y a bien longtemps, tu te souviens ? J'avais poussé le portail  de chez tes parents, et je t'avais aperçu, jouant aux billes, tout seul. Lorsque j'étais arrivé devant toi, tu m'as demandé si je savais jouer aux billes. J'ai répondu non, alors que si, évidemment, tous les enfants savent jouer aux billes. Tu m'en as donné une, tu t'es rassis dans la poussière, et patiemment, tu m'as expliqué. On devait avoir l'air marrant, tous les deux, le petit garçon tout griffé et le vieil homme tout ridé, à jouer tranquillement... C'est à ce moment là, quand ton père t'as pris dans ses bras, et qu'il s'est excusé "pardon, Dumbledore. Remus n'a personne avec qui jouer...", c'est à ce moment là que je me suis promis que tu irais à Poudlard deux ans après. J'ai tenu ma promesse, non ? C'est bien la seule que j'ai tenue envers toi.

Parce que le jour où je suis venu avec tes parents à la gare, que je t'ai vu tout crispé, mort de peur, j'en ai fait une autre : j'ai juré que je te protégerais comme mon fils, et que jamais, au grand jamais, tu n'aurais à souffrir par ma faute.

J'ai lamentablement échoué. D'abord, lors de la première guerre. Ou plutôt, à la fin. Je n'ai pas su t'aider à te relever. Tous tes amis étaient morts. Sirius, en qui tu avais placé toute ta confiance, était un traître. Et moi, je t'ai laissé tomber. Je n'ai pas fait mieux après la mort de Sirius. J'ai revu les pires moments de ma vie. Je me suis revu, pleurant comme toi, et je me suis promis que tu ne deviendrais pas comme moi. Alors je t'ai forcé à te secouer, je t'ai malmené, c'est vrai. Mais il fallait que tu restes en vie, que tu ne sombres pas dans l'apathie. Parce que la vie, ce n'est pas doux, ça brûle, ça pique, ça te tord les boyaux et ça te fait saigner jusqu'à la mort. Tout cela, tu ne l'éprouvais plus. Et je refusais que tu deviennes comme moi, un vieillard que tout le monde croit sénile.

Alors je t'ai envoyé là-bas. Oh, ça n'a pas été une décision facile à prendre, loin de là ! Je voulais t'éloigner de cette maison, de ces souvenirs. Je ne voulais pas que tu tombes dans une existence glauque, où tu ressasserais inlassablement des souvenirs que tu finirais par détester. Et j'avais peur de t'avoir condamné, et je savais que tu me haïssais. Pendant que toi, tu mourais à petit feu, te consumais pour l'Ordre dans cette lande glaciale, la seule chose que j'ai trouvé à faire, c'est chambouler l'Ordre. Tonks était morte d'inquiétude, elle demandait des nouvelles, et moi, j'avais peur. C'est la seule fois où je n'ai pas eu confiance en toi : j'étais terrifié à l'idée que tu la rejette et que ça finisse comme avec Sirius. Alors je lui ai dit que j'ignorais où tu étais, que personne n'avait de nouvelles... C'était faux, bien sûr. Maugrey, lui, ne t'avais pas oublié. C'est le seul qui aura eu raison, dans cette histoire.

Tu te demandes sûrement pourquoi j'ai été si méchant, si odieux, au Nouvel An. Je vais t'expliquer : j'avais peur, encore une fois. Rien ne s'était passé comme prévu. Loin d'être devenu plus fort, cette mission avait agrandi tes failles. Tu étais blessé, dans ton corps et dans ton âme. Il ne fallait surtout pas que tu y retournes. Il fallait que ta colère contre moi soit si grande que tu refuserais d'obéir. Mais j'avais oublié quelque chose. Tu étais bon. Tout en toi me détestait, mais tu savais que cette mission était importante, alors tu as continué. Tu savais que tu pouvais sauver des gens, alors tu as continué. Tu as essayé de m'expliquer, mais je n'ai pas compris. Lorsque tu me crachais la vérité, je restais à l'abri derrière mes plans.

Pardon.

Je pensais que cela serait pour ton plus grand bien, mais je me suis lourdement trompé. Tu n'avais pas besoin de moi  pour tirer les ficelles. Tu avais besoin de moi pour t'aider.