trente-trois

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- J'en ai un autre ! s'écria Remus en reposant brusquement son exemplaire de Eugénie Grandet.

Il monta quatre-à-quatre les escaliers, buta contre la dernière marche, se rattrapa à la balustrade et ouvrit la porte de la chambre à toute volée.

- La grande Nanon, dans Eugénie Grandet, de Balzac, sourit-il en tendant le livre à Tonks, assise à son bureau.

Celle-ci se leva et lui sourit. Il collectionnait les livres possédant un personnage dont le nom commençait par N, et les lui offrait.

- Elle est gentille, cette Nanon ? demanda Tonks en se rapprochant.

- Toute la ville l'envie à ses maîtres, répondit Remus en l'embrassant.

Il aurait voulu que ce moment dure toujours. Que jamais elle ne se détache, ne le force à s'asseoir, qu'il ait un pressentiment. Mais c'est ce qu'il se passa. Il lui jeta un regard inquiet. Ça y est, c'était fini. La pleine lune, il y a deux jours, lui avait fait peur. Elle s'en allait. Un mois, ça suffisait, elle en avait marre, elle regrettait.

- Remus, commença-t-elle doucement en prenant sa main.

- Oui ? demanda-t-il, la gorge nouée.

Il se prépara mentalement, ferma une à une les portes de ses émotions, verrouilla le tout, et posa tranquillement son regard dans celui de sa femme.

- Tu m'as dit que tu m'aimerais toujours...

Remus sourit, et sentit l'étau dans sa poitrine se desserrer.

- Évidemment.

Tonks serra sa main un peu plus fort.

- Malgré les épreuves, continua t-elle sans le regarder.

Il sentit son cœur s'affoler à nouveau. Il prit délicatement le visage de Tonks dans ses mains et souffla :

- Qu'est-ce qu'il se passe, Dora ?

Le regard brillant, Tonks se détourna lentement et murmura :

- Je suis enceinte.

Une brique.

Un mur.

Une explosion.

Le cœur qui ne bat plus.

Les poumons qui se vident.

Le regard qui s'assombrit.

Et, petit à petit, le monde qui revient, la respiration qui redevient régulière, les oreilles qui cessent de bourdonner. Et la phrase, fatale, fatidique :

- Non.

- Remus, c'est mon utérus, je sais ce qu'il s'y passe, répliqua sèchement Tonks.

Remus baissa les yeux. Son brillant cerveau n'était plus rien qu'une boule de questions aussi emmêlée que les cheveux de Tonks le matin.

- J'hésite entre hurler de joie et pleurer de peur, déclara-t-il enfin.

Tonks le força à lever les yeux, comme il l'avait fait quelques instants auparavant.

- Je sais ce que tu vas me dire, murmura-t-elle. Que tu n'as pas le droit, que tu vas me mettre en danger et tout le blabla. Alors écoute-moi. Tu es exceptionnel. Tu es brillant, beau, gentil... Tu n'as pas le droit de douter de mes sentiments pour toi, et tu n'as pas le droit de te rabaisser ainsi. Je t'aime, et tout ce que j'espère, c'est qu'un jour tu te rendes compte que tu as le droit de vivre. Je ne t'autoriserai pas à t'empêcher de vivre, et ce bébé, ce n'est que la première étape. Tu vas voir, en la vie c'est beau, et tu y as droit.

C'est toi que j'aime {REMADORA}Where stories live. Discover now