trente-cinq

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Remus défroissa le parchemin, et lut une dernière fois les mots de Philip, pour être sûr, vérifier qu'il ne s'était pas trompé, qu'il n'allait pas faire tout ça pour rien, qu'il n'était pas parti en vain... Il les connaissait par cœur, maintenant : "Pars. Fuis, tant qu'il est encore temps. Viens, on part, on rejoint les autres. On part. Pars. Fuis. On est des monstres. Je les ai tués. Je suis un monstre. Tu es un monstre. On est des monstres, faut qu'on parte. Viens, viens, viens."

D'un geste de baguette magique, il enflamma le message, et dispersa les cendres d'un coup de pied. Il essuya ses mains sur son pantalon, prit une grande inspiration et se leva. Il jeta un coup d'œil à l'immeuble d'à côté, sourit légèrement et s'engouffra dans le hall du 11, square Grimmaurd.

Il grimpa quatre-à-quatre les marches de l'escalier biscornu et hésita un instant sur le palier. Après tout, rien ne prouvait que c'était Philip qui avait écrit ça. Cela pouvait être n'importe qui. Il y avait beaucoup de monstres, dans cette guerre. Mais quelque chose au fond de lui lui soufflait que c'était bien Philip qui l'appelait. Il n'y avait que lui pour pouvoir lui dire ça. Pour dire de façon aussi crue qu'il les avait tués... Tués, par Merlin ! Sa gorge se serra lorsqu'il songea que ça pouvait être un piège, que Philip était peut-être mort, lui aussi...

Philip.

Mort.

Non.

Un frère ne meurt pas. Pas un frère comme Philip. Pas lui. Pas ce jeune homme qui souriait dans la nuit. Pas celui qui l'avait soigné dans la Cabane. Pas celui qui l'avait aidé pendant qu'il vomissait. Pendant qu'il pleurait. Pas lui.

Remus monta les dernières marches lentement, tremblant, et prit une grande inspiration devant la porte. Ils avaient tant vécu ensemble, le camp, leur périlleux voyage jusqu'à Londres, la naissance d'Aristide, et, il n'y a pas si longtemps, le mariage de Remus... Ils avaient fait tout ce qui leur était interdit, ils avaient bravé les menaces de Greyback, les préjugés de la société, l'indifférence du monde... 

Il ouvrit la porte, baguette brandie.

- T'es là, dit faiblement une voix rauque.

Philip.

Un large sourire éclaira le visage balafré de Remus, et il entra dans la pièce. Philip était étendu sur le sol, la tête posée contre un canapé, complétement avachi.

- Ça va ? demanda Remus, tremblant.

- Non.

Remus s'assit précautionneusement sur le sol, à côté de Philip, et tenta de déchiffrer son expression à travers ses cheveux.

- Ils sont morts ? lâcha-t-il.

Philip hocha lentement la tête, et une grosse larme roula sur sa joue. Il l'écrasa rageusement, et tourna la tête vers Remus.

- C'est moi qui les ai tués, murmura-t-il. Il y a deux semaines. J'ai cru que tu ne viendrais jamais. Je mourais, quand tu es arrivé. Littéralement. Je n'ai pas mangé depuis au moins dix jours, mais je m'en fiche. Je veux juste mourir.

- C'est pas une solution, rétorqua doucement Remus.

- Tu ne les as pas vus, répondit Philip en secouant la tête. C'est moi qui ai fait ça ! Moi ! je...

Il s'arrêta, et hoqueta à nouveau. Remus passa un bras en travers de ses épaules, et Philip posa sa tête contre lui, tremblant.

- C'était la pleine lune. Alyne ne savait toujours pas que... Ce que j'étais... Et... Oh... J'étais parti à la cave, je me disais qu'elle ne me trouverait jamais là... Et... Aristide a eu envie de son doudou, elle l'a cherché partout et elle a fini par... Par descendre à la cave... Et moi, j'y étais... En loup...

C'est toi que j'aime {REMADORA}Where stories live. Discover now