huit

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- Je peux faire ça toute seule, Savage, dit sèchement Tonks pour la troisième fois, sa voix s'élevant dans la pénombre du chemin forestier.

L'homme à côté d'elle secoua la tête, les poings enfoncés dans les poches de son imperméable gris. Marcus Savage était un homme grand et plutôt musclé, aux cheveux bruns coupés courts, comme l'imposait le règlement de la Brigade. Il avait un visage sec, des yeux aussi gris que sa veste et un sourire étrange, comme décalé sur ce visage dur. Il avait passé le repas de la veille à rire.

En effet, Tonks avait pris possession de sa petite chambre dans l'appartement B12 de la rue principale de Pré-Au-Lard la veille, et découvert ses colocataires : Arnold Fiertalon, vingt-quatre ans ; John Dawlish, trente-deux ans ; et Marcus Savage, trente-huit ans. Ils n'avaient pas beaucoup parlé, lors de ce repas. Ils avaient reparti les chambres, convenu des tournées de vaisselle, de linge et tout le bazar, et chacun avait refermé doucement la porte de sa chambre et de ses secrets.

- Je ne fais qu'exécuter les ordres, répondit soudain Savage. Vous avez entendu Dumbledore : c'est deux par deux, pas un de plus, pas un de moins. C'est pas la mort, on va juste vérifier que les gamins sont tous descendus du train ! Et puis j'ai mon neveu qui a commencé un job de machiniste sur le Poudlard Express, je vais lui dire bonjour.

Tonks leva les yeux au ciel. Elle ne savait pas pourquoi elle était énervée contre Savage. Il n'avait rien fait, pourtant. En fait, elle savait très bien pourquoi. Tout l'énervait depuis le départ de Remus. Mais c'était tabou. Prénom tabou, nom tabou, pensée taboue. On-n'y-pense-pas, aurait martelé Fol Œil.

Ils émergèrent soudain dans la lumière de la petite gare. Le train rouge était encore là, prêt à repartir à Londres. Tous les wagons étaient allumés, les portes et les volets ouverts. Seul un était plongé dans le noir, volets fermés. Tonks fronça les sourcils.

- Je vais voir, lança-t-elle à Savage avant de sauter dans le train au moment même où il s'ébranlait.

Elle ouvrit brusquement la porte du compartiment, baguette tendue. Elle inspecta les moindres recoins, sous les sièges, mais personne n'était là. Étrange. Soudain, son pied heurta quelque chose, elle se sentit tomber en avant et se rattrapa maladroitement à un siège. Elle hocha la tête. Bien sûr. Elle tendit la main et, d'un coup sec, arracha la cape d'invisibilité, révélant Harry, allongé au sol, le nez en sang.

- Salut, Harry, lança t'elle d'une voix la plus enjouée possible, tout en pointant sa baguette sur le jeune homme. Enervatum !

Harry se leva difficilement, titubant et la dévisagea, les yeux ronds. Elle observa le quai qui s'éloignait.

- On ferait bien de sortir d'ici, le train va prendre de la vitesse. Viens, on va sauter en marche.

Et, sans se préoccuper de savoir si Harry la suivait, elle ouvrit la portière et bondit sur le quai. Harry hésita un instant, puis sauta à son tour. Tonks l'observa sans un mot. Il n'avait pas changé depuis le début de l'été. Il avait un peu grossi, peut-être. Molly avait dû le remplumer, ou du moins s'être donné cet objectif propre aux mères de famille soucieuses et attentionées. Elle lui rendit sa cape d'invisibilité, et lança un regard sur le quai. Nulle trace de Savage. Tant pis, elle irait seule pourrait questionner Harry en toute (in)discrétion.

- Qui a fait ça ? demanda-t-elle soudain.

- Drago Malefoy, répondit Harry d'un ton amer. Merci de... enfin...

- Pas de quoi, dit Tonks sans sourire. Je peux soigner ton nez si tu restes parfaitement immobile, ajouta t'elle.

Harry hésita, puis se figea sur place, les yeux fermés. Visiblement, il n'avait pas confiance.

C'est toi que j'aime {REMADORA}Where stories live. Discover now