trois

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Remus se laissa tomber par terre, dans le couloir. Il ne voulait ni rejoindre les autres ni monter. Le couloir semblait être un bon compromis. Il renifla. Il n'aurait jamais dû revenir. Il aurait dû continuer sa route vers le Nord, trouver un nouvel emploi stratégique, refaire des réserves de Tue-Loup... Mais il n'aurait pas dû revenir.

Il entendit un craquement dans l'escalier. Il tourna la tête. Il baissa les yeux en reconnaissant Emmeline. La sorcière se tenait sur la première marche du célèbre escalier, la main posée sur Wihlma, elfe de la maison Black. Elle soupira, et, croisant ses bras sur sa poitrine, elle jeta :

- Tu sais ce que je vais te dire, hein ?

Remus soupira et se releva.

- Emmy...

- Non. Rem, tu es mon ami depuis longtemps. Je ne t'ai jamais fait de reproches sérieux. Mais là...

Elle soupira et baissa la tête.

- Laisse moi te dire que tu fais la pire erreur du monde.

Remus ne répondit pas. Ils restèrent un instant immobiles, aucun n'osant rompre le silence. Emmeline ouvrit la bouche pour parler, et la referma aussitôt. Dans la rue, des bruits de klaxon retentirent. Ils se fixèrent longuement, les yeux bruns dans les yeux verts, détresse dans la détresse, passé dans le passé. Enfin, Emmeline déclara d'une voix blanche :

- 12 août 1981.

- Emmy, non.

- Si, Remus, dit Emmeline avec un sourire triste.

- Non ! Arrête de remuer ce passé ! Tout ce qu'on a fait, tout ce qui s'est passé à ce moment... Arrête ! Je... Non ! Je ne veux plus de ce passé ! Ils sont morts, on va les rejoindre sous peu, je... Ne me force pas à me souvenir !

Emmeline secoua la tête, des larmes perlant au coin de ses yeux.

- C'est toi qui est venu me voir. Tu as sonné à ma porte, tu as vu le flacon dans ma main. Et la première chose que tu as dite, c'est "Ne fais pas ça". Tu m'as forcée à m'asseoir. Tu m'as offert une épaule sur laquelle pleurer. Je t'ai raconté comment j'avais vu la tête de Gideon dans une flaque de sang, et plus loin dans le couloir, celle de Fabian. Je t'ai raconté comment j'avais ramassé son corps partout dans la maison. Je t'ai montré ma bague, celle qu'il m'avait offerte deux jours auparavant. Je t'ai raconté que je ne voulais pas d'une vie ou il ne serait plus là.  Je t'ai dit que je ne voulais pas que mon enfant ait un père mort. Notre défaite était inéluctable. Tu m'as rassurée. Tu m'as aidée à me relever. Tu m'as dit qu'il fallait que je vive, pour lui, pour eux. Tu m'as parlé. Longtemps. Tu m'as dit que la vie était belle, tu m'as raconté James, Peter et Sirius. Tu m'as raconté l'amour et l'amitié, la vie et ses détours, ses saletés et ses joies simples. Je t'ai répété que mon enfant n'aurait pas honte de son père.

Emmeline releva la tête, et ses yeux se plantèrent dans ceux de Remus.

- Tu te souviens de ce que tu m'as dit ?

Remus baissa les yeux.

- Tu fais la pire erreur du monde.

Emmeline hocha la tête.

- Je ne t'ai pas écouté. J'ai avorté. Et toute ma vie, tu m'entends, toute ma vie, je l'ai regretté. J'aurais pu avoir un autre. Mais l'enfant de Gideon...

Sa voix se brisa. Elle secoua la tête, les larmes aux yeux.

- Ne fais pas la même erreur que moi. Je n'ai pas eu de deuxième chance, avec Gideon. Ne fais pas une erreur que tu regretteras toute ta vie.

C'est toi que j'aime {REMADORA}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant