XV - Et si j'accepte ce risque ?

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Léna

Je le regarde debout devant moi. Son regard n'est plus le même ni sa voix. Rien d'effrayant. Non, plutôt de la peine. Il semble vraiment sincère dans ses paroles. Tous les autres nous regardent, sans dire un mot. Marina s'est installée à côté d'Anton alors qu'Irina occupe le canapé vide. Je suis toujours à l'entrée du salon, mon regard ne lâchant pas Alexander. Oui pour une fois il ne me fait plus peur. Même lorsque sa voix, qui a repris son timbre naturel, se fait entendre, je ne bouge pas.

— Léna, il faut qu'on te parle de ce qu'à trouver Niko sur le meurtre de tes parents.

— Écoute, je suis désolée de ne pas être venu t'en parler en premier, intervient Nikolaï, mais cela concerne aussi Marina et Alex, je devais donc leur en parler aussi.

— Comment ça peut les concerner aussi ? Il s'agit de mes parents, pas des leurs !

— Léna, peux-tu t'asseoir s'il te plait ? me demande Marina. Ce qu'on va t'apprendre n'est pas facile à entendre, moi-même j'ai eu du mal hier soir.

Je m'installe sur le canapé, à côté de ma cousine. Je lâche le regard d'Alex pour me tourner vers Marina. Elle semble si triste, si perdue. Tout le monde est installé dans les canapés, à l'exception d'Alex qui a repris son fauteuil près de la cheminée, tourné vers celle-ci. Le silence s'installe, personne n'osant prendre la parole. Finalement, Marina jette un regard vers son frère, lui faisant comprendre que c'est à lui d'expliquer ce qu'il se passe. Il prend donc une grande respiration avant de se lancer sans pour autant se tourner vers nous.

— Je vais te raconter une chose que très peu de gens connaissent. La vérité sur notre père. Comme Marina te l'a expliqué, lors de votre rencontre au lycée, notre mère est partie avec nous après avoir découvert les mensonges de notre père. Par contre, ce que Marina ne t'a jamais dit, c'est quels étaient ces mensonges. Notre père est quelqu'un de très riche, qui nous a toujours dit avoir fait fortune dans les affaires. Mais un jour, notre mère a surpris une de ses conversations, avec un de ses fameux collègues. Cette discussion parlait d'une affaire qu'ils avaient à gérer. Ils n'ont pas été très discrets pensant être seuls. Elle a donc entendu qu'ils devaient réceptionner une livraison d'armes et de drogue. Elle a été surprise mais a continué d'écouter la conversation. Le soir même, lors du dîner, elle demandait des explications à notre père. Celui-ci est devenu aussi blanc que les murs de ce salon. Sa femme lui demandait ouvertement, devant ses enfants qui plus est, qu'il leur explique en quoi consistait son travail. Et je ne sais pas ce qu'il lui a pris ce soir-là, mais il nous a tout simplement balancé qu'il était le chef de la mafia russe depuis plus de vingt ans. Et que tout ce qu'on avait on le devait à ses trafics et à la corruption.

Je le vois se lever et aller se servir un verre. Moi, je reste choquée par ce que je viens d'entendre. Leur père est le parrain de... la mafia russe ! Bordel, c'est quoi cette histoire ! Il revient ensuite vers la cheminée mais reste debout à contempler les flammes. Son regard semble si loin, perdu dans ses souvenirs. Après avoir bu une nouvelle gorgée, il reprend son histoire, toujours sans nous regarder.

— Autant te dire que la soirée s'est plutôt mal finie. Il y a eu beaucoup de cris et de pleurs. Il y a eu aussi des menaces. En fait, cette nuit-là personne n'a dormi. Marina et moi regardions nos parents se déchirer comme jamais. Notre famille éclatait devant nos yeux. Nous avions quinze et vingt ans. Au petit matin, notre mère est venue nous voir avec nos valises. Elle nous a expliqué que nous allions partir et refaire notre vie loin de lui. Qu'il lui avait promis de ne jamais nous faire de mal, de nous laisser vivre tranquillement, à la seule et unique condition que nous ne disions rien sur ces affaires. Si nous parlions, nous signions notre mort. Nous sommes donc partis. Marina s'est renfermée sur elle-même, s'engouffrant dans la dépression, moi je me suis jeté dans les études tout en créant ma propre société. Notre mère essayait de faire bonne figure devant tous ses amis, expliquant juste qu'elle s'était séparée de notre père parce qu'il nous avait menti sur sa vie, mais sans rentrer dans les détails. Ensuite, dès que ma société a fait pas mal de bénéfices j'ai acheté la maison de ma mère pour qu'elle puisse y vivre tranquillement et ne manque de rien, ainsi que Marina. Je suis devenu le soutien de la famille. Nous avons coupé les ponts avec notre père. Il a parfois cherché à nous revoir, mais je l'ai à chaque fois repoussé. Cela fait maintenant quelques années que je ne l'ai pas eu au téléphone, mais je sais qu'il nous surveille toujours.

Killer's eyesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant