Langage Floral ᵗᵃᵉᵏᵒᵒᵏ

13 | Fougère

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Il est encore tôt ce dimanche matin lorsque Taehyung sort des bras de Morphée. Il étire ses muscles un peu endoloris par sa courte nuit. Il se réveille lentement, prend son temps. Ouvre un oeil après l'autre puis dirige son regard par la fenêtre comme chaque matin. Instinctivement.

Dehors, il fait encore bleu.

C'est un bleu marine, pas trop noir. Un bleu de la nuit, un peu rempli d'espoir. Un bleu apaisant, réconfortant. Un bleu patient, qui soigne certains maux. Un bleu un peu spécial dont on tombe facilement amoureux. Parce que c'est le bleu qui appartient à la nuit. Et aux secrets honteux et libres. Ceux que l'on cache sous la couette. Ceux qui sur les bras se reflètent. Ceux qu'on aurait aimé garder dans un coin de sa tête.

Taehyung chasse les idées sombres de son esprit par un mouvement de tête. Il accuse le ciel de ses pensées. Non, tu ne m'auras pas aujourd'hui, j'ai d'autres projets. Et puis se désintéresse du bleu pour venir allumer le jaune terni de sa lampe de chevet. Beaucoup moins agréable à regarder. Mais beaucoup moins destructeur.

Il se lève et attrape des vêtements confortables avant de sortir de sa chambre et de prendre la direction de la salle de bain. Il se retrouve bien vite à l'intérieur de celle-ci. En tête à tête avec madame la fougère, installée confortablement sur un petit tabouret au coin. Elle se plaît bien ici. Elle s'y sent bien. Elle peut absorber toute l'humidité qu'elle souhaite sans personne pour la déranger. Elle est bien dans sa solitude. Et elle voudrait y rester des années. Taehyung aussi. Mais il ne peut pas. Parce que c'est jamais bon de se couper du monde et de se renfermer sur soi. Sa mère lui en a encore fait le reproche hier soir. Elle ne le comprend pas. Personne ne le comprend. Pas même lui. Ou peut-être que si, mais il ne le dit pas. Son corps reste muet. Taehyung est fatigué.

Mais c'est la réalité dans laquelle il vit.

Et elle n'est pas forcément jolie.

Après un certain temps de réflexion, il finit par s'habiller. Enfile un sweat tout pourri, un vieux jogging gris et une paire de Nike qui trainait là. Il descend enfin, et toujours sans faire le moindre bruit, il se dirige vers la porte d'entrée.

Sa mère dort encore quand il sort de chez lui. Comme le monde extérieur, les volets sont tous fermés dans les maisons qui se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Il n'y a pas de chiens qui aboient, de voitures qui klaxonnent, de disputes entre voisins. Il n'y a rien. Seulement lui, et la fin de la nuit. Lui, et la solitude de la fougère. Lui, et le monde sans vie. La ville sans bruits.

Puis dans ce silence infini, il se met à courir.

Taehyung court. Il court ni trop vite, ni trop lentement. Il se libère l'esprit en errant dans les rues des quartiers résidentiels. Il court sans musique, juste accompagné de ses pensées. Il ne veut pas s'arrêter. Il court. Continue d'avancer sur les long trottoirs goudronnés. Il voit défiler le paysage. Et le soleil qui se lève dans une sorte de reflets d'or. Il continue de courir, refait le même tour encore et encore. Repasse devant les mêmes maisons, les mêmes jardins, les mêmes boîtes aux lettres. Et pourtant, à la fin du dernier, cette fois-ci il décide de prendre à gauche. Et de découvrir un nouveau lieu. Un nouveau quartier. De nouvelles maisons qui se ressemblent. Il trouve ça ridicule ce manque de personnalité. Une copie parfaite de publicités mensongères. Vision utopique d'un monde en constante déchéance.

Taehyung court encore, il dépasse une rue, en tombe sur une autre et croise Jungkook.

Lui aussi, il court. Sur le trottoir d'en face, les écouteurs dans les oreilles et la tête qui se balance au gré du vent. Sous la petite brise fraîche d'automne. Et ses yeux contemple sa silhouette finement musclée, les jambes à peine recouvertes d'un short molletoné. Il le contemple avec le cœur . Avec l'âme. Il se dit qu'il est beau entrain de courir.

Puis c'est sur cette ultime pensée, que le corps de celui-ci se détourne et regarde en arrière, comme s'il avait été appelé. Et c'est alors la rencontre entre deux corps séparés par la route. Entre deux ombres de lumière. Ils se regardent des yeux. Ils se voient avec les prunelles. Et se dévorent les traits. Le soleil, lui se lève entièrement. Il rayonne dans le ciel et éclaire les formes à présent immobiles.

Au loin, Jungkook fait des gestes un peu désordonnés pour saluer Taehyung. Taehyung, lui, sourit et reprend sa course. Il pousse sur ses jambes et accélère quand il entend Jungkook s'engager à sa suite. Alors, il accélère encore et traverse le temps. Traverse le vent. Il trouve ça drôle d'essayer de semer Jungkook. Et Jungkook trouve ça drôle d'essayer de rattraper Taehyung. C'est le jeu du chat et de la souris. Et à la fin, il n'y aura ni gagnant, ni perdant, parce qu'au final, celui qui perd aura tout gagné.

Alors comme deux enfants, ils rigolent. Ils continuent de se marrer.

Et de courir ensembles, une fois de plus.

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