Chapitre 4

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La jeune femme descendit les escaliers du palais d'un pas lent et certain. Elle dégageait une telle puissance, un tel charisme à elle seule... Elle respirait l'autorité absolue. On lui avait apporté la lourde couronne ensanglantée de sa mère qu'elle avait mise d'office sur sa petite tête. Elle n'avait pas exigé de couronnement, elle n'en avait pas besoin, cette couronne lui appartenait de droit. De plus, elle n'avait pas de temps à perdre avec ce genre de futilité.

Elle avait pris le pouvoir, la couronne était à elle, avec cérémonie ou non. La foule la regardait telle une bête de foire, leurs yeux émerveillés, pleins d'espoir, ou encore effrayés. Celle-ci était retenue par les gardes royaux. Ils l'attendaient tous depuis son apparition sur le balcon. Le ciel était toujours aussi sombre. La face dorée du palais, habituellement brillante au soleil, avait pris une lueur terne.

Celui-ci était énorme, il surplombait le royaume, dominant ainsi les habitations des roturiers. Les grandes tours semblaient encore plus imposantes que d'habitude.Tout juste à côté, se situait le début des entrepôts en bois massif des dragons, là où elle se rendrait bientôt pour choisir sa monture. Elle se dirigea d'un pas lourd jusqu'à la dernière marche de béton défraîchi qu'elle pouvait atteindre.

Elle se situait plus proche que jamais de son peuple. Ils étaient dans le jardin du château qui s'étendait sur des kilomètres. L'herbe était jonchée de parterres de fleurs blanches que son peuple piétinait. Certains étaient entassés autour de la fontaine dont coulait une eau pure comme le cristal. Sa proximité fit forcer les habitants à se rapprocher, se mettre sur la pointe des pieds pour l'apercevoir. Ils criaient, suppliaient, certains hurlaient, créant une monstrueuse cacophonie.

Elle leva sa main gauche d'un geste autoritaire, qui laissait paraître un ordre taciturne. Soudain, tout le monde se tut d'un commun accord silencieux, sans exception.

- Je voudrais me faire bien comprendre, dit-elle d'une voix forte.

Elle n'avait nul besoin de crier, tout le monde y compris les enfants prêtaient attention à leur nouvelle reine.

- Nous allons pénétrer sur le territoire ennemi.

Des cris de victoire jaillirent de la horde avec la simple mention du territoire ennemi. Ils avaient soif de sang, tout comme elle. Elle les avait initiés. Elle avait attisé leur haine. Et bon sang, elle adorait ça. La foule attisait sa rage. Un sourire en coin apparut sur son visage délicat.

Elle avait bien réfléchi, elle exécutera sa mère. C'était l'unique solution pour partir en guerre, et venger son père. Chaque jour, elle rassemblait un peu plus d'habitants à sa cause : la mort du roi devait être vengée en bonne et due forme. Elle avait tout fait pour son père, et elle continuerait à en faire autant. Elle n'avait pourtant jamais pensé qu'autant de personnes auraient les mêmes envies de vengeance qu'elle. Que c'était bon de savoir que son père était toujours aussi respecté après sa mort !

Il y avait ce menuisier, Oran, qui faisait communiquer toutes ses instructions au peuple d'Orris à sa place, pour éviter les soupçons de sa mère. La majorité de son peuple la suivait, estimant que la reine faisait une grave erreur, qu'elle négligeait la mort de son mari qui était pourtant une déclaration de guerre. Tout le monde préférait suivre la princesse. Elle leur avait dit d'attendre, que le jour viendrait.

Ce jour arriva enfin. Les gardes qu'elle avait corrompus étaient sous ses ordres, hormis certains qu'elle avait ordonné de tuer. Sa mère était dans la salle du trône, attendant sa chère fille qu'elle avait enfin déniée convier après l'avoir chassé du palais pour une énième fois. Elle avait l'interdiction d'entrer dans le palais depuis des semaines. Il aurait été trop risqué de tenter quelque chose avant qu'elle ne puisse y entrer. Ils avaient alors attendu.

Une fois que les deux gardes la laissèrent entrer, un des deux trancha la gorge de l'autre d'un coup de poignard. Ça avait commencé, et ce n'était que le début. Elle marcha d'un pas assuré, le garde corrompu derrière elle, ils tuèrent tous ceux qui se trouvaient sur leur passage. Les autres gardes qui étaient avec elle dégageraient les couloirs des étages pendant qu'elle se dirigerait vers sa mère.

Des cris, du sang, de la peur... Ce palais autrefois d'apparence accueillant devint l'enfer. Elle gloussa, passant sa langue sur ses lèvres. Elle jubilait. Elle allait la tuer pour venger son père, mais aussi pour se venger pour tout ce qu'elle lui avait fait endurer.

De retour face à la réalité, elle apprécia encore un peu ce bain de foule et ces acclamations avant de se reprendre. Il n'y avait pas de temps à perdre.

- J'irais tuer leur roi, ensuite à mon signal, nous attaquerons.

Les cris allaient de plus belle, cette fois-ci, elle les arrêta immédiatement. Dans la foule, elle entendit un homme se plaindre auprès d'un groupe de personnes âgées. Il croisa son regard perçant et décida de l'affronter, une lueur de folie dans les yeux.

- Réveillez-vous, elle n'a que dix-neuf ans ! Va-t-on vraiment laisser une gamine nous mener à la guerre ?! dit-il en faisant de grands gestes, cherchant du soutien de son groupe de revendications.

Un silence plomba l'atmosphère, personne n'osait réagir, personne n'allait s'y risquer, pas même ses compagnons. Tous les yeux étaient rivés sur la reine. Ils savaient qu'elle était prête à tout après l'avoir vu tenir la tête de sa mère par les cheveux sans aucun remords.

- Qu'on l'enferme ! hurla-t-elle à un garde.

L'homme se fit extraire de l'attroupement aussi rapidement que les gens leur frayèrent un passage. La cohue s'attendait à voir une exécution, mais Zora n'en avait rien fait.

- Pour les quelques résistants ici, je ne ferai tuer aucun d'entre vous. Vous êtes mon peuple, aujourd'hui plus que jamais, dit-elle en plaçant une main sur son cœur. Tout de même, sachez que si l'un d'entre vous se met entre mon chemin, je le tuerai de mes propres mains. Aucune personne ici ne pourra m'empêcher de venger notre roi ! beugla-t-elle.

Les applaudissements partirent de tous les côtés, Zora repartit dans le sens opposé et remonta les escaliers jusqu'à être en capacité de voir toute l'assemblée devant elle, soit deux mille personnes. Elle sortit son épée de son étui et la brandit en l'air avec rage et conviction.

- POUR LE ROI ! hurla-t-elle à pleins poumons.

Son peuple la suivit aussitôt dans un grand braillement général. C'était effrayant, comme elle se l'imaginait. Ils la suivaient, comme si elle était leur reine depuis des décennies. Ils avaient foi en elle.

𝑳𝒂 𝒓𝒆𝒊𝒏𝒆 𝒓𝒐𝒖𝒈𝒆Where stories live. Discover now