𝑳𝒂 𝒓𝒆𝒊𝒏𝒆 𝒓𝒐𝒖𝒈𝒆

Chapitre 28

Ils eurent le droit de repartir dans leurs chambres après plus de trente minutes de supplice. Le sang de Kieran prit une couleur sombre alors que la rage se propageait dans son corps. On pouvait voir ses veines devenir complètement noir, ainsi que ses yeux. Il arracha violemment sa chemise blanche légèrement tachée de sang et passa une main sur son visage. Sa colère était redoutable. Sa mâchoire était crispée, et ses poings serrés. On l'avait obligé à tuer une personne innocente. Le roi lui avait murmuré impunément à l'oreille que la personne devant lui désirait mourir. Cela n'empêchait à rien qu'il avait été forcé à tuer quelqu'un sans raison valable.

Zora le regardait de l'autre côté de la pièce. Il était désormais torse nu. La reine était impressionnée par ce qu'elle voyait. Kieran se tenait dos à elle. L'entièreté de son dos laissait voir les veines noires qui renfermaient les ombres du jeune homme. Elle risqua un pas en avant.

— Ne t'approches pas de moi, dit-il d'une voix ferme.

Il ne voulait pas qu'il la voit dans cet état. Il n'avait pas envie qu'elle découvre cette facette incontrôlable de lui-même qu'il ne lui avait jamais montrée. Zora s'arrêta. Elle avait toujours sa robe blanche dont quelques traces de sang contrastait avec cette couleur si pure. La jeune femme se mordilla la lèvre. Elle n'avait jamais vu Kieran dans un état pareil.

Une sensation de chaleur emplit le corps de Kieran. Sa respiration était lourde alors qu'une sorte de fumée noire sortait de son corps. Ses ombres se libéraient. Zora recula d'un pas vif alors que les ombres firent un tourbillon autour de son corps. La fumée noire enveloppa Kieran alors qu'il respira profondément. Il laissait sa colère prendre possession de lui. Il voulait leur faire regretter. Tuer sans raison était pour lui inacceptable. Zora l'avait bien fait sans état d'âme, mais dans le cas de Kieran, c'était intolérable.

Dans leur foutue secte, ils sacrifiaient également les ombres. Ils leur réservaient le pire sort en brûlant leur corps à vif sans remords. Il ne laisserait pas toucher Zora d'un seul cheveux, pareil qu'il n'allait pas les laisser le toucher lui. Il semblait emporté par la folie qu'était son pouvoir. Pourtant, il les contrôlaient parfaitement. S'il l'aurait voulu, il aurait pu envoyer ses ombres envahir toute la pièce. Ses ombres étaient mortels, c'était bien pour cela qu'il ne le faisait pas. Zora était là avec lui.

— Kieran, silteplait, calme toi, tenta Zora.

La reine ne pouvait presque plus voir le visage de Kieran. Celui-ci ne semblait pas l'entendre. Il était en train de libérer sa rage progressivement. Avant qu'il ne devienne complètement incontrôlable, il fallait qu'elle l'arrête. Elle s'approcha de lui avec précaution. Elle n'avait pas peur, elle était inquiète. Arrivée devant lui, elle hésita à le toucher. Ses ombres étaient létales, elle le savait très bien. Elles pouvaient ronger le corps d'un homme jusqu'à pourrir son cœur et le tuer.

Le voir dans cette situation lui fit un pincement au cœur. Il n'avait jamais laissé sa colère sortir ainsi. En faisant cela, elle avait peur qu'il se fasse du mal. Alors sans plus aucune hésitation, elle posa ses mains sur son torse. Elle était rentrée complètement dans les ombres qu'avait provoqué Kieran. Celui-ci était comme dans une forme de transe. Quand il réalisa que Zora était entourée de ses ombres, ses yeux complètement noir semblait s'affoler.

La reine sentit une horrible sensation de chatouillement dans tout son corps alors que les ombres semblaient vouloir pénétrer dans sa peau. Le pouvoir de Kieran s'infiltra dans ses orbites tandis que la fumée noire compressa son cœur. Zora se figea. Elle n'arrivait plus à bouger alors que des bras se fermèrent autour de sa taille.

Tout à coup, plus rien. Elle ne vit plus d'ombres émaner du corps de Kieran. Elle avait réussi à le sortir de sa torpeur. Le corps de Zora fut pris de tremblement.

— Merde, jura Kieran.

Les yeux de Zora lui faisaient horriblement mal. Un lourd poids semblait avoir pris place sur son cœur. Tout son corps était engourdis. Kieran l'allongea délicatement sur le canapé. La reine inspira profondément pour tenter de calmer sa douleur. Elle avait failli mourir à cause de lui, pensa Kieran. S'il n'avait pas réalisé qu'elle avait été là, elle serait déjà morte. Il s'en voulait terriblement. Il s'était laissé emporter pour la première fois devant elle.

Les longs cheveux de Zora tombèrent autour de son visage. La reine avait l'impression que sa robe venait l'étouffer d'autant plus, l'empêchant de respirer correctement. Elle ferma les yeux un moment tandis que Kieran prit sa main entre les siennes.

— Comment tu te sens ? Pardonne moi, je me suis laissé emporter, dit-il d'une voix suppliante.

Zora se redressa lentement. Elle avait l'impression que son cœur avait été remplacé par un énorme rocher. Elle grimaça. Elle avait décidément sous-estimé le pouvoir de Kieran.

— Ce n'est pas de ta faute, tu m'avais prévenu.

Elle passa une main dans ses cheveux blancs. Ses membres étaient engourdis. Kieran la laissa faire. Il avait l'impression d'avoir fait une énorme erreur.

— Je t'ai fait peur ? Je comprendrai si tu-

Zora se pencha et lia ses lèvres aux siennes. Elles étaient horriblement douces. Elle avait beaucoup d'affection pour lui, plus que ce qu'elle pensait. Elle l'acceptait comme il l'était, avec les bons et les mauvais côtés. Elle s'éloigna de son visage et plongea son regard dans ses yeux.

— Jamais je n'aurais peur de toi. J'étais surtout inquiète.

Elle se leva non sans un peu de difficulté tandis que Kieran fit de même pour la supporter. Elle ressentait encore les effets horribles des ombres sur son corps. Si Kieran n'était pas revenue à ses esprits, elle aurait perdu la vie dans d'atroces souffrances. Le pouvoir du jeune homme était non seulement mortel, mais absolument dévastateur. Elle avait sûrement vécu une des pires douleurs de sa vie.

Kieran enveloppa ses bras protecteurs autour d'elle. Il déposa un doux baiser sur sa tête alors que la reine enfouit son visage sur son torse. Il s'en voulait terriblement d'avoir cédé à la colère, et donc d'avoir usé de ses pouvoirs.

— Je les ferais regretter, je te l'assure, chuchota Zora.

Il pouvait sentir son souffle chaud sur sa peau nue.

— On leur fera regretter, déclara Kieran.

Il comptait bien tenir ses paroles.