Chapitre 8 : La messe

72 21 3
                                    

J'ai déjà lu le mot une bonne centaine de fois. Ça ne m'empêche pas de continuer à fixer le morceau de papier comme si je pouvais en extraire des réponses par ma seule volonté. Ces deux phrases pourraient tout changer pour moi. Avec l'aide d'une autre personne, il serait déjà plus facile de s'extirper de ce cauchemar. Et si cette personne est bel et bien « éveillée », comme le prétend son message, elle possède sûrement des informations que je n'ai pas encore pu dénicher. Mais je ne peux pas écarter la seconde possibilité : que le mot laissé dans ma poche soit un piège pour me pousser à tomber le masque. Je vais devoir faire preuve de prudence si je veux découvrir l'identité de l'auteur.

De quoi suis-je certaine pour le moment ? On m'a glissé le papier entre le moment où Jason est passé me prendre chez Imogen et le moment où je suis sortie prendre l'air après ma conversation avec le nouveau Charlie. Les suspects potentiels sont donc les personnes présentes à la soirée d'Eden. Et en y repensant, il est possible que le flyer de la fête ait été déposé dans mon casier par la même personne. Si c'est le cas, ça ne réduit pas la liste de suspects, mais ça me permet de présumer que cette personne cherche à m'aider. Sans elle, j'aurais été prise au dépourvu lorsque l'amie d'Imogen m'a parlé de la soirée.

Je suis encore loin d'avoir démêlé ce sac de nœuds quand Laura Kennedy vient me rappeler de me préparer pour aller à l'église. Apparemment, la famille se rend là-bas chaque semaine pour la messe du dimanche. Je trouve la simple existence d'une pratique religieuse assez ironique étant donné que cette ville semble avoir été conçue par Lucifer en personne. Mais je ne verbalise pas ma réticence. Je me contente simplement d'enfiler une robe blanche à motif floral et d'attacher mes cheveux en arrière.

Dès que tous les membres de la famille sont prêts, nous entamons le trajet en direction de la grand-place. Les parents d'Imogen veulent privilégier la marche plutôt que l'utilisation de la voiture familiale car ils estiment qu'il s'agit d'un moment privilégié avec leurs enfants. Je rétorquerais bien qu'il serait aussi possible de vivre des moments privilégiés avec le confort d'un siège de voiture et du chauffage, mais quelque chose me dit qu'Imogen n'utilise son insolence qu'en dehors de chez elle. D'après ce que j'ai pu constater jusqu'ici, ses parents la voient comme la petite fille modèle qui ira loin dans la vie. Un peu plus difficile de discerner ce que son frère pense d'elle puisque Noah est resté principalement silencieux toute la semaine, préférant la compagnie de sa musique que celle d'autres personnes. J'ai un léger pincement au cœur en pensant à ce manque de liens familiaux entre les deux enfants Kennedy, mais je ne comprends pas pourquoi. Ces personnes ne sont rien pour moi. Nous ne sommes pas une famille, alors il s'agit forcément d'autre chose.

— Bonjour, Teresa ! s'exclame la mère d'Imogen, me tirant de mes pensées. Et bonjour à vous aussi, Eden et Logan. Quel plaisir de vous croiser. C'est fou, j'ai l'impression que vous avez encore grandi depuis la dernière fois.

Plus loin sur le trottoir, les trois membres de la famille Dunbar avancent dans le même sens que nous. À en juger par leurs tenues élégantes, j'imagine qu'ils se rendent à l'église, eux aussi. Mme. Dunbar se tourne vers nous pour nous adresser un grand sourire.

— Ne m'en parle pas, Laura, rétorque-t-elle. Lorsque j'ai croisé Imogen et Noah l'autre jour, je n'en revenais pas non plus. Ce sont presque des adultes, désormais. Le temps passe bien trop vite.

— De jeunes adultes pleins d'avenir, ajoute Joseph Kennedy.

Après plusieurs hochements de tête, les adultes se mettent à parler de la pluie et du beau temps. Eden et Logan se joignent rapidement à Noah et moi, puis nous laissons quelques secondes d'avance aux parents avant de reprendre la marche.

— Si j'entends encore parler de notre avenir prometteur, me chuchote Eden d'un air complice, je vais devenir folle. C'est dimanche, bon sang, j'aimerais souffler un peu.

Les marionnettesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant