Chapitre 14 : Derrière les murs

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Le moment de passer à l'action arrive deux jours plus tard. Comme tous les samedis, Eden se réunit avec son club de sciences au lycée tandis que Teresa Dunbar va faire des courses pour la semaine à venir. Je n'y avais jamais vraiment pensé, mais j'imagine qu'il doit y avoir un approvisionnement régulier pour nourrir toute la population au quotidien. Les personnes vêtues entièrement de noir en sont probablement à l'origine étant donné qu'ils ne semblent jamais bien loin. Je range cette pensée dans un coin de ma tête pour me concentrer sur la mission du jour. La petite supérette se trouve à une quinzaine de minutes de chez les Dunbar, ce qui nous laisse une certaine marge de manœuvre pour entrer dans la pièce secrète. Ce n'est pas l'idéal, mais c'est le seul moment où l'une de nos deux maisons sera complètement vide.

À l'heure prévue, je fais semblant de préparer toutes les affaires nécessaires pour une séance de révisions. Je m'assure que Laura Kennedy peut me voir faire et je lui dis que je serai rentrée pour le dîner. Elle pense que je me rends chez Jason comme l'autre jour afin de continuer à travailler sur des exercices de mathématiques. En réalité, je serai une rue plus loin, en train de fouiner dans les affaires de sa collègue surveillante pénitentiaire.

Lorsque j'arrive à proximité de la résidence des Dunbar, je préviens Logan avec le talkie-walkie qu'il m'a confié. L'instant suivant, ce dernier me confirme que la voie est libre et que je peux faire le tour pour passer par l'arrière de la maison. Après une minute ou deux, je me retrouve à frapper à la baie vitrée qui donne sur la cuisine. La dernière fois que j'étais là, je venais d'apprendre que les habitants « défaillants » étaient remplacés par de nouvelles personnes et j'ai découvert le mot laissé par Logan dans ma poche. Seulement une semaine s'est écoulée depuis ce soir-là, mais j'ai l'impression que c'était il y a une éternité. La notion de temps n'est pas du tout la même sur cette île cauchemardesque.

—    Je crois avoir trouvé l'ouverture de la pièce, annonce Logan après avoir fait coulisser la baie vitrée.

—    Ça t'arrive de dire bonjour ? rétorqué-je en entrant dans la maison.

—    On n'a pas de temps à perdre avec ce genre de bêtises. C'est quoi la prochaine étape ? Tu veux qu'on se dise « merci » à chaque fois qu'on trouve un nouvel indice ? N'importe quoi. Viens plutôt m'aider à inspecter le mur près des escaliers.

Je ne prends pas la peine de protester car c'est précisément le genre de réponse auquel je m'attendais. Et si je suis honnête avec moi-même, je dois me forcer à repousser le sourire qui se forme sur le coin de mes lèvres. Au fond de moi, j'ai le sentiment d'avoir déjà eu ce type d'interactions auparavant. Pas avec Logan, mais avec mon petit frère. Ce n'est pas un souvenir précis comme lors de mes visions, mais plutôt quelque chose que tout mon corps peut ressentir.

Avec la folie de ces derniers jours, je n'ai pas vraiment eu l'occasion de trifouiller ma mémoire dans un effort désespéré d'outrepasser l'appareil dans ma tête comme je tente de le faire depuis mon arrivée à Providence. Pourtant, c'est comme si mon frère était toujours à mes côtés, une présence qui me pousse à avancer malgré les risques, me rappelant pourquoi je me bats. Et d'une certaine manière, même si sa personnalité ne correspond en rien à celle de Chris, Logan joue un rôle similaire depuis notre alliance inattendue.

Une fois arrivés dans la pièce de vie, Logan pointe le mur le plus proche de l'angle formé par les escaliers. Juste à côté, une porte en bois mène à la pièce suivante. Probablement la buanderie, comme dans la maison des Kennedy. Je ne vois rien d'anormal depuis là où je me tiens, mais c'est en m'approchant que je remarque ce qui a retenu l'attention de Logan. Un petit meuble de rangement a été placé contre le mur, puis décoré avec un vase en céramique et une fleur solitaire. Et aux pieds de ce meuble, il y a de légères traces d'usure sur le parquet. Elles sont à peine perceptibles, mais elles sont bel et bien là. Comme si le meuble avait été fréquemment déplacé. Et je doute que ce soit simplement pour faire le ménage.

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