Chapitre 15 : Jour de repos

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Nous n'avons pas eu l'occasion de nous aventurer à nouveau dans l'une des pièces secrètes au cours des jours suivants. Étant donné toutes les restrictions qui ont été placées sur l'ordinateur, je doute qu'on puisse en apprendre davantage, de toute manière. Les pièces du puzzle continuent de s'amasser devant nous, et même si nous sommes parvenus à en assembler certaines, cela ne suffira pas à échafauder un plan d'évasion. Nous devons rester aussi vigilants que les adultes chargés de nous surveiller afin de rassembler un maximum de pièces. J'espère seulement que ma tension artérielle ne sera pas encore une fois mise à rude épreuve lors des prochaines collectes d'informations. Est-il possible de développer un ulcère à mon âge ? Je crois que je préfère ne pas savoir.

À la messe du dimanche, nous suivons à nouveau la procédure habituelle sans broncher. Le contenu du produit est toujours aussi inconnu, mais nous n'avons pas d'autres choix. Comme à la cérémonie précédente, je mets presque une heure à en ressentir les effets, tandis que Logan continue de ne pas être affecté. J'ai la sensation d'être sur une route déserte, enveloppée d'un épais brouillard qui m'empêche de voir quoi que ce soit autour de moi. Puis, soudain, une toute petite portion de la brume se dissipe, me laissant entrevoir un nouveau fragment de mon passé.

Cette fois, je me retrouve dans une pièce similaire à celle dans laquelle j'avais l'impression de m'être réveillée l'autre jour, avant de réaliser que j'étais encore à Providence. Mais il y a tout de même une grande différence : celle-ci ne semble pas tomber en lambeaux, contrairement à l'autre. Au lieu d'un matelas à même le sol, il y a un lit en forme de voiture. Le papier peint ne menace pas de s'écrouler d'une seconde à l'autre. Et le meuble dans le coin est décoré d'une rangée de peluches en tout genre. Une chambre d'enfant.

Un seul coup d'œil me suffit à distinguer les nombreuses traces d'usure sur les meubles et les jouets, mais je peux clairement voir que des efforts ont été faits pour que la pièce ne soit pas aussi rudimentaire que celle que j'occupais dans mon autre vision. Je commence à penser que le souvenir va s'arrêter ici, mais un petit garçon aux cheveux ébouriffés me contourne pour accéder au lit voiture. Il porte un pyjama qui paraît bien trop large pour lui. Une mèche de cheveux cache son visage et son teint manque de couleurs, mais c'est indéniablement mon petit frère. Chris se glisse sous sa couverture recouverte de dessins d'animaux de la savane et tourne le regard vers moi, attendant patiemment que je m'approche avec le thermomètre frontal que j'ai dans la main. Après quelques secondes d'attente, le résultat est sans appel : trente-huit degrés et demi. Chris décolle lui-même le thermomètre de son front pour voir le résultat avant qu'il ne disparaisse.

— Ça veut dire que je reste à la maison ? demande-t-il, les yeux remplis d'espoir, avant de se souvenir qu'il est censé être souffrant. Euh, je veux dire, c'est très grave. Je ne peux pas risquer de contaminer les autres à l'école.

Il ajoute ensuite une petite quinte de toux pour être plus convaincant. J'entends ensuite ma réponse, comme si les mots sortaient de la bouche d'une personne hors de mon champ de vision.

— Oui, tu restes à la maison, dis-je en étouffant un rire. Et il faut que quelqu'un s'occupe de toi, alors... Jour de repos pour nous deux !

Chris oublie une nouvelle fois la fièvre qui a dû l'empêcher de dormir cette nuit. Il m'offre un grand sourire, puis lève les bras en signe de victoire, faisant valser la couverture au passage.

— Jour de repos ! s'exclame-t-il.

L'instant suivant, je reviens brusquement au présent. Mon petit frère a disparu derrière le brouillard. Il était sous mes yeux et maintenant il n'est plus là. Pour la première fois, je sens une larme s'écouler le long de ma joue. J'utilise la paume de ma main pour la faire disparaître, elle aussi.



Les marionnettesWhere stories live. Discover now