Chapitre 32 : Décisions

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LOGAN


J'ai beau retourner le problème dans tous les sens, je ne vois qu'une seule conclusion possible. D'après le mot laissé par Imogen, le marionnettiste qui nous tourmente serait Joseph Kennedy. Mais ce dernier est allongé sur un sol imbibé de sang, une balle dans le crâne. Il n'y avait pas la moindre trace d'Imogen dans la maison. Une bonne chose quand on voit l'état dans lequel on finit ses faux parents. Seigneur, si je ferme les yeux pendant plus d'une demi-seconde, je revois le carnage qui avait été laissé dans cette pièce. Même avec la meilleure volonté du monde, je ne suis pas sûr de pouvoir effacer cette image de mon esprit. Je dois me concentrer sur les faits si je ne veux pas perdre pied.

Où peut bien se trouver Imogen ? Sur ce point-là, deux possibilités distinctes s'offraient à moi : soit elle a pu s'enfuir in extremis, soit le véritable responsable de la tuerie l'a emmenée quelque part. La deuxième option semble malheureusement la plus probable puisque la voix des haut-parleurs a ordonné l'arrêt de la chasse à l'homme. Au bout de quelques minutes de réflexion, je réalise qu'Imogen n'est pas le seul membre de la famille Kennedy à s'être évaporé. Noah est également introuvable. Et selon les observations d'Eden, il ne faisait pas non plus partie des groupes de recherche qu'elle a pu croiser en ville. Dans d'autres circonstances, j'aurais pu croire à une simple coïncidence, mais ces dernières semaines m'ont appris que ce genre de choses n'existait pas à Providence. Je ne peux pas écarter l'éventualité que d'autres personnes soient impliquées, mais je suis presque sûr d'avoir identifié au moins l'un des coupables.

À vrai dire, démasquer la personne qui nous retient prisonniers sur cette île n'est pas la tâche la plus importante de notre liste. Les investisseurs ne vont pas tarder à arriver et avec eux notre porte de sortie. Après notre visite au musée de l'horreur qu'est devenue la maison des Kennedy, Eden et moi avons tenté de retrouver Imogen, mais sans la moindre piste, nous ne sommes pas arrivés bien loin. Et les dernières instructions de la maudite voix étaient claires : nous devions retourner « chez nous » pour nous reposer jusqu'au petit matin. Malgré une certaine réticence, c'est ce que nous avons fait. Rentrer à la maison, je veux dire. Pour le repos, on repassera. Tout ce que j'ai été capable d'accomplir, c'est faire les cent pas dans ma chambre en attendant que l'aube arrive enfin. Chaque minute qui s'écoulait semblait durer un siècle entier. L'idée qu'Imogen soit quelque part à Providence, hors d'atteinte, me rend malade. C'est pourtant un scénario que j'ai déjà envisagé à plusieurs reprises. Si l'un de nous avait l'occasion de s'échapper, même sans l'autre, il ou elle ne devait pas hésiter à la saisir. Il ne devait y avoir aucun regret, aucun sentiment de culpabilité. Mon corps semble avoir décidé d'ignorer le message.

Dès que l'heure semble raisonnable pour sortir de nos chambres, Eden et moi décidons de descendre prendre un petit déjeuner en famille afin de préserver les apparences une dernière fois. D'ici un peu moins d'une heure, nous devrons rejoindre la muraille pour le moment décisif de notre plan, mais pour le moment, nous devons agir comme nous étions la famille Dunbar. Le premier repas de la journée se déroule généralement sans cérémonie. Chacun mange dans son coin, et Eden et notre mère de fiction échangent parfois quelques mots au sujet de la pluie et du beau temps. Avant d'atteindre le bas des escaliers, j'échange un rapide regard avec celle qui est devenue mon alliée en l'espace de douze heures. J'espère qu'elle comprend le message que mes yeux cherchent à lui faire passer : « Un dernier repas. On y est presque. On peut y arriver. »

D'ordinaire, quand nous descendons, les bols de céréales et les verres de jus de fruits nous attendent déjà sur la table. Teresa nous accueille toujours avec la meilleure imitation d'une mère aimante, puis elle nous demande si nous avons bien dormi. Aujourd'hui, la seule chose en commun avec tous les matins précédents, c'est la femme qui prétend être notre mère. Elle est assise sur un côté de la table vide, le regard fixé sur la fenêtre la plus proche. Avant même que je puisse assimiler la scène devant moi, je sens les poils de mes bras se hérisser. Teresa a l'air tellement captivée par le point qu'elle admire par la fenêtre que je suis persuadé qu'elle ne nous a même pas entendus arriver dans la pièce. Jusqu'à ce qu'elle se mette à parler.

Les marionnettesWhere stories live. Discover now