Chapitre 28 : Carnage

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LOGAN


Je n'aurais jamais cru penser cela un jour, mais me voilà à attendre impatiemment les ordres de Providence. Je ne sens presque plus mes pieds à force de rester debout dans la même position. Et le stress que je réprime tant bien que mal menace de créer une inondation. À en croire la cloche qui s'agite quelques mètres au-dessus de ma tête, cela fait déjà une heure que nous sommes figés dans le temps. La délivrance arrive quelques secondes plus tard, lorsque les haut-parleurs se remettent à grésiller.

— Chers résidents de Providence, dit la même voix calme et posée. Le danger qui menaçait notre ville a été écarté. Nous vous invitons à rentrer chez vous pour un repos amplement mérité. Dès demain matin, vos activités pourront reprendre leur cours normal. Bonne nuit à tous.

Tout à coup, les résidents présents sur la grand-place retrouvent leur capacité à bouger. Un petit groupe sur ma gauche reprend même sa conversation comme si rien ne s'était passé. Sans tarder, ils se dirigent tranquillement vers la zone de l'île où se trouvent les quartiers résidentiels. Si quelqu'un observait cette scène sans contexte, il se dirait probablement que ce sont des amis rentrant chez eux après une soirée sympa en centre-ville.

Lors des premiers instants, je dois presque forcer mon corps à bouger. Rester immobile pendant autant de temps est une expérience très étrange pour le cerveau et je dois me répéter que je suis désormais libre de mes mouvements à plusieurs reprises avant d'y croire. Une fois que j'ai retrouvé mes esprits, je fais mine de suivre le mouvement en avançant vers le quartier des Dunbar. Et dès que l'occasion se présente, je fausse compagnie aux marionnettes et je bifurque vers le lycée de Providence.

J'ai presque remonté trois rues lorsque je tombe enfin sur l'unique personne qui peut encore me venir en aide. Et compte tenu de la direction vers laquelle elle marche, il ne fait aucun doute qu'Eden a le même objectif que moi. Je suis tellement soulagé que j'entre presque en collision avec elle en voulant la rattraper. Si quelqu'un m'avait dit qu'un jour je serais heureux de voir ma sœur fictive, je lui aurais certainement ri au nez. Lorsque cette dernière remarque ma présence, les traits de son visage semblent instantanément s'apaiser. Elle ne devait pas non plus être certaine de pouvoir me retrouver après un tel contretemps.

— C'est quoi, ce bordel ? lâche-t-elle sans préambule. J'ai été obligée de jouer la statue de cire pendant une éternité. Et ils ont dit qu'Imogen avait été appréhendée. Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Je n'en sais pas plus que toi. Je venais à peine de sortir de chez le shérif quand ils ont mis toute la ville sur pause.

— Tu as pu récupérer des armes, comme prévu ?

— Pas vraiment « comme prévu », mais j'ai de quoi nous défendre, oui. Je t'expliquerai tout en chemin.

Eden fronce les sourcils face à l'étrangeté de ma réponse, mais elle hoche tout de même la tête. Nous ne pouvons pas rester plantés au beau milieu d'une intersection. Et avant de prévoir quoi que ce soit, nous devons rejoindre l'endroit où Imogen était cachée.


Nous nous trouvons dans une situation si désespérée que ma partenaire ne bronche pratiquement pas lorsque je lui explique ce qui s'est passé avec Jason Redgrave. Quand assommer et droguer le fils du shérif devient le cadet de vos soucis, vous pouvez estimer être dans le pétrin jusqu'au cou. Selon les observations d'Eden, le shérif est retourné au poste de police au nord de la ville, ce qui signifie qu'il ne devrait pas rentrer chez lui de sitôt. Il est probable qu'il soit encore dans l'obligation de s'assurer que tout est rentré dans l'ordre et que la ville paraît de nouveau parfaite. Même si je n'ai pas eu l'occasion de vérifier l'heure qu'il est, je dirais qu'il ne reste plus qu'une poignée d'heures avant l'arrivée des investisseurs.

Les marionnettesWhere stories live. Discover now