Chapitre 27 : À la maison

43 15 9
                                    

TRENTE MINUTES PLUS TÔT


J'ai l'impression de tourner en rond depuis une éternité. Objectivement, cela ne doit pas faire plus d'une heure que Logan et Eden sont partis, mais l'anxiété a le pouvoir de ralentir le temps, particulièrement quand vous n'avez rien d'autre à faire qu'attendre. Je me tiens éloignée des fenêtres au cas où un groupe d'habitants déciderait de passer près du lycée. Ce n'est pas l'envie qui me manque de guetter le retour de mes partenaires, mais notre plan a suffisamment été mis à mal sans que je vienne en rajouter une couche. Je reste donc dans la salle de classe de Joseph Kennedy, là où tous les stores sont abaissés, à regarder l'horloge murale de travers.

C'est au moment où je pense devenir folle que quelque chose se passe enfin. Mais ce n'est pas vraiment ce à quoi je m'attendais. Je sens un objet vibrer dans la poche intérieure de mon gilet. Une fois l'étonnement initial passé, je me demande ce qui peut bien émettre ce son. Je me suis enfuie de chez les Kennedy avec le talkie-walkie et un trousseau de clés, rien de plus. Je plonge la main dans ma poche et j'ai la surprise de tomber sur un appareil qui m'est vaguement familier. Il me semble l'avoir déjà vu, mais uniquement à la télévision, dans des séries médicales ou des vieux films. C'est ce que tout le monde utilisait pour communiquer avant que les téléphones portables ne deviennent facilement accessibles au plus grand nombre. Un bipeur.

Mais comment a-t-il atterri là ? Je suis certaine que je ne l'avais pas plus tôt dans la journée, avant que tout ne bascule. Je ne vois qu'une possibilité : l'un des prisonniers contrôlés par Providence l'a glissé dans mon gilet lors de leur assaut. Peut-être l'une des personnes qui m'ont agrippée devant la maison. Ou peut-être Laura. Je regarde l'appareil de plus près et je remarque qu'un message en lettres noires s'est affiché sur le petit écran rectangulaire. Mon cœur se met à battre plus vite, me forçant à lire le message plusieurs fois afin de tout assimiler.

« Tous les téléphones de la ville sont sur le point de sonner. Réponds ou tout le monde meurt. »

Si j'étais n'importe où ailleurs, j'aurais sans doute pensé qu'il s'agit d'une plaisanterie de mauvais goût. Mais à Providence, de tels mots ne peuvent être que très sérieux. Quelqu'un veut que je trouve le téléphone le plus proche et que je réponde à leur appel. Mais qui ? Se pourrait-il que ce soit la personne qui se cache derrière ce cauchemar sans fin ? Je n'ai pas le temps de me poser davantage de questions. J'entends une sonnerie de téléphone retentir dans le couloir. L'oreille tendue, je remonte jusqu'à la source : le secrétariat du lycée.

En m'approchant du téléphone fixe, je me dis qu'il ne peut s'agir que d'un piège. Est-il possible de me localiser avec cet appel ? Y'a-t-il un moyen de savoir quel téléphone j'aurai décroché ? Si c'est le cas, je n'aurai pas beaucoup de temps pour fuir et trouver une nouvelle cachette. Peu importe. Le message était clair. Si je ne fais pas ce qu'ils demandent... À la quatrième sonnerie, j'attrape le combiné et je le place contre mon oreille.

—    Allô ? dis-je avant de retenir instinctivement ma respiration.

—    Imogen. Je suis ravi que tu aies décroché. Tu as fait le bon choix.

Il me faut un instant pour identifier la voix au bout du fil, mais lorsque mon cerveau fait le rapprochement, j'ai l'impression que mon cœur s'arrête de battre. C'est le père d'Imogen qui vient de me répondre.

—    Je ne vais pas y aller par quatre chemins, reprend-il d'une voix atrocement calme. Je te félicite d'avoir réussi à t'enfuir et d'avoir échappé à la capture jusqu'ici, mais ton temps est écoulé. Tu dois revenir auprès de ta famille, maintenant.

—    Alors, c'était toi depuis le début. C'est toi qui contrôles tous ces gens comme des marionnettes. Tu gardes un œil sur moi depuis mon arrivée, je me trompe ? Pourquoi avoir attendu aujourd'hui pour m'arrêter ? À quoi bon lancer ce jeu du chat et de la souris ?

Les marionnettesWhere stories live. Discover now