Chapitre 36 : La boucle

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NOAH


Je suis dans l'obscurité la plus totale. Tout à coup, mon corps semble faire une chute libre du haut d'un immeuble. Chaque muscle envoie le même message à mon cerveau : « Réveille-toi. Vite. »

Avec une certaine difficulté, je parviens à ouvrir les yeux, mais comprendre ce qui m'arrive est bien plus compliqué. C'est comme si j'essayais de remonter une rivière à contre-courant. Chaque mouvement est terriblement difficile, et il en va de même pour mes pensées. Une bonne dizaine de questions parviennent à traverser l'épais brouillard dans mon esprit, mais les réponses demeurent insaisissables.

À travers les derniers résidus de sommeil, j'observe ce qui se trouve autour de moi. Je suis allongé dans un grand lit à baldaquin, en face d'un mur recouvert de posters. Je reconnais les différents groupes de musique sans avoir à regarder le bas des affiches : Guns N' Roses, The Cranberries, Tears for Fears. Le papier peint à motif floral qui se cache derrière m'est étrangement familier et je ne saurais pas expliquer pourquoi. Tout ce que je sais, c'est que ma respiration s'accélère et que mon cœur est en train de se déchaîner dans ma poitrine. Je ne suis pas en sécurité ici.

Je m'extirpe de la couverture qui a été placée sur moi, mais j'imagine que je me relève un peu trop vite car mes jambes refusent de soutenir le poids de mon corps. En moins d'une seconde, je me retrouve la tête contre la moquette qui recouvre le sol. J'ignore si la chute a permis de débloquer quelque chose là-haut, mais je sens le brouillard se dissiper progressivement.

Et là, tout me revient par petites bribes successives, comme si le flash d'un appareil photo lançait le début d'un nouveau souvenir. Je m'appelle Noah Dunbar. Je me trouve dans la maison de la famille Kennedy, dans la réplique d'une ville du nom de Providence. Une fausse ville que mon père a construite dans le but d'offrir une réinsertion dans la société à des jeunes délinquants qui se sont égarés à cause de leurs situations familiales tragiques. Les désaccords que nous avons eus juste avant son décès prématuré... Non, avant son meurtre. Et mon plan pour me venger de celle qui l'a tué. Juliet Donovan. Je suis presque tenté de sourire en repensant à toute la souffrance que j'ai pu lui infliger, mais les souvenirs ne s'arrêtent pas là.

Je l'ai faite transférer à Providence sous une nouvelle identité, tout en m'assurant qu'elle devinerait que quelque chose ne tournait pas rond. Puis je me suis moi aussi infiltré dans cette famille fictive afin d'observer le développement de sa peur et de son désespoir. Elle devait mourir de mes propres mains, juste après l'extermination de tous les nuisibles qui peuplent l'île. Tout était parfaitement planifié et pourtant... Un détail crucial m'avait échappé. Juliet a été sauvée et j'ai... Les dernières images sont brèves, mais je me souviens parfaitement de ce que j'ai ressenti quand cette garce a plongé l'aiguille à l'arrière de mon oreille. La douleur sera probablement insoutenable. Elle s'est servie de mes propres mots contre moi. De mes propres méthodes. La douleur était bel et bien insoutenable, car j'ai perdu connaissance en une poignée de secondes. Et je suis toujours à Providence.

Merde, je dois absolument sortir de cette maison et... Mes pensées sont interrompues par de la musique provenant d'une autre pièce de la maison. Je ne suis donc pas seul ici. Tant mieux. S'il reste encore d'autres personnes sur l'île, alors il sera plus facile de trouver un moyen de s'échapper. J'imagine que les prisonniers sont partis à bord du ferry, mais si nous unissons tous nos forces, nous devrions pouvoir communiquer avec l'extérieur et dénicher un autre moyen de locomotion. Ces vermines ne paient rien pour attendre. Peu importe le temps que ça prendra, je veillerai personnellement à ce que chacun d'entre eux soit éliminé de la surface de la terre. Tout ce qu'ils ont réussi à faire, c'est attiser ma rage.

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