Chapitre 12 : Réunion

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Chaque nouvelle pièce du puzzle semble rendre mon passé encore plus mystérieux qu'il ne l'était déjà. Mais la dernière révélation est de loin la plus troublante. Sans davantage de contexte, il me sera impossible de comprendre ce que j'ai bien pu faire pour finir derrière les barreaux. Et j'aurai beau me creuser les méninges, les souvenirs continueront de n'en faire qu'à leur tête. Je ne peux ni contrôler le moment où ils refont surface, ni quelle partie de mon passé sera exhumée. Autrement dit, je n'ai pas d'autre choix que d'attendre que les réponses viennent à moi, aussi frustrant cela soit-il.

En attendant, les recherches sur Providence se poursuivent. Nous savons désormais que la ville est probablement peuplée d'autres détenus, mais nous ignorons encore la raison de notre présence ici. Nous ignorons encore beaucoup de choses, à vrai dire. Il va donc falloir rester attentifs tout en continuant de jouer les rôles qui nous ont été donnés. C'est pour cette raison que j'ai accepté de me rendre chez Jason pour une séance de révisions. J'admets avoir repoussé le moment où l'on se retrouverait seuls autant que possible, mais puisque je suis censée être sa petite amie, je ne peux pas risquer d'agir de manière anormale.

Nous sommes installés sur la grande table ronde dans la salle à manger, plusieurs manuels ouverts entre nous. Jusque-là, Jason s'est comporté comme le parfait gentleman. Il n'a pas tenté d'approche depuis le baiser qu'il a déposé sur ma joue lorsqu'il m'a ouvert la porte. Il s'est également assuré que je n'avais ni soif, ni faim, ni froid, tel un hôte irréprochable. Je commence à me dire que la situation n'est pas si compliquée à gérer que je ne l'imaginais lorsque j'entends la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer.

—    Papa ? dit Jason en tendant le cou vers l'arche reliant la salle à manger et le couloir. Je ne pensais pas que tu rentrerais si tôt.

En me tournant sur ma chaise en bois, je me retrouve face au shérif Redgrave. J'espérais ne pas avoir à le croiser, mais j'étais consciente du risque en venant ici. Je me suis peut-être porté la poisse en me disant que tout se passait étrangement bien.

—    Je suis venu récupérer des munitions dans l'armurerie, explique-t-il avant de diriger son regard vers moi. J'ignorais qu'on avait de la visite. Ça me fait plaisir de te voir, Imogen.

—    Moi aussi, shérif. On a rarement l'occasion de se croiser.

—    Je te l'ai déjà dit : pour toi c'est juste « Tom », pas « shérif ». On n'est pas dans une salle d'interrogatoire.

Je lui offre un sourire tout en secouant la tête, comme si je m'en voulais de l'avoir appelé par son titre officiel.

—    C'est un réflexe, dis-je. Je vais tâcher de faire plus attention à l'avenir, Tom.

—    Parfait, répond le père de Jason. Par contre, si tu commets un crime, ne t'attends pas à un traitement de faveur.

Je sens mon sourire s'évaporer en l'espace d'une seconde. Je suis consciente qu'il s'agit simplement d'une manière de me taquiner, mais le choix de ses mots me fait froid dans le dos. Étant donné ce que je sais sur cette ville, je ne peux pas m'empêcher de voir le mal partout.

—    Papa, arrête de l'embêter, réprimande Jason depuis l'autre côté de la table. Tu sais bien que tu fais peur à tout le monde avec ton uniforme et tes armes.

—    C'est la partie amusante de mon métier, rétorque le shérif. Laisse-moi en profiter un peu.

—    Tu es libre de le faire. Avec n'importe qui d'autre qu'Imogen.

Bizarrement, je ressens de la gratitude après l'intervention de Jason. Je ne suis pourtant pas en danger, mais ça me fait plaisir de voir que je peux aussi avoir des alliés quand je joue le rôle d'Imogen, même s'ils se trouvent parmi les personnes dont l'esprit est contrôlé. Ça ne m'aidera certainement pas à m'échapper d'ici, mais ça aura au moins le mérite de rendre mon séjour forcé un tout petit peu moins horrible.

Les marionnettesOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz