Chapitre 3 : Les excuses.

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Je me demande, quand même, ce qu'il y a écrit d'autres dans ce dossier le concernant. Quels sont les faits judiciaires qui lui sont reprochés ? Quels troubles psychiatriques lui sont constatés ?

Je me mets alors à lire son dossier. Mais mes yeux s'arrêtent sur un mot : meurtre. Il a tué. Plus précisément, il a assassiné sa mère par strangulation. Lire ce rapport me glace le sang. Le médecin lui a diagnostiqué un trouble bipolaire, qui se traduit par des épisodes maniaques et dépressifs. Le patient, Lorenzo Angelo Alberti, a des névroses obsessionnelles qui le mettent en état de crise. Un état qui l'a conduit à tuer sa propre mère.

Je regrette de plus en plus, de l'avoir appelé par son prénom. J'espère vraiment qu'il ne m'en tiendra pas rigueur. Cet homme me fait peur.

Tu m'étonnes qu'il reste une heure chez le médecin ! Il est complètement fou !

Ma pause se termine. Mon responsable me demande de déposer mes documents dans mon casier. Puis, il me montre alors la direction de la bibliothèque.

Arrivés sur place, rien de surprenant. C'est une pièce avec des étagères remplies de livres abîmés. Avec quelques sièges ici et là. Mais ce qui est singulier, c'est la couleur des combinaisons des détenus présents à l'intérieur.

- Pourquoi leurs combinaisons sont grises ? Lançai-je.

- Eux n'ont pas de troubles psychiatriques. M'explique Pierre.

- Ceux qui ont un trouble psychiatrique peuvent aller à la bibliothèque ?

- C'est plus compliqué. Il faut l'autorisation du docteur Zaligue. Puis comme leurs cellules sont constamment fermées, il faut qu'un surveillant les amène et les ramène, a une heure précise.

- Ils ne sortent jamais sinon ?

- Si, mais ils ont leur propre récréation. On évite un maximum de les mélanger avec les autres détenus. Ils pourraient constituer un danger pour eux ou pour les autres.

Une sonnerie l'interrompt. Il sort son téléphone et le regarde. Un message peut-être ?

Il reprend :

- Je suis désolé, on a besoin de moi à l'aile Sud. Tu peux continuer à surveiller ?

- Ah, euh oui bien sûr. Dis-je sans trop de conviction.

- Ne t'inquiète pas, il suffit simplement de rester là à les regarder lire. Et dès que le prochain surveillant arrive, tu vas chercher le détenu chez le médecin et tu le ramènes dans sa cellule. Puis, on se rejoint devant le réfectoire pour que je t'explique le fonctionnement des plateaux-repas.

J'acquiesce. Je n'ai pas vraiment le choix.

Je suis restée là, plantée, pendant 15 minutes. Ensuite, un autre surveillant est arrivé. Aymeric. Nous nous sommes vaguement présentés, puis je suis partie.

Je suis dorénavant devant la porte du docteur Zaligue, j'attends. Au bout d'une dizaine de minutes, la porte s'ouvre. Je suis face à Lorenzo. Je reste figée quelques secondes. Je n'arrive pas à détacher mon regard de son visage. Son aspect est si dur, si froid. Je suis surprise par sa cicatrice, sur sa joue. Elle n'y était pas sur la photo du dossier. Ce l'est-il fait ici ? En prison ? Je reste bouche bée face à ses yeux. Ils sont si clairs. D'un bleu-vert presque translucide.

Je me reprends et je souris au docteur. Après que ce dernier ait fermé sa porte, Lorenzo et moi, prenons le chemin de la cellule n°3. Qui se trouve être au fond de l'aile. Tout au fond.

Après quelques minutes de marche, qui entre nous, m'ont paru des heures, dans un silence de mort, je lâche :

- Je suis désolée.

Il s'arrête. Sans un mot.

Je reprends :

- Je ne savais pas qu'on ne devait pas t'appeler par ton prénom. Je suis désolé vraiment.

Il ne me répond toujours pas.

- Tu veux que je t'appelle comment ?

Il se retourne vers moi, me regarde, et me répond enfin :

- Angelo.

J'acquiesce et souris. Et nous reprenons la marche.

Arrivés à sa cellule, je lui demande :

- Pourquoi il fait aussi noir dans ta cellule ? Tout à l'heure, je te voyais à peine.

- J'aime l'obscurité, et puis moi, je te voyais.

Je ne sais vraiment pas quoi répondre.

- Tu n'aimes pas l'obscurité toi ? Reprit-il.

Je ne sais toujours pas quoi répondre.

- J'aime voir là où je marche quand même. Dis-je finalement.

- Je suis un peu déçu.

Je fronce les sourcils. Comment ça, il est déçu ? Et pourquoi ça me dérange ?

- Pourquoi ?! M'écriai-je un peu trop vite, à mon goût.

Il sourit.

- Parce que ça veut dire que tu es prudente et sage.

Je reste clouée au sol. Cette manière qu'il a de me regarder avec ses yeux translucides, me paralyse.

Je me reprends. Et change de sujet.

- Va dans ta cellule s'il te plaît.

Il y va, sans broncher. J'applique alors la procédure. Et lui enlève ses menottes dans le trou prévu à cet effet. Mais d'un coup, grâce à ce même trou, il m'attrape les mains. Je recule, un cri m'échappe.

- Pourquoi tu as fait ça ?! M'écriais-je, encore bouleversée.

Lentement, il retira ses mains des miennes, et se plaça en face de moi. Nous sommes à 30 centimètres l'un de l'autre. Il n'y a que la porte, transparante du sas qui nous sépare. Heureusement qu'elle est déjà fermée.

Puis il chuchote :

- Pour te souhaiter un joyeux anniversaire. Sarah.

La cellule n°3.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant