Je suis sous le choc.
Comment le savait-il?
Un silence angoissant s'installe. Je n'ose pas prononcer un mot. Alors, aussi rapidement que possible, je ferme la porte blindée.
Je suis en direction du réfectoire pour rejoindre Pierre. Mais je n'arrête pas de me demander comment Lorenzo, enfin Angelo, puisse être au courant. C'est impossible. Personne ne me l'a souhaité cette année, que ça soit ma famille ou mes amis. Et mes nouveaux collègues de travail ne peuvent pas le savoir, tout simplement, car c'est mon premier jour. Alors comment se fait-il que lui, soit au courant ?
Je vois Pierre au loin. Je cesse alors mes questionnements et me reconcentre. Il doit m'expliquer la procédure d'attribution des plateaux-repas.
- Tu en as mis du temps ! S'exclame mon responsable.
Mince.
- Désolée, j'ai dû attendre 10min que le docteur finisse avec son patient.
- Je te taquine, ne t'inquiète pas. Ca arrive souvent que les séances débordent un peu.
Je lui souris.
Il reprend.
- Donc, pour les plateaux-repas, tu vas directement voir Guillaume. C'est le responsable de la cafétéria au sein de notre établissement pénitencier. Il va te donner un chariot avec les plateaux-repas correspondant. De ce côté, tu as les menus sans viande, et de celui-ci, tu as les menus avec viande. Il faudra juste que tu regardes qui prend quoi. Me dit Pierre en me donnant la liste des régimes alimentaires des détenus de l'aile Est.
J'acquiesce. Puis Pierre me présente à Guillaume. Je dirais que c'est un homme d'une cinquantaine d'années. Avec des cheveux et une barbe poivre et sel. Nous nous présentons sommairement. Puis il me donne rapidement le chariot.
La distribution des plateaux commence.
C'est simple. On toque. On ouvre. Et on dépose.
J'appréhende la cellule n°3.
Pour aller plus vite, Pierre et moi avons partagé la liste des détenus. Il s'occupe du couloir gauche, tandis que je m'occupe du droit. J'espère secrètement qu'il s'occupera de Lorenzo, sa cellule se trouve au fond du couloir, ni à droite, ni à gauche, juste au milieu.
On arrive rapidement à la fin du couloir. Nous échangeons des banalités avec Pierre, mais je ne pense qu'à la cellule n°3. Qui de nous deux va distribuer son plateau-repas ?
La plupart des détenus prennent le menu avec de la viande. Ca ne m'étonne pas, je suis sûre qu'il y a des cannibales ici ...
Mon responsable me repose une question, je ne l'écoutais pas :
- Sarah ? Tu as déjà été surveillante dans une prison ?
- Non du tout. Répondis-je.
- Tu faisais quoi avant ?
- J'étais à l'école. C'est mon premier travail.
- Quoi ? Mais tu as quel âge ?! S'écria-t-il.
- 18 ans. Aujourd'hui même pensais-je.
- Ca ne me rajeunit pas ça. Dit-il en donnant le dernier plateau à la dernière cellule.
Je ne pus m'empêcher de sourire. Il avait distribué le repas à Lorenzo. Invraisemblablement, Pierre avait donné un menu végétarien. Je suis surprise. Je ne m'y attendais pas. Il peut tuer sa propre mère, mais pas manger de la viande. Intéressant.
Maintenant, on doit attendre 12 h 30 pour reprendre tous les plateaux.
Une fois les plateaux vides et les portes refermées, c'est l'heure de ma pause-déjeuner.
Je rejoins rapidement Milla à la salle commune. Elle me questionne sur mon premier jour, et me demande si cela me plaît. Je réponds simplement. Et ne l'informe pas de ma discussion avec le prisonnier de la cellule n°3.
Ma pause étant bientôt terminée, je regarde mon planning de l'après-midi.
A 14 h, je dois amener les détenus à leur récréation. A 16 h, je dois les ramener. A 16 h 30, je dois amener les différents prisonniers autorisés dans leur salle de loisir respective. Puis, à 17 h, commence mon quart de surveillance à la salle de sport. A 17 h 15, je ramène les derniers détenu. A 17 h 30, je prends ma dernière pause. A 18 h, je donne le dernier repas de la journée. Et enfin, à 19 h, je les reprends, ma journée est terminée.
C'est donc l'heure de la récréation.
Pierre me rejoint, et m'explique qu'il faut aller chercher les détenus un par un.
La procédure est simple, on va d'abord chercher un détenu, puis on l'emmène directement dans la Cour. Ensuite, on va chercher un autre détenu et ainsi de suite.
Le premier sur la liste est Liam, comme habituellement.
On arrive rapidement à, ce qu'appelle Pierre, la Cour. Ca ressemble plutôt à une arène. En effet, ça a la forme d'un demi-cercle et on est en extérieur. La "Cour" est exclusivement réservée aux détenus. Nous n'y rentrons pas. Des gardes armés surveillent déjà à l'intérieur.
Puis on va chercher les autres, un par un.
Ensuite, Pierre et moi, restons sur un banc à l'extérieur de la Cour, comme si nous étions sur les gradins d'une arène, à regarder les détenus à travers le grillage.
Je ne peux m'empêcher de regarder Lorenzo. Il fume. Il me fixe lui aussi. Nous ne nous quittons pas du regard. Il m'intrigue tellement. Je veux savoir. Je veux savoir comment il a su pour mon anniversaire. Mais pas seulement. Je veux tout savoir de lui.
A un moment, Pierre me propose un café. Je lâche mon regard de Lorenzo, pour regarder mon interlocuteur. Et je décline.
- Très bien, je vais en chercher un pour moi. Me dit-il.
J'essaie de recroiser son regard, mais en vain. Il est parti. Mais où est-il ?
A peine, après m'être posée la question, je le vois. En face de moi. Juste derrière le grillage.
Il me fixe, et je le fixe. Une question me brûle les lèvres.
- Comment as-tu su, Angelo ?
