Chapitre 22 : La fierté.

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« Si je n'étais pas un détenu, et toi, une surveillante, cette porte qui nous sépare n'existerait pas, et je t'embrasserai un millier de fois. »

Cette phrase résonne et se répète dans ma tête. Je n'arrête pas d'y penser, et d'y repenser.

Qu'est-ce que j'ai répondu ?

Je ne sais plus.

Est-ce que j'ai répondu ?

Je ne sais pas.

Je me rappelle la chaleur qui m'a submergé, mon rire embarrassé, la rougeur qui a teinté mes joues, et l'accélération de mon rythme cardiaque.

Qu'a-t-il pu penser de moi ?

Heureusement, nous étions enveloppés par l'obscurité.

Je ne sais pas combien de temps, je suis restée figer devant lui.

Bouche bée.

Comme eux.

Oui, comme mes collègues à cet instant.

Ils ont appris la nouvelle, le directeur vient de la partager solennellement dans la salle de pause. Devant tout le monde, avec moi à ses côtés, bien droit et à haute voix, il a dit que « Dorénavant Sarah s'occupe personnellement des séances de discussions de Monsieur Alberti, et ce jusqu'à nouvel ordre. »

Leurs bouches se sont décrochées de leurs mâchoires face à la nouvelle annonce.

Immédiatement, tous les regards se sont tournés vers moi. J'entends déjà mon nom à voix basse. Ça jacasse... Mes oreilles sifflent.

« Pauvre docteur Zaligue. »

« Pourquoi elle ? »

« Qui va faire le travail de Sarah pendant cet entretien ? »

« Est-ce qu'elle est promue ? »

« Mais elle vient à peine de terminer sa période d'essai. »

« Elle est payée plus ? »

« Pourquoi ce n'est pas le docteur ? »

« Mais elle vient d'arriver. »

« Ils vont être seuls ? »

Étant trop absorbée par les chuchotements, je ne remarque pas immédiatement la disparition de Monsieur Monêtre. Je constate son départ qu'au moment où j'aperçois Milla m'approcher dangereusement.

- COMMENT ÇA SE FAIT ? Me presse-t-elle de lui répondre.

- Je, je ne sais pas. Dis-je en bégayant.

- Mais pourquoi tu remplaces le docteur ?? Demande-t-elle vivement.

- C'est, c'est le détenu qui a demandé et le directeur qui a accepté, c'est tout. Dis-je en me concentrant petit à petit.

- C'EST TOUT ?! Tu te fiches de moi Sarah ?! S'exclame Milla.

- Quoi ? Répondis-je toute confuse.

Pourquoi est-elle si énervée ?
Pourquoi fait-elle une esclandre ?

- Premièrement, tu appelles le détenu par son prénom ! Deuxièmement, tu te maquilles pour la première fois le même jour de la sortie du fameux détenu, COMME PAR HASARD ! Et maintenant tu vas avoir des séances de discussions seule avec lui ?! Ça fait beaucoup là ! S'écrie Milla.

Je suis sous le choc. Mais pour qui se prend-elle ?!

- C'est vraiment suspect ma belle. Finit-elle par dire plus doucement.

C'est la goutte de trop.

- Mais ça ne va pas Milla ?! Tu te prends pour qui pour me « suspecter » ?! Dis-je folle de rage.

Je ne la laisse pas le temps de me répondre que je reprends.

- PREMIEREMENT, je l'ai appelé UNE fois par son prénom, UNE FOIS, comme je le faisais avec TOUS LES AUTRES DÉTENUS Milla ! Chose que je n'ai plus jamais faite après ta remarque ! M'exclamais-je en insistant sur certains mots.

- DEUXIÈMEMENT, je me suis maquillée parce que je fête la fin de ma période d'essai CE SOIR avec ma famille ! Alors arrête de SPECULER et de te MÊLER DES AFFAIRES QUI NE TE REGARDES PAS ! Dis-je avec acharnement.

- ET ENFIN, par trop suspecter les personnes qui t'entourent, c'est toi qui deviens trop suspecte MA BELLE ! Finis-je par dire.

Après cette tirade, je ne lui laisse pas l'occasion de se justifier et m'en vais théâtralement de cette pièce en claquant la porte.

Non mais sérieusement, pour qui elle s'est pris celle-là ?

Sherlock Holmes ? Certainement.

Bon alors, est-ce que je l'ai appelé qu'une fois par son prénom ?

Non.

Est-ce que je vais vraiment fêter la fin de ma période d'essai ce soir ?

Non.

Est-ce que j'ai menti ?

Oui.

Est-ce qu'elle le méritait ?

Complètement !

Sincèrement, ça ne la regardait pas. J'espère que cette altercation ne remontra pas jusqu'aux oreilles du directement. Mais pour l'instant, je suis assez fière de moi d'avoir eu du cran et de lui avoir dit ses quatre vérités.

Je me fiche de ce que les autres disent à mon sujet !

En-tout-cas, je ne jouerai pas la carte de l'hypocrisie ! Bien que certaines personnes jugent ces séances de discussion comme étant trop douteuses, trop suspectes, je les mènerai à bien !

Comme Lorenzo l'a souligné, je suis sa surveillante, et lui, mon détenu. Et c'est ainsi que les choses resteront.

L'essentiel est qu'il se confie, qu'il se livre et qu'il se libère.

Malgré cette phrase qui résonne constamment dans ma tête : "Si je n'étais pas un détenu et toi, une surveillante, cette porte qui nous sépare n'existerait pas, et je t'embrasserais un millier de fois", une réalité demeure incontestable : cette porte est toujours présente.

La cellule n°3.Where stories live. Discover now