Chapitre 10 : La collègue.

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- Tu penses au docteur Zaligue ? Demande Milla intriguée.

- Oui. Enfin non. Je veux simplement dire qu’il n’y a pas que les surveillants. Bafouais-je.

- C’est vrai. Elle semble réfléchir et reprend :

- Ce n’est vraiment pas bête quand même de suspecter le médecin.

- Pourquoi ?

- Parce qu’il est en contact direct avec les détenus de l’aile Est.

- Oui. Et en plus, il reste au moins une heure avec Lorenzo. Rajoutais-je.

- Lorenzo ?

Mince, j’étais tellement absorbée par notre pseudo-enquête que je n’ai pas fait attention à mes mots.

J’essaie de rester impassible. Comme si de rien n’était, je réponds alors :

- C’est le détenu qui a été transféré au trou.

- Oui, j’avais compris merci. Mais tu l’appelles par son prénom Sarah ? Me demande-t-elle très sérieusement.

- Tu veux que je l’appelle comment ? Dis-je comme si je ne comprenais pas le sens de sa question.

- Tu l’appelles détenu, prisonnier, ou tout au plus, par son nom de famille Sarah. Jamais plus. C’est trop familier le prénom. Fait attention, tu ne dois pas être trop proche de tes détenus, surtout en tant que femme. Tu es leur surveillante.

Évidemment que je ne dois pas être trop proche des prisonniers.

Mais c’est déjà trop tard.

Et elle ne doit surtout pas le remarquer.

Je joue alors la carte de la jeune fille un peu bébête et perdue :

- Ah pardon. Je ne savais pas. J’ai déjà vu Pierre appelé un détenu par son prénom, je pensais pouvoir faire pareil.

J’essaie par tous les moyens de m’en sortir, quitte à balancer Pierre. Après tout, il ne risque rien, c'est le chef du service.

- Pierre est responsable, c’est différent. Il sait avec qui et quand il peut se le permettre. Tu es là depuis à peine deux jours, tu dois faire attention. Elle s’est radoucie, mais elle reprend :

- Et ce n’est sûrement pas avec ce détenu qu’il a été familier.

- Pourquoi tu dis ça ?

- Parce que lui est vraiment dangereux. Dit-elle en reprenant son air grave.

Je sais qu'il est dangereux, mais j’ai envie d’en savoir plus. Cependant, je ne veux pas qu’elle me soupçonne davantage. Alors, je ne la questionne pas plus à propos de Lorenzo.

- Oui, tu as raison. C’était avec Liam qu’il était un peu plus proche, pas ce détenu. Dis-je avec un sourire que je veux naturel.

- Oh Liam ! Tout le monde adore Liam ! Quand tu m’as dit que Pierre avait appelé un détenu par son prénom, ça m’a étonné. Mais je comprends mieux maintenant ! Dit-elle enjouée et visiblement soulagée.

- Tu connais Liam toi aussi ? Demandais-je intriguée qu’elle connaisse un détenu de l’aile Est.

- Oui, tout le monde le connaît. Quand il manquait du personnel dans l’aile psy, il y a quelques mois, quasiment tous les surveillants ont été réquisitionné. Et tous ont adoré Liam ! Un vrai soleil.

- Ah d’accord.

Je ne dis rien, mais je n’en pense pas moins.

Ils peuvent être proches d’un détenu si celui-ci est « solaire » ? C’est du favoritisme. Peu importe sa personnalité, il n’en reste pas moins un détenu, comme Lorenzo.
Me reprendre alors qu’ils font pareil avec Liam, est hypocrite et injuste envers les autres.

Mais je ne dis rien.

Milla conclus enfin :

- Ne t’inquiète pas, je ne vais pas le dire. Tu ne le savais pas. Il ne faudrait pas qu’on pense que tu es trop proche d’un détenu, surtout celui-ci.

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression qu’elle se veut menaçante. Veut-elle me faire peur ? Pense-t-elle avoir quelque chose contre moi, qu’elle pourrait utiliser ?

Je ne laisse rien paraître quant à mes doutes.

- Merci beaucoup, c’est très gentil Milla.

Mes remerciements marquent la fin de notre conversation. J’espère qu’elle n’a pas remarqué mon manque de sincérité.

Je ne saurais l’expliquer, mais j’ai un mauvais pressentiment avec elle. Elle me semble tout d’un coup très hypocrite et fausse. Voir même mesquine. Une sorte de source à problèmes.

Intérieurement, je suis soulagée de ne pas m’être livré sur Lorenzo avant.

Dorénavant, je l’éviterais.

Paranoïaque, vous pouvez penser.

Prudente, je dirais.

14 h sonnent bientôt.

Ma pause-déjeuner touche à sa fin. Je dois amener les détenus à leur récréation.

Je me lève donc, mais Pierre entre dans la salle et me fait signe de me rasseoir.

Il demande le silence et de façon très solennelle, il prend la parole :

- Bonjour à ceux que je n’avais pas encore vus. Je voulais simplement vous annoncer de vive voix qu’aujourd’hui est mon dernier jour au sein de cet établissement.

Il marque une pause.

- Je viens d’être licencié pour faute grave. Le directeur pointe du doigt mon manque de vigilance quant aux écarts de conduite des détenus de l’aile Est. Je viens simplement vous avertir de mon départ. Je vous souhaite à tous une bonne continuation. Finit-il par dire.

En guise de réponse, son auditoire applaudi. Peut-être pour lui apporter du soutien ? Certains se lèvent même. D’autres vont le voir.

Moi, je reste sur ma chaise, figée. Je suis encore sous le choc.

Finalement, c’est Pierre qui s’approche de moi.

Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, il me lâche d’un air sévère :

- Le directeur t’attend dans son bureau.

La cellule n°3.Where stories live. Discover now