Chapitre 40 : La suggestion.

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Je ne comprends pas.

Est-ce simplement un abus de langage ? Car il n'avait jamais remis en cause ce diagnostic. Jamais.

Ni le docteur, ni Lorenzo d'ailleurs.

- Docteur ?

- Oui ?

- Pourquoi vous avez dit « possible » ? Ce n'est pas certain ? Demandai-je de but en blanc.

- C'est son diagnostic. Me dit-il simplement.

Il évite la question.

- Pas le vôtre ?

Il sourit.

- Je ne l'ai pas diagnostiqué, en effet. C'est un pair qui l'a fait pendant son procès. Mais parfois, je me demande s'il ne s'est pas trompé. Avoue-t-il.

- Comment ça ? Demandai-je curieuse.

- Cela fait plusieurs années que je le suis, et il ne m'a jamais démontré le contraire, mais il ne me l'a jamais confirmé non plus.

- Vous avez des doutes ?

- Parfois. Se confesse-t-il.

Je suis étonnée qu'il le dise.

- Mais c'est vous qui m'aviez dit qu'il était bipolaire, violent, et qu'il avait des épisodes maniaques.

- Je ne fais que répéter le bilan qu'on lui a donné. Je ne pense pas qu'il ne soit pas malade, je pense qu'il y a une erreur de diagnostic. C'est pour ça que j'aimerais que vous soyez précise dans vos prochains rapports s'il vous plaît.

- D'accord, mais qu'est-ce que ça changerait ?

- Pardon ?

- Pourquoi vouloir changer son diagnostic ? Qu'est-ce qui serait différent ?

- La peine, Sarah. La peine. Dit-il en partant.

Dorénavant seule dans le couloir, je ne peux m'empêcher de me demander, dans quel sens ?
Dans quel sens la peine changera ? Elle sera raccourcie ou allongée ?

En réalité, je crois avoir déjà trouvé la réponse.

Je décide de me reprendre. Quelle heure est-il ?

10 h 08.

Je me dirige donc vers l'aile Est.

J'y trouve rapidement un jeune garde blond. Je devine que c'est Bryan.

Je comprends que c'est lui qui m'a remplacé ce matin.

De loin, il me sourit.

Poliment, je lui demande s'il va bien. Poliment, il me répond.

Je constate un certain malaise.

Peut-être à cause de la veille. Le soir où il nous a écouté, Milla et moi. Il ne devrait pas être gêné, je ne lui en veux pas.

- J'ai eu la confirmation que Milla avait menti. Lui dis-je en espérant que cette information détende l'atmosphère.

- Comment ? Me demande-t-il soudainement très curieux.

Je décide de contourner sa question.

- Elle aurait, apparemment, couché avec vraiment beaucoup de détenus. Répétai-je en amplifiant quelque peu les propos du détenu.

- Mais elle n'a jamais été avec Lorenzo. Finis-je par dire à Bryan.

- MAIS NON !?! S'exclame-t-il.

- MAIS SI !!!

Plus aucun malaise. Juste deux commères dans un couloir.

Parfait.

- COMMENT TU SAIS ?!

J'évite encore la question.

- ELLE A MÊME COUCHÉ AVEC LIAM !!!

- TU MENS ?!?

- JE TE JURE !!

Pendant toute l'heure, la conversation n'a tourné qu'autour de cela. En fait, nous nous sommes plus moqués qu'autre chose, pour être honnête.

Mais pour ma défense, c'est Bryan qui a commencé en imitant Milla.
Mais je dois admettre que j'ai quand même beaucoup ri. Vraiment beaucoup.

Bryan m'a aussi expliqué qu'il avait emmené les détenus chez le médecin pendant ma séance avec Lorenzo. Cependant, le médecin était parti. J'ai rapidement compris qu'il faisait référence au moment où le médecin était venu pour le rapport.

L'atmosphère a beaucoup changé, de celle qui était imprégnée de malaise, elle est nettement plus détendue, peut-être même un peu trop pour se concentrer sur le travail.

Il est déjà 11 h 00, c'est donc l'heure de la pause. Même si, pour être franc, nous étions déjà en train de la prendre.

Oups.

En se dirigeant vers la salle de pause, Bryan me questionne un peu.

Beaucoup.

Trop.

J'y réponds sommairement, en contournant parfois.

Pourquoi j'ai choisi ce métier ? Et est-ce qu'il me plaît ?

Je ne sais pas.

Dans quel lycée j'étais ?

Pas le sein.

Quel est mon signe astrologique ?

Lion.

Que font mes parents ?

À la retraite.

Est-ce que j'ai un animal de compagnie ?

Non.

Qu'est-ce que je fais en dehors du travail ?

- Trop rien. Répondis-je à sa dernière question, lasse.

- Tu n'as personne ? Continua-t-il.

- Non, je vis seule. Dis-je en voyant, enfin, l'entrée de la salle de pause.

- Si tu veux, on peut se retrouver ce week-end pour aller au cinéma ?

Je m'arrête. Je ne l'avais pas vu venir.

- Sortir ?

- Oui, au cinéma ou ailleurs.

Je crois que c'est la première fois qu'on m'invite à sortir.

Mais je n'arrive pas à saisir son intention.

- Juste nous ? Clarifiai-je.

- Oui, sauf si tu veux qu'on invite d'autres collègues. Sarah, ça fait trois mois que tu es là, et nous ne nous sommes jamais vus en dehors du travail. Il faut qu'on sorte ! S'exclame-t-il.

Je ris doucement.

- J'hésite. Avouai-je.

- Pourquoi ?

- Ça serait une sortie entre amis ou un date ? Demandai-je explicitement.

Au rouge de ses joues, je devine qu'il n'avait pas anticipé ma question.

Peut-être, espérait-il maintenir un certain doute ?

- Ce sera ce que tu aimerais que ce soit.

La cellule n°3.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant