Chapitre 5 : La question.

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Il me sourit. Mais il ne me répond pas.

- Tu ne m'as pas donné mon plateau tout à l'heure.

Il contourne ma question.

- Non.

- Tu m'évitais ?

- Non, c'était une coïncidence.

- Tu en es sûre ?

- Oui. Je marque une pause et reprends :

- Tu peux répondre à ma question ?

Il sourit encore.

- Pourquoi je ferais ça ?

- Pourquoi pas ? J'ai répondu à tes questions, a ton tour maintenant.

- D'accord. Répond-il simplement. Et ajoute :

- Je ne répondrais qu'à une seule question, choisis là bien.

D'un coup, j'hésite. J'ai la possibilité de lui poser n'importe quelle question, sur n'importe quel sujet. Je pourrais choisir d'aborder son crime. Ou lui demander pourquoi il ne veut pas qu'on le nomme Lorenzo. Ou encore l'interroger sur l'origine de sa cicatrice sur sa joue. Ou même le questionner sur son enfance. Il y a tellement de possibilités.

- Alors ? Reprit-il.

- Comment as-tu su pour mon anniversaire ? Dis-je.

Plus tard, je regretterai peut-être d'avoir posé la mauvaise question. Mais à cet instant, rien ne m'intriguais plus que ça.

- J'ai vu ton C.V. sur le bureau du docteur, et il y avait ta date de naissance dessus.

Je ne sais pas pourquoi, mais je suis déçue. Sa réponse n'a rien d'étonnant. Et j'aurais dû m'en douter. Sérieusement, je m'attendais à quoi ? Qu'il m'ait espionné ? Je ne suis pas dans un film. Retour à la réalité.

- D'accord. Finis-je par dire.

Ses sourcils se froncent.

- Tu es déçue ?

Je choisis la carte de la vérité et réponds simplement.

- Oui.

Il tique. Il ne s'attendait peut-être pas à tant d'honnêteté. Ou tout simplement, à cette réponse.

Je sens qu'il allait ajouter quelque chose, mais rien ne sortit de sa bouche. Je me retourne et vois Pierre revenir. Lorenzo avait alors disparu.

Pierre me parle, mais je ne l'écoute pas. Je ne peux m'empêcher de penser à la réponse de Lorenzo. Je me sens tellement bête, vraiment stupide. On dirait une pauvre fille à qui on a donné un minimum d'attention et qui en a fait toute une histoire. J'ai honte.

16 h arrivent plus rapidement que je ne l'avais pensé.

On ramène donc un par un les détenus, en commençant par Liam. Quand vient le tour de Lorenzo. Je n'ose même pas le regarder, je reste silencieuse et baisse la tête. Je suis toujours autant embarrassée.

Maintenant, Pierre m'explique qu'il faut aller chercher la liste des détenus autorisés à aller dans une des salles de loisir de la prison, auprès du docteur Zaligue. C'est une liste qui change tous les jours.

Nous toquons à la porte du cabinet.

- Entrez ! S'exclame le médecin.

Nous entrons.

Le docteur est assis à son bureau, devant son ordinateur.

- Je vous attendais. J'ai mis la liste sur l'étagère. Dit-il sans lâcher son ordinateur des yeux.

Je ne pus m'empêcher de regarder s'il y avait toujours mon C.V. sur son bureau. Mais Pierre va directement chercher la liste, et remercie le docteur. Je n'ai rien pu voir.

Il me lance :

- Alors, Sylvestre Rosasse est autorisé à aller à la bibliothèque. Ensuite, Yanis Moussaoui est autorisé à aller à la salle de jeu. Et enfin, Lorenzo Angelo Alberti est autorisé à aller à la salle de sport. Dit Pierre en lisant la liste du médecin.

Moi qui pensais en avoir fini avec Lorenzo aujourd'hui... Raté.

On revient alors sur nos pas, pour d'abord amener Sylvestre à la bibliothèque. Des surveillants l'y attendent.

Sylvestre est un jeune homme d'apparence plutôt joufflu. Son crime ? Vol avec violence grave sur personne âgée. Son trouble ? La schizophrénie.

Ensuite, on va chercher Yanis.

Yanis est un homme d'une quarantaine d'années, contrairement à Sylvestre, il est assez maigre. Son délit ? Sévices sur animaux. Sa maladie ? Trouble du spectre autistique.

Et enfin, Pierre et moi allons rouvrir la porte de la cellule N°3. Celle de Lorenzo Angelo Alberti, mon préféré malgré moi.

Il est toujours aussi grand, aussi imposant et aussi beau. Mais il est toujours, par la même occasion, un meurtrier bipolaire.

Nous l'emmenons à la salle de sport. Puis nous lui mettons des menottes avec des chaînes plus longues.

Je réalise que mon quart de surveillance dans cette même salle est à 17 h. Donc dans 20 minutes.

Pierre me lance :

- On peut rester ici, si tu veux ?

Je réponds :

- Oui, comme ça, je pourrais faire mon quart de surveillance directement.

Il acquiesce, et reprend :

- Et si on faisait un petit point sur ta première journée ?

J'appréhende, mais je déclare :

- Oui bien sûr.

Il commence.

- Alors, qu'as-tu pensé de cette journée type ? Tu te sens de faire toutes ses tâches seules dorénavant ? Ou tu veux que je t'accompagne encore demain ? Me questionne-t-il.

- Ça allait merci et oui je pense. De toute manière, j'ai mon planning pour ne pas me perdre dans mes tâches quotidiennes.

- Super, tu as des questions sur les plateaux-repas ? C'est toujours la même chose, mais, si tu en as, tu n'hésites pas ! S'exclame-t-il gentiment.

Je le remercie encore.

- Donc je peux te laisser toute seule ? Je termine généralement vers 17 h.

- Oui, évidemment, allez-y. Répondis-je.

- Très bien, on se voit demain alors ? Je serais déjà là quand tu arriveras, mon service commence à 6 h.

- Ok à demain alors. Dis-je en souriant.

Et il partit.

Je me retourne pour regarder la salle de sport. Il y a très peu de monde, en fait il n'y a plus que Lorenzo, un autre surveillant et moi. C'est une salle avec au fond un mur entier en miroir. Dans le reflet, je remarque Lorenzo. Il est torse-nu, en train de travailler ses muscles. C'est à ce moment précis que je remarque l'étendue de tous ses tatouages. Tout son corps est tatoué. On voit une énorme tête de mort orné d'ailes d'ange dans son dos. Des serpents sur ses bras. Un visage sur son torse et une date sur son cou. L'ancre de ses tatouages ne laisse que très peu place à sa peau. Je me demande quelles significations ils peuvent avoir.

Il remarque que je le fixe. Et ce mets à son tour à me fixer. L'atmosphère autour de nous change.

17 h sonnent, mon tour de garde commence, nous sommes dorénavant seuls.

La cellule n°3.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant