Chapitre 21 : Le regret.

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- Je vous demande pardon ?! Mais elle n'a aucune qualification ! S'exclame le docteur.

- Je vous en prie ne le prenez pas mal Monsieur Zadigue. Je demande simplement à Sarah d'animer des séances de discussions avec le détenu Alberti. Il ne s'agit pas de séances de psychanalyse. Il semble simplement être plus enclin à parler avec elle qu'avec vous. Répond-il calmement le directeur.

- Donc c'est pour le bien du détenu ? Pas pour l'enquête ?! Lâche sarcastiquement le médecin.

- L'un n'empêche pas l'autre. Avoue Monsieur Monêtre.

Le docteur répond. Le directeur surenchéri. Encore et encore.

Spectatrice je suis.

L'impression de ne pas exister me prend aux tripes. Me voient-ils ?

Je suis assise, là, devant deux hommes qui se querellent. Querelle qui a pour objet des séances que JE dois animer. Et pourtant aucun d'eux ne m'a demandé mon avis, ni même sollicité mon point de vue.

Je n'entends plus rien. Non. Je n'écoute plus rien. Je vois qu'ils se disputent encore. Il est évident qu'ils sont en désaccord. Les gestes sont animés, les bras s'agitent, j'entends même une porte claquée.

- Sarah ?

Je n'entends rien.

- Sarah ?

Je suis perdue dans mes pensées.

- SARAH ?! S'époumone le directeur.

Visiblement, c'est le docteur qui est parti.

- Pardon ? Vous m'avez appelé ? Me ressaisis-je.

- Je vous demandais si ça vous dérangeait de faire les séances directement dans sa cellule ?

- Pourquoi dans sa cellule ? Je suis perdue.

- Le docteur Zadigue ne veut pas vous laisser son bureau et nous n'en avons pas d'autre Mademoiselle. Il ne reste plus que sa cellule.

- D'accord. Dis-je sans trop comprendre la portée de ma décision.

Vais-je être seule avec lui dans la cellule n°3 ? Dans cette cellule si sombre, si froide.

- Parfait. On a deux possibilités. Soit, il reste libre dans sa cellule et vous dans le SAS. Soit, vous allez à l'intérieur de sa cellule, mais on le menotte à la table.

- Il y aura un garde ? Demandais-je sans répondre à sa précédente question.

- Non, nous sommes en sous-effectif malheureusement. Mais en appliquant la bonne procédure, il n'y a aucun risque.

- D'accord.

- Donc vous avez compris ? Le docteur Zaligue vous donne une trame, avec des questions. Et ensuite, vous venez nous faire un rapport. C'est clair ?

J'acquiesce.

Mais je suis encore perdue. Perdue par ce qu'il vient de se passer, par ce que je viens de faire, par ce que je viens d'accepter.

Comment j'en suis arrivée là ?

Avant de refermer la porte du bureau derrière moi, je lance une dernière question.

- Monsieur Monêtre, qui va lui dire ?

- Pardon ?

- Qui va dire au détenu que c'est moi qui vais faire ses séances maintenant ?

- Vous pouvez aller lui dire si vous voulez, il est dans sa cellule.

- D'accord merci.

Je le salue une dernière fois. Et je m'en vais en direction de sa cellule.

Pourquoi je veux lui dire ?

Pour observer sa réaction. J'ai une certaine appréhension.

Puisqu'il regrette déjà notre baiser, comment va-t-il réagir ? Je n'ose pas l'imaginer.

Je suis déjà devant sa porte.

Je l'ouvre.

Et j'entre dans le SAS.

Lentement, mes yeux s'habituent à l'obscurité de la pièce.

- Angelo ?

- Oui ?

La rapidité de sa réponse m'a surprise. En effet, son habitude est plutôt de me faire languir avant de répondre.

- J'ai quelque chose à t'annoncer. Dis-je toute tremblante.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Le son de sa voix révèle clairement sa curiosité. Je crois même qu'il se lève pour se placer juste devant moi.

Face-à-face, nous sommes.

- Sarah ?

Je ne réponds pas tout de suite. Je cherche les mots appropriés. Et il le remarque.

- Ils savent ? Ils t'ont viré ?? Dit-il soudain très inquiet.

- Ah non du tout ! Ne t'inquiète pas. Je, je voulais simplement te dire que je remplaçais le docteur Zaligue dorénavant.

Naturellement, je me rapproche de la porte transparente qui nous sépare.

- Comment ça ? Me demande-t-il.

- Le directeur a décidé que tu ne ferais plus tes séances de psychanalyse avec le docteur, mais que tu ferais des séances de discussions avec moi.

Il ne dit rien.

- Dans ta cellule. Rajoutais-je.

- D'accord. Répond-il finalement.

- D'accord ?

- Oui d'accord.

- Tu es sûr Angelo ?

- Oui, pourquoi ?

- Je craignais ta réaction. Avouais-je.

- Pourquoi Sarah ?

Je baisse la tête.

- Tu n'as pas aimé notre baiser. Donc je pensais que tu serais contre de passer du temps avec moi... Dis-je honteuse.

À son tour, il baisse la tête.

- Putain Sarah. Souffle-t-il.

- Je ne regrette pas notre baiser parce que je ne l'ai pas aimé, au contraire... Dit-il.

- Pourquoi alors ? Demandais-je, confuse.

- Sarah, c'est une prison. Je suis un détenu et tu es une surveillante. C'est trop risqué pour toi, ils pourraient te virer. Et, je ne peux pas risquer de te perdre, je n'ai que toi. Chuchote-t-il presque.

Je n'ai pas le temps de répondre qu'il ajoute autre chose.

- Si je n'étais pas un détenu, et toi, une surveillante, cette porte qui nous sépare n'existerait pas, et je t'embrasserai un millier de fois.

La cellule n°3.Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt