Chapitre 14 : Le jour J.

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Décembre.

Nous sommes le 1er décembre.

Trois mois se sont écoulés depuis l'isolement de Lorenzo. Trois mois qu'il est seul.

D'après Milla, il ne veut rien dire, rien dévoiler sur l'acquisition de son téléphone. L'enquête est au plus mal. Mais ils ne peuvent pas le garder indéfiniment à l'isolement, il y a des lois. D'après le règlement de cet établissement, un détenu ne peut être isolé plus de 90 jours consécutifs pour une même faute. Et c'est la première fois, dans toute l'histoire de ce pénitencier, qu'un détenu atteint la limite.

Alors, je me demande dans quel état va-t-il revenir ?

Car après avoir passé trois mois sans avoir vu la lumière du jour, sans avoir pu dormir correctement, dans 4 m2, complètement seul, on ne peut pas revenir indemne.

Milla m'a déjà décrit l'état des autres détenus qui sont revenu après un mois à l'isolement. Et ça ne m'a pas rassuré. Elle les a dépeints amaigrit et fatigué, qu'ils étaient plus que l'ombre d'eux même. En clair, des loques humaines. Alors je n'ose pas imaginer Lorenzo après avoir passé trois mois dans ce trou.

Mais peu m'importe dans quel état il va revenir. Le plus important, c'est qu'il revienne.

Et il revient aujourd'hui.

En effet, il a été incarcéré le 2 septembre. Et aujourd'hui, nous sommes le 1er décembre. Ainsi, 90 jours se sont écoulés.

Il est actuellement, 5 h 53 du matin, et je n'arrive pas à contenir ma joie !

Il revient enfin !

Mon réveil ne sonne que dans une heure, mais je décide de me lever et de me préparer.

J'ai d'abord pris un énorme petit-déjeuner. Ensuite, contrairement à ma routine, j'ai décidé de me maquiller. Un maquillage léger, mais un maquillage quand même. Après quelques minutes, je suis prête.

Comme prévu, je suis en avance.

Alors je décide de partir au travail, et je profite de cette avance pour aller chercher des viennoiseries pour toute l'équipe.

Je suis d'humeur généreuse aujourd'hui.

J'arrive vers 7 h 45.

Je pose toutes mes viennoiseries sur la grande table.

Je salue tout le monde.

Beaucoup me remercient pour les croissants. Tandis que d'autres, me demande pourquoi une telle attention. J'ai prétexté la fin de ma période d'essai.

Mais en réalité, je fête son retour.

Milla s'approche de moi et me demande :

- Tu apportes des viennoiseries et tu t'es maquillé... Me dit-elle en faisant mine de m'inspecter. Et tu es de bonne humeur. Tu as un rencard ?! Affirme-t-elle.

- Non, du tout, c'était simplement pour fêter la fin de ma période d'essai. Dis-je timidement.

- Ce n'était pas hier la fin de ta période d'essai ?

Elle sait toujours tout.

- Si, je m'en suis rendue compte hier soir, j'avais complètement oublié !

J'ai l'impression qu'elle doute constamment de moi, qu'elle se méfie, qu'elle me surveille.

- Donc tu n'as pas de rencard ?

- Non pas de rencard Milla. Je fais mine de regarder ma montre. Il est bientôt 8 h, je vais me mettre en poste. A tout-à-l 'heure ! Dis-je en changeant de sujet.

Je n'ai pas confiance en elle.

8 h sonnent et j'attends devant le réfectoire.

J'ai tellement hâte d'arriver devant la cellule n°3. De lui demander comment il va. De lui demander comment ça s'est passé. D'être là pour lui, comme lui a été là pour moi le jour de mon anniversaire. D'être une épaule sur laquelle il peut s'appuyer, même si je doute qu'il le fasse.

Depuis que j'ai appris pour son père, j'ai une certaine peine pour lui. Donc, avant tout, je lui demanderais sincèrement comment il va. En effet, toutes les questions qui m'obsédaient me paraissent aujourd'hui futiles.

Alors, oui, j'aimerais savoir pourquoi il m'a fait parvenir ce colis le jour de mon anniversaire, et comment il a fait pour l'envoyer à mon adresse. Ou encore comment il a su pour la date de mon anniversaire. Mais aujourd'hui, ces questions sont subsidiaires.

L'important, c'est sa santé. C'est avant tout un être humain, avant d'être un mystère pour moi. La découverte de son passé m'a permis de beaucoup plus l'humaniser, même si je dois toujours garder en tête que c'est un meurtrier.

J'appréhende nos « retrouvailles ».

J'appréhende son état.

J'étais de très bonne humeur en ce début de matinée, mais me voilà submergée par une vague d'angoisse.

Ce n'est pas de l'appréhension ce que je ressens. Mais de la peur.

Et s'il s'en foutait royalement de moi ?

Et s'il ne voulait pas me voir ?

Je crains de mettre monter la tête, pendant trois mois, pour rien.

Je dois me reprendre.

Alors, j'inspire puis j'expire.

Et je me reconcentre.

J'attends toujours devant le réfectoire. Mais Guillaume me voit et me salue. Puis il me tend le charriot des plateaux-repas.

J'effectue petit à petit la distribution de ces derniers.

J'avance au fur et à mesure dans l'aile Est.

Je vois la porte de la cellule n° 3 se rapprocher.

Puis je me retrouve juste en face d'elle.

Mon cœur bat la chamade.

Je toque.

Et j'ouvre la porte.

La cellule n°3.Nơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ