5 Sybille

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Sybille

Obnubilée par ce couple, j'ai consulté des fichiers à la mairie et ainsi appris qu'Yvan Leface habitait son immeuble depuis quatre ans. En allant sur internet, j'ai retrouvé une photo, me confirmant qu'il était bien l'homme que j'avais suivi. J'en savais aussi plus sur son activité professionnelle. Il est responsable marketing. Il a occupé cette fonction dans plusieurs sociétés en France et à l'étranger et j'ai les coordonnées de son entreprise actuelle. Pour m'assurer qu'il est toujours à ce poste, j'ai appelé le standard qui n'a pas été surpris de ma demande et m'a transféré à son secrétariat. N'ayant jamais eu l'intention de lui parler, j'ai raccroché avant que quelqu'un ne me réponde, satisfaite d'avoir eu l'information que j'espérais.

Pour continuer sur ma lancée et surtout poussée par ma curiosité, j'ai décidé, après le travail, de me rendre sur place en bus. Je n'ai toujours pas le permis.

Facile d'accès, je n'ai rencontré aucune difficulté pour me retrouver au pied du bâtiment correspondant à l'adresse. L'immeuble abrite plusieurs sociétés. Mon courage ayant atteint ses limites, je préfère rester à l'extérieur et je m'asseois sur un banc à proximité duquel, je peux observer l'entrée. Je n'ai rien de précis en tête et pourtant pour la première fois, je suis déterminée. Mon destin est en route. Il dépend de cet homme. Je n'ai plus qu'à l'attendre.

Déjà dix-neuf heures. Cela fait plus d'une heure que je suis postée là. Par chance, la météo est propice. Soudain, je le vois sortir. Je ne me lève pas immédiatement. Je ne veux pas qu'un lien puisse être fait entre ma présence durable sur ce banc et son arrivée. Et je n'ai pas besoin non plus de quitter mon point d'observation pour le voir monter dans sa voiture et partir. Je suis un peu déçue. J'aurais aimé pouvoir le filer comme la première fois. Je l'ai revu, c'est déjà ça et en prime, je sais maintenant dans quelle véhicule il se déplace. Je n'ai plus rien à faire ici.

En revenant sur mes pas pour rejoindre l'arrêt de bus, je me retrouve derrière deux femmes sorties du même hall qu'Yvan Leface. Elles sont en pleine conversation. J'accélère pour me rapprocher et les écouter.

« ...Il n'est pas dans ses bons jours, il a la direction sur le dos.

— Ce n'est pas une raison pour me traiter comme ça !

— Ne t'inquiète pas, il a toujours été spécial ce type. Juste après son arrivée, il m'a invitée un soir au resto. Son argument avait été de me dire que comme on allait travailler ensemble, autant faire mieux connaissance. J'avais trouvé l'idée sympa. Et effectivement on a passé un bon moment au resto et comme tout se passait bien, je lui ai proposé d'aller boire un dernier verre chez moi. Il a décliné. Et le lendemain, il a été odieux. Je n'ai rien compris.

— Mais, il est super cool avec toi !

— Disons que de l'eau a coulé sous les ponts depuis et heureusement, parce que sinon je n'aurais pas pu rester son assistante.

— Et tu as fait quoi pour qu'il change d'attitude ? »

Devant bifurquer vers mon arrêt, je n'entends pas la réponse. Dommage, j'aurais bien aimé en savoir plus. A ma surprise, elles se postent de l'autre côté de l'abri et quelques minutes plus tard, montent dans le même bus que moi.

Usant de mon « Invisibilité », je décide de m'asseoir face à elles pour reprendre le fil de leur échange et pour observer leur visage. Celle qui semble être le souffre-douleur de son supérieur doit avoir une quarantaine d'années et ses traits tirés expriment effectivement une journée difficile. Son visage contraste avec celui de sa collègue plus jeune, dont le maquillage parfait souligne sa fraîcheur et laisse supposer qu'il a été retouché récemment. Elles ne tiennent bien sûr pas cas de ma présence et continuent leur discussion même si elles ont baissé d'un ton, confidentialité de leurs propos oblige :

Rien ne peut m'arriverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant